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Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) : La réglementation des changes qui bouscule les habitudes

Depuis la fin du dernier trimestre de l’année 2018, les usagers des établissements de crédit et des organismes spécialisés en transferts rapides en zone Cémac (Communauté économique et monétaire des Etats de l’Afrique centrale) ont constaté des changements notables dans le traitement de leurs opérations à l’international (hors zone Cémac).

En effet, pour les agents économiques ayant recours aux transferts rapides pour les frais d’écolage de leurs enfants à l’étranger, pour le soutien familial dans le pays d’origine ou pour tout autre motif, il faut désormais se lever aux aurores et attendre des heures pour espérer faire partie de la short-list journalière des personnes autorisées à envoyer un montant plafonné par destination.
Pour les clients des établissements de crédit et autres établissements financiers, parmi lesquels les organismes de transfert rapide (Moneygram, Western Union, Ria…) et autres importateurs de biens et services, les conditions et les délais de traitement des opérations de transfert hors zone Cémac sont devenus beaucoup plus restrictifs du fait de la nouvelle réglementation des changes en zone Cémac. Cette nouvelle réglementation, qui abroge celle du 19 avril 2000, est en préparation par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) depuis 2016 après que le prix du baril a atteint son plus bas niveau le 16 janvier de la même année à 27.5 dollars, sonnant le glas des années fastes (2011-2014) durant lesquelles le cours moyen était au-dessus des 100 dollars.
En effet, la crise du secteur pétrolier, entamée au second semestre 2014, a été particulièrement dévastatrice pour la zone Cémac où 5 des 6 pays membres tirent l’essentiel de leurs revenus de la rente pétrolière. Ainsi, la zone a vu ses avoirs extérieurs baisser de manière drastique au point d’atteindre des niveaux inférieurs à 20 % de couverture des besoins d’importation et exposant la Cémac au spectre de la dévaluation de sa monnaie vis-à-vis de l’euro, principale zone d’importation de biens et services. La BEAC n’a eu d’autre choix que de mettre à jour le dispositif de régulation de son régime des changes afin de maintenir la soutenabilité externe du XAF (franc cfa d’Afrique centrale) grâce à la reconstitution et la consolidation du stock des avoirs extérieurs à hauteur de 5 mois d’importations minimum. Cela passe par une gestion optimale et un contrôle renforcé des flux entrants (recettes d’exportation, investissements directs étrangers, emprunts…) et sortants (règlement d’importation de biens et services, opérations en capital, règlements dividendes, prêts, investissements en portefeuille…).
Ainsi plusieurs réformes majeures sont entrées en vigueur et ont entrainé un bouleversement dans les habitudes des usagers de la zone.
S’agissant des flux entrants :
• tous les produits d’exportation (pétroliers, miniers, industriels du bois) résultant d’une vente ferme d’opérateurs économiques résidant en zone Cémac doivent désormais être domiciliés auprès d’une banque commerciale de la zone dans un délai de 150 jours à compter de la date d’exportation. 70 % des recettes d’exportations doivent désormais être rétrocédés à la banque centrale par les banques commerciales qui ne pourront donc conserver que les 30 % restants pour la couverture des besoins courants de leurs clientèles.
• Les investissements directs étrangers doivent être déclarés à la BEAC et au ministère de l’Economie du pays de résidence 30 jours au moins avant leur réalisation.
• Les emprunts contractés en dehors de la zone Cémac doivent dorénavant être déclarés auprès de la BEAC et du ministère de l’Economie du pays de résidence par les opérateurs économiques requérants avec un dossier complet y relatif (contrat, échéancier, acte autorisant les personnes autorisées à contracter cet emprunt au nom de l’opérateur, les comptes sociaux…).
S’agissant des flux sortants :
• toutes les importations de biens font l’objet d’une déclaration d’importation auprès des douanes et au-delà de 5 millions de Fcfa doivent être domiciliés auprès d’une banque de la zone Cémac.
• Toutes les importations de services font l’objet d’une déclaration auprès des autorités compétentes et au-delà de 5 millions de Fcfa doivent être domiciliés auprès d’une banque de la zone Cémac.
• Les investissements directs des résidents Cémac à l’étranger sont soumis à l’autorisation préalable de la BEAC. Les augmentations de capital doivent être déclarées à la BEAC dans les 30 jours suivant leurs réalisations.
• Les prêts octroyés à destination de bénéficiaires offshores par les opérateurs résidents font l’objet d’une autorisation préalable de la BEAC sous réserve de la constitution d’un dossier complet y relatif (contrat, échéancier de remboursement, états financiers certifies, engagement de rapatriement des remboursements,…) et doivent être déclarés 30 jours après leur réalisation auprès du ministère de l’Economie du pays de résidence.
• La détention et l’ouverture d’un compte en devise off-shore par une personne morale résidente en zone Cémac sont désormais proscrites et les comptes à l’étranger des personnes physiques résidentes en zone hors Cémac doivent désormais être déclarés.
• Les virements des expatriés (économies sur salaires, indemnités de fonction, primes et autres revenus) sont désormais strictement encadrés.
• Les revenus locatifs des non-résidents, des résidents étrangers ou toute autre transaction immobilière
• Les paiements des dividendes et autres remboursements de comptes courants associés font désormais l’objet de contrôles systématiques et soumis à la production de justificatifs spécifiques.
• Les achats de devises pour motif de voyage sont plafonnés à 5 millions de fcfa par voyage.
• Les opérations en ligne sont également plafonnées à 5 millions de Fcfa et font l’objet d’autorisation pour des montants plus importants

La BEAC profite de ce nouveau dispositif pour renforcer le contrôle des flux de capitaux sortants, notamment en matière d’évasion fiscale et blanchiment de capitaux. Elle s’assure de l’applicabilité de ces dispositions par des notes et circulaires et interagit avec les acteurs financiers locaux afin que les délais de traitement des opérations reviennent à la normale.

 

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