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Entretien avec le chargé de la communication de l’Anareg : « …les jeunes qu’on a mis dans les postes de responsabilité roulent carrosse »

Le chargé de la communication de l’Association nationale des retraités du Gabon (Anareg), au terme de la signature du protocole d’accord avec le Syndicat national des retraités et la Confédération syndicale gabonaise (Cosyga), nous a accordé un entretien. Lors de nos échanges, il a abordé les difficultés que rencontrent les retraités gabonais, les dysfonctionnements au sein de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) non sans esquisser des pistes de solution. Lecture !

MingoExpress : Votre syndicat, l’Anareg, vient de signer un protocole d’accord avec le Syndicat national des retraités et la Cosyga pour, entre autres, formaliser des relations globales soutenues et d’intégration mutuelle dans lesquelles les parties s’engagent. Dites-nous ce qui se passe exactement entre les retraités et la CNSS ?

Mathurin Mengue Bibang : Merci… Quand on nous annonce que vous irez à la retraite, c’est avec beaucoup d’appréhension. Ce n’est pas surprenant. Certains ont falsifié leurs âges pour ne pas aller à l’âge tampon. Certains se battent même pour être député, être dans les cabinets ministériels… Pourquoi cela ? Rien que de passer de la vie active à votre statut de retraité, c’est un long parcours du combattant. La vie normale de tout citoyen, la naissance, votre scolarité (primaire, secondaire et supérieure), vous faîtes des stages, vous entrez en entreprise ou dans la fonction publique. Puis, tout homme normal accède à la retraite s’il réussit à suivre ce parcours. Rien qu’au niveau de l’accession à la retraite, rien que les formalités, autant dans certaines sociétés citoyennes il y a les services du personnel qui s’en occupent pour leurs collaborateurs, autant dans d’autres, ce n’est pas le cas. Le Gabonais lui-même doit se battre pour formaliser son passage de l’activité à la retraite.

Justement, qu’est-ce qui se passe au niveau des institutions en charge des retraités ?

Il n’y a pas de suivi. Il n’y a pas d’harmonie au sein de ces organismes. Il m’est arrivé d’accompagner un compatriote médecin retraité. On avait du mal à retracer sa carrière. Je suis allé à la direction des ressources humaines du ministère de la Santé. Ce ministère m’a dit ceci : “Les entités ne jouent pas leurs rôles”.
Le passage à la retraite devait être automatique, puisque vous êtes programmés pour aller à la retraite. Pourquoi s’étonner qu’au moment d’aller à la retraite, ça devient un long parcours ? Mais une fois les dossiers formalisés, quand vous avez la chance, quand vous ne courez pas avant, vous attendez encore longtemps. Dans le cas des travailleurs du secteur privé, à cause de certaines incompétences au niveau de la CNSS, c’est-à-dire la caisse responsable de la gestion des retraités du secteur privé, les dossiers traînent dans les bureaux. Au niveau du secteur public, vous ne savez même pas qui est votre interlocuteur. Mais quand vous avez de la chance de recevoir votre première pension, c’est vraiment infime parce que jamais re-paramétré depuis 1975. Depuis lors, les salaires ont connu des hausses, mais pas les pensions retraites. Alors que, dans la loi, il est inscrit que chaque année, votre pension doit être arrimée au taux d’inflation. Ce qu’ils refusent de faire. Ça veut dire qu’une fois retraité, ce qui serait mieux pour eux, c’est de vous voir mort. Ce qu’on a aussi découvert est que, dans certains cas, ils monnayent pour que vous receviez votre première pension. Parce que le plus difficile, malgré votre statut de retraité, c’est que vous êtes soumis aux mêmes charges que quand vous étiez en exercice. C’est-à-dire que vos enfants, que vous avez soutenus pendant leur scolarité, terminent leurs études, rentrent et n’ont pas de boulot. Vos enfants vont vous faire des petits-enfants et vous participez à l’achat de la layette en puisant dans votre maigre pension. Pendant ce temps, les jeunes qu’on a mis dans les postes de responsabilité roulent carrosse, ne parlent que de milliards de francs. Regardez les procès qui ont lieu à la cour criminelle spéciale aujourd’hui : “J’ai donné 20 milliards…”. Ce n’est jamais aux retraités qu’on les donne. C’est toujours aux mêmes personnes.

Vous avez évoqué le taux d’inflation plus haut. Pouvez-vous être plus explicite ?

Quand je parle du taux d’inflation, sous d’autres cieux, lorsque vous êtes retraité, vous avez des avantages. Les taxes de réduction dans les établissements publics de consommation, des transports, de soins, etc. Pourquoi ça ne se fait pas chez nous ? Et ne soyez pas étonné demain, comme on parle bientôt d’élections, on va dire, “on a pensé aux retraités”. Ça ne sera que des annonces. Plutôt que de mener une vie paisible, nous sommes obligés de nous organiser en association nationale des retraités. Nous qui avons encore un peu de punch pour accompagner les retraités de 70 ans et plus qui habitent l’arrière-pays. Il y a ceux qui sont grabataires. On leur dit de venir au chef-lieu. Après on leur dit que le monsieur qui doit les payer a disparu avec leur argent. Ça veut dire qu’on n’a même pas réfléchi pour que tout le monde perçoive la pension à la même période. Comme vous êtes locataire, le paiement de votre loyer est exigé à la même date. Nous qui avons encore les enfants à l’étranger, nous avons signé un contrat de bail à une certaine date. Imaginez qu’on vous annonce que les pensions sont payées à telle période et qu’on ne paie pas !

Au regard de tous ce que vous dénoncez, quelles pistes de solutions préconisez-vous pour le redressement de la CNSS ?

Notre piste de solution est de nous mettre dans des comités qui réfléchissent pour organiser la CNSS. Parce que pour avoir travaillé de longues années durant et pour être aujourd’hui à la retraite, nous savons ce qu’il faut pour les retraités. Nous avons donné à la CNSS, pour être organisée, des pistes de solutions réalisables. Parce que quand on dit que la CNSS ne peut plus payer, allez-y voir leur train de vie. On vous dit que la CNSS risque une faillite, allez-y voir leurs parkings automobiles. On vous dit qu’un directeur de la CNSS, quand il a fait des recouvrements, a des primes de 10 millions de francs. Imaginez combien de pensions 10 millions de francs peuvent payer ! Alors, il suffit à ce monsieur, qui s’octroie des primes, de faire 20 missions dans l’année et ça lui fait 100 millions de francs, en plus de son salaire qui est totalement inexpliqué.

Comment est calculé actuellement le taux de la pension retraite ?

La retraite est calculée sur une période de vos derniers salaires. On vous fait une moyenne. Il y a certains qui ont perdu 90 % de leurs revenus. Aujourd’hui, on prélève les retraites sur un plafond de 1,5 million. Mais il y a, parmi les retraités, ceux qui gagnaient 7, 8 ou 10 millions dans leur vie. Et le changement, imaginez ! On va vous dire qu’ils ont investi. Vous pensez qu’un Gabonais ordinaire réussit à investir comme on voit des jeunes qui montent des châteaux, des palaces un peu partout ? Qu’on arrête de rêver ! Pour me répéter, nous allons désormais nous occuper de tous les pans qui concernent le traitement des retraités. Parce que nous en avons des capacités. Certains, parmi nous, après leurs activités, ont créé des cabinets. On fait venir des cabinets de l’étranger, à l’exemple du cabinet McKinsay, pour travailler pour le bien-être des Gabonais avec une facture d’un milliard de francs. Ce que les médecins gabonais savaient déjà faire. Donc, il faut arrêter cette gabegie. Et nous nous engageons là dedans et c’est notre détermination. Et l’acte que nous posons ce jour, c’est justement les prémices. Parce que nous sommes en train de travailler aujourd’hui avec la plupart des confédérations syndicales. Que ce soit des retraités ou des actifs qui ont inscrit la problématique des retraités dans leur feuille de route. C’est un problème qui nous concerne tous. Sauf si vous êtes d’une autre planète ou si vous ne serez pas retraité demain. Là, il faut me dire comment vous allez faire.

Votre mot de la fin ?

Il est sur deux axes. Au niveau de la CNSS, on nous a mis un administrateur provisoire en supprimant le Conseil d’administration et le comité de direction. Nous voulons savoir quel est cet acquis qui permet à un administrateur provisoire, quelles que soient ses compétences, de diriger un géant comme la CNSS ? Il faut mettre fin à ça. Il faut que la CNSS revienne à un fonctionnement normal. Pour les retraités du secteur public, il existe une caisse de pension et de prestations familiales qui, aujourd’hui, n’a pas tous les outils pour travailler. Pour avoir travaillé justement avec cette caisse, nous avons vu que ce sont des personnes volontaires, compétentes et à l’écoute, mais qui sont bloquées par le fait que leur structure n’est pas autonome comme la CNSS. Elle ne sert que de boîte aux lettres. Tout est rattaché au ministère du Budget. Donc, nos axes de travail seront la CNSS et le ministère du Budget pour essayer de mettre tout ça de manière à ce que le retraité fasse recours à sa stabilité et qu’on le traite comme il faut. Rien que par le droit d’aînesse. En Côte d’Ivoire, par exemple, où nous avons été récemment travailler avec la caisse de pension, les retraités sont payés avant les actifs. Ils nous ont dit que c’est par respect pour leurs âges. Est-ce à dire qu’au Gabon on ne respecte pas les gens du 3ème âge et plus ?

Propos recueillis par C.O.

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