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Entretien avec Maître Nlere Zene (Celui qui montre la voie) au Gabon : « Nous préférons valoriser les dieux d’ailleurs que ceux dont Dieu le Créateur nous a dotés »

« On peut gagner une élection au Gabon par les urnes, mais pour s’asseoir sur le fauteuil présidentiel, il faut d’abord aller à la source pour avoir l’onction des ancêtres ». Cette déclaration nous été faite récemment par le conseiller 8 du bureau de l’Assemblée générale et comité permanent de la Plate-forme citoyenne et politique « Gabon d’abord » lors de l’entretien qu’il nous a accordé à la suite de l’une de leurs plénières hebdomadaires.

Mingo : A la prise de votre parole, il y a quelques minutes, pendant la plénière, vous vous êtes présenté comme prêtre bwitiste et porte-parole des tradi-praticiens et vous avez dit que l’alternance politique ne peut être possible au Gabon qu’après avoir emprunté la voie mystico-spirituelle. Comment l’expliquez-vous ?

Maître Nlere Zene : Si je l’ai dit, c’est parce que c’est la vérité. Il faut d’abord retourner à la source, rencontrer nos ancêtres, pour résoudre ce problème. La source du problème n’est pas politique. Elle est mystico-spirituelle. Comme je l’ai évoqué à la plénière, il y a des gens dans ce pays qui ont signé des pactes diaboliques. C’est pour cela que le Gabon est pris en otage sur le plan mystico-spirituel et régresse à grands pas. On ne peut pas prétendre vouloir sauver le Gabon, le diriger, sans d’abord aller honorer nos ancêtres que nous avons reniés. Nous avons renié tout ce qui nous relie à eux. Et, depuis lors, nous nous prosternons devant des dieux étrangers. Le travail qu’il faut faire est que le Gabonais retrouve d’abord son identité. C’est-à-dire qu’il doit d’abord retourner à la source, dans son village. Parce que c’est au corps-de-garde qu’on règle les problèmes.
Voyez-vous, au village, lorsque quelqu’un est un déséquilibré mental, on l’amène au corps-de-garde pour faire des rituels. Si je parle de l’être humain, c’est la même chose pour un pays. Donc, il faut que nous, les Gabonais, nous nous retrouvions dans notre corps-de-garde pour sauver le Gabon, notre pays, parce que nous sommes liés à notre terre.

Depuis 1967 jusqu’au moment où nous mettons sous presse, ce sont les Bongo qui dirigent le Gabon. Nous apprenons qu’ils ne sont pas allés à la source. Nous apprenons également qu’à chaque élection présidentielle leurs adversaires ont toujours été élus après de multiples cérémonies traditionnelles. Pensez-vous que ces cérémonies ne sont pas le fait d’aller à la source ?

Elles sont insignifiantes parce que quand on retourne véritablement à la source, on doit avoir des résultats positifs. Je vais vous dire, au Gabon, par exemple, nous avons des entités, dont la reine mère des eaux. C’est elle qui gère le pays. C’est l’entité qui détient toutes les richesses du Gabon. Dans notre pays, il y a une sirène et un siroi que le commandant Cousteau avait d’ailleurs vus. Or, les gens ne vont souvent à la Pointe-Denis que pour visiter la mère des côtes qui n’a rien à avoir avec la reine mère des eaux. Qu’est-ce que ces hommes politiques font ? On leur remet de simples symboles. Recevoir une simple torche indigène ou un chasse-mouche devant des gens ne veut rien dire. Personne ne va se faire initier. Celui qui va accepter d’aller s’excuser et de se réconcilier avec les ancêtres par le canal d’une initiation, c’est celui-là à qui les ancêtres vont transmettre le pouvoir. Ce n’est pas un pouvoir que l’on transmet symboliquement à travers des objets devant des gens. Non, mais c’est celui qui va accepter d’aller se faire charger auprès des ancêtres, vous allez voir, c’est cette personne qui recevra les entités et occuper le fauteuil présidentiel. Mais il faut des sacrifices parce que des gens ont signé des pactes diaboliques dans notre pays. Il faut laver cette saleté.

En parlant de pactes, quels sont ceux qui les ont signés ?

Ils ont été signés entre certains qui ont d’abord dirigé le Gabon et les forces obscures étrangères. De toutes les façons, quand on voit la richesse de la France, on la regarde de haut, mais si on la regarde du bas, on constatera que, sur les 100 % de la richesse gabonaise que soutire la France, elle ne nous laisse que 3 %. Les gens se demandent pourquoi nos dirigeants n’arrivent pas à s’opposer à cela ? Simplement parce que ces pactes sont toujours mis en valeur. Pour se libérer de ce joug et être autonome, il faut d’abord aller à la source. C’est ce qui nous permettra de dire à la France la journée qu’on n’est pas d’accord avec telle ou telle chose et ne plus aller se prosterner la nuit devant ces dieux.

Revenons sur le fait de passer forcement par l’initiation pour occuper le fauteuil présidentiel. Jean Ping n’est pas initié. C’est lui qui a gagné la présidentielle de 2016 dans les urnes. Mais quand il persiste qu’il occupera d’ici peu le fauteuil présidentiel, pensez-vous qu’il ne le fera pas ?

Ceux qui me fréquentent savent qu’il ne pouvait pas prendre le pouvoir. Je l’ai toujours dit parce que c’est quelque chose qu’on a vécu. On peut gagner une élection dans les urnes au Gabon, mais, sur le plan mystico-spirituel, tant que le problème n’est pas réglé, même si tu clames haut et fort que tu as gagné, pour s’assoir sur le fauteuil présidentiel, il faut d’abord aller à la source… Jusqu’à présent, c’est ce que nous attendons. C’est pour cela qu’il faut passer ce message pour dire, oui, arrangeons le pays, mais ce n’est pas la politique pratiquée comme nous le vivons qui va arranger le pays. Il faut que nous allions à la source pour que le Gabon soit libéré sur le plan mystico-spirituel.

Confirmez-vous que c’est le cas pour les candidats aux élections présidentielles tels que Paul Mba Abessole, Pierre Mamboundou et André Mba Obame ?

Oui, c’est le cas.

A votre avis, pourquoi ces candidats de l’opposition au régime Bongo ne vont-ils pas à la source comme vous le dîtes ?

Je crois qu’ils n’ignorent pas la situation. C’est certainement par peur. Parce que la voie de l’initiation est la voie de la vérité. Vous savez, si vous décidez de vous initier, l’initiation vous impose une procédure à respecter et une conduite à tenir. Le problème de ces gens est aussi qu’ils ont trempé leurs pieds un peu partout. S’ils sont membres de certaines chambres ésotériques comme les loges maçonniques, ils ont peur d’aller rencontrer nos ancêtres parce qu’ils se disent : « peut-être qu’on va découvrir ce que j’ai et que cela va être détruit ». Ou qu’ils vont être tués ou avoir de graves problèmes. Ce qui n’est pas vrai. Si tu as d’autres choses et que tu acceptes de te faire initier pour sauver le Gabon, non seulement on ne t’enlève pas tes choses, mais l’initiation va plutôt te préparer, te protéger pour la réussite de ta mission. Surtout que l’initiation te dira la vérité si tu es apte pour cette mission ou pas.

Dîtes-nous ! Tant qu’il n’y aura pas de candidat à cette initiation pour libérer le Gabon, la reine mère des eaux va-t-elle continuer à laisser le Gabon dans les mains des Bongo ?

Il ne s’agit pas que de la reine mère des eaux. Il s’agit de tout le côté mystico-spirituel. Nous sommes dans une prison mystique parce que nos entités, nos ancêtres, ne sont pas honorés et valorisés. Les premiers dirigeants du pays ont plutôt choisi de signer des pactes diaboliques avec des entités étrangères qui n’ont rien à avoir avec des entités de lumière de notre pays. Pour remettre le Gabon sur la voie normale, il faut aller se réconcilier avec nos ancêtres afin de prendre le pouvoir. C’est à ce moment que le pays se remettra sur les rails.

Mais quand feu Albert Bernard Bongo, devenu Omar Bongo Ondimba, s’était accaparé du fauteuil présidentiel en 1967, avait-il eu l’onction de la reine mère des eaux et des autres dieux du Gabon ?

M. Léon Mba, s’il a été président du Gabon, c’est parce que le pouvoir de notre pays lui a été remis du côté mystique. C’est là-bas qu’il est allé le chercher. Est-ce que c’est sur la voie qu’il a tracée que nous sommes aujourd’hui ? Je ne pense pas. Parce que quand on parle de Gabon d’abord, ce n’est pas juste un slogan. Le Gabon est le seul pays au monde qui a la harpe sacrée. Nous avons le Mvett, nous avons des symboles forts. La harpe sacrée, c’est l’insuline divine par excellence. Mais, regardez ! Où est sa place au niveau du Gabon ? Nous préférons valoriser les dieux d’ailleurs que ceux dont Dieu, le Créateur, nous a dotés. Les gens mettent la Bible devant et se cachent derrière. Or, la harpe sacrée ne se retrouve pas au Gabon par hasard. C’est pour cela que je dis que quand on va accepter que la harpe sacrée entre à la présidence de la République et dans les autres institutions du pays, à ce moment-là vous verrez comment le pays va marcher.

Pourquoi Dieu, le Créateur, qui est au-dessus des Gabonais et de toutes nos entités dont vous faîtes état n’intervient-il pas pour établir l’ordre ?

Il faut d’abord savoir qui est le Dieu créateur. A partir de nous jusqu’à Dieu, le Créateur, il y a une importante hiérarchie. Celui que nous appelons Mokoukou-a-Kandza et qu’on appelle dans le Mvett Eyo est un Dieu que personne ne connaît. Ce qui fait que quand on attribue la création de la terre à Nzame-ye-Mebeghe (Dieu le Créateur), qu’on appelle aussi Kouma-Kengué dans le Bwiti, pour arriver à lui, il y a une hiérarchie comme dans l’organisation d’un pays. Et puis, il a établi des lois dans la nature qu’il faut respecter, mais que nous prenons plaisir à violer alors que Dieu ne viole pas ses lois. Dieu ne viole pas ce qu’il a établi.
Au Gabon, par exemple, il a établi des entités qui protègent notre pays. Si les Gabonais violent ces entités, ce n’est pas Dieu qui interviendra. Il a déjà dit aux Gabonais : « voici vos divinités qui vous protègent ». Donc, le Gabon a ses divinités comme tout pays. Il n’a plus rien à avoir avec ça. C’est l’Eglise qui a inculqué l’idée aux gens de s’adresser directement à Dieu. C’est pour cela que nous pensons que tout ce que nous faisons, Dieu a un regard là-dessus. Or, il ne s’agit pas du Dieu le créateur. Il s’agit plutôt des ancêtres de Bounguipou qui servent d’intermédiaires. Si tu ne respectes pas ton père et ta mère, ce ne sont pas tes ancêtres que tu vas respecter. C’est ce qui se passe dans notre pays.

Pour conclure notre entretien, que voulez-vous que les Africains en général et les Gabonais en particulier retiennent ?

Je leur demande de revenir impérativement à nos traditions, à nos racines, à nos sources. Parce que la tradition est l’identité mystico-spirituelle de chacun de nous. Aujourd’hui, si nous voulons que nos ancêtres soient contents de nous et que même Dieu, le Créateur, soit content de nous, il faut que nous les honorions. Le problème du Gabon aujourd’hui est celui des Africains en général. Parce que le fait qu’on a été colonisé, même au niveau de nos croyances, nous impose de réparer cette grave erreur. Déjà, du côté mystico-spirituel, le Gabon est l’un des pays les plus puissants du monde. Il suffit seulement que nous nous retournions de ce côté et vous allez voir ce qui va se passer.

Propos recueillis par C.O.

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