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Interview de M. Alfred Nguia Banda : « Grande honte aux sicaires extrémistes téké et leurs complices obamba ! »

Exilé politique en France depuis cinq ans, notre compatriote Alfred Nguia Banda, grand commis d’Etat, suit avec une attention particulière l’actualité politique dans son pays, le Gabon. C’est dans ce cadre que nous lui avons ouvert nos colonnes. Le décès de Casimir Oye Mba, sa vie d’exilé en France, l’actualité politique au Gabon constituent la trame de l’interview qu’il a bien voulu nous accorder la semaine dernière. Lecture !

Mingoexp : Le Gabon vient de perdre l’un de ses illustres fils en la personne de Monsieur Casimir Oye Mba. Votre réaction ?

Alfred Nguia Banda : Le pays est en deuil. Personne ne peut rester insensible face à cette tragédie. En effet, le pays perd là un cadre de très haut niveau dont le parcours universitaire et professionnel mérite d’être salué avec déférence. Un souvenir inoubliable restera toujours gravé dans ma mémoire. Après la désignation du candidat unique à l’élection présidentielle de 2016, Messieurs Casimir Oye Mba et Guy Nzouba Ndama décident, avec élégance, de faire campagne avec Jean Ping. A l’étape du Haut Ogooué, j’ai sollicité et obtenu des « vieux » Zacharie Myboto, Albert Yangari et Ludovic Ognagna de mettre à disposition mon véhicule personnel et d’être le « chauffeur » des trois figures emblématiques de l’union de l’opposition en campagne électorale.
Durant les trajets, les échanges sur la stratégie électorale, la répartition des thématiques et l’ordre de passage pendant les meetings et les plaisanteries entre mes trois « grands » traduisaient la bonne ambiance, l’entente, voire la complicité. J’étais très honoré et fier de conduire mes trois aînés durant leur séjour. Le jour de leur départ, le grand Oye Mba me dit au bas de la passerelle, à l’aéroport de Mvengué, « un bon petit et courtois mange à la table des grands ». Je ne pourrai oublier ces propos. Je profite de votre tribune pour présenter mes sincères condoléances à ses épouses, ses enfants, à mon ami Christophe Akaga Mba et à toute la famille si durement éprouvée.

Le vendredi 02 octobre 2021, vous totaliserez cinq ans d’exil politique en France. Comment vivez-vous cet exil et quelles leçons politiques en tirez-vous ?

La date du 23 septembre 2016 est historique pour moi. C’est une date inoubliable qui restera indélébilement gravée dans ma mémoire. Je me souviendrai toujours des conditions effroyables dans lesquelles j’ai échappé à la mort quand j’ai été attaqué, en plein jour, par les éléments de la gendarmerie de recherche, des conditions dans lesquelles j’ai dormi en forêt et ai quitté le territoire gabonais avec une double fracture de la cheville droite, de l’opération chirurgicale que j’ai subie pendant 2h 45 minutes à l’hôpital américain de Paris. Mais bon.. David, dans le psaume 34, verset 30, écrivait : « Le malheur atteint souvent le juste, mais l’Eternel l’en délivre toujours ». Et de Gaulle de déclarer : « les hommes de caractère s’affirment dans des situations difficiles ». Grande honte aux sicaires extrémistes téké et leurs complices obamba !
Mon exil ne peut pas être un enfer, surtout dans un pays où j’ai fait toutes mes études supérieures, où j’ai beaucoup d’amis de toutes nationalités et un pays que je connais parfaitement. Mon exil constitue un grand moment de restructuration et de reconstruction de ma personnalité. C’est un véritable moment d’épanouissement multidimensionnel. Mon exil est également une occasion très propice pour mes enfants qui apprennent sereinement dans les meilleurs établissements scolaires de France. Le bonheur de chaque personne est de sa propre responsabilité. Il est partout. Il faut seulement savoir l’extraire.

Et les enseignements politiques à tirer de votre exil ?

Les enseignements politiques que je peux en tirer reposent sur ma vie en France et mon analyse holistique de la situation apocalyptique du Gabon. En France, j’ai repris mes activités de militant socialiste dans ma section. J’ai été très content de revoir mes anciens camarades et faire la connaissance de nouveaux. C’est donc une bonne occasion pour moi d’asseoir davantage ma culture politique et de rencontrer les acteurs politiques français de tous bords. Pourquoi ça qui concerne le Gabon ? Mon analyse, comme celle de la majorité des Gabonais, m’amène à conclure que notre pays est dans un état de mort clinique. Tous les indicateurs macro politiques, économiques et sociaux sont au rouge.
La parole politique est lamentablement rabaissée, démystifiée et inaudible. L’émergence d’un bloc de haines enkysté dans le tissu social constitue une redoutable menace pour le pays. Il faut souligner aussi la perte d’influence et de crédibilité de la parole du Gabon dans l’arène internationale. Quand un responsable politique de premier plan, toujours aux abonnés absents, ne fait plus entendre la voix de son pays dans les conférences et forums internationaux, le discrédit s’installe. Telle est honteusement la triste réalité que vit notre pays.
Enfin, le naufrage socio-économique abyssal marqué par des fractures et des inégalités qui se creusent de façon exponentielle à telle enseigne que des Gabonais vont maintenant en masse s’achalander dans des décharges publiques. La dette publique de sept mille milliards de francs cfa vient hypothéquer dangereusement l’avenir du pays et de sa jeunesse. Cette jeunesse frappée durement par un chômage structurel systémique et endémique. Il faut noter également l’omniprésence de cette oligarchie ploutocratique constituée en réseaux mafieux qui fait toujours main basse sur les richesses du pays. La gestion opaque et irrationnelle des ressources humaines et la lapidation inadmissible des intelligences sont des faits qui concourent à la destruction évidente de notre pays.
Face à cette situation désastreuse, je reprends à mon compte ce que disait le philosophe Bachelard : « le futur, ce n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Alors qu’est-ce que nous devons faire à ce pouvoir usurpateur, pris en flagrant délit d’incompétence, aveugle et sourd, pour sauver le pays ?
L’unité des oppositions devient de plus en plus un impératif. Continuer le combat politique avec conviction, ténacité et endurance, car les batailles de la vie ne sont pas toujours gagnées ni par les plus forts ni par les plus rapide, mais par ceux qui n’abdiquent jamais. Il est plus que temps que le peuple gabonais regarde la réalité en face. Il doit prendre toute ses responsabilités. Un peuple qui ne veut pas se libérer de ses chaînes les mérite. Le peuple gabonais ne doit pas subir l’avenir. Il doit le faire. Aristote déclarait : « c’est pendant nos moments les plus sombres que nous devons nous concentrer pour voir la lumière ».

Le gouvernement vient de prendre un projet d’ordonnance excluant les exilés de se présenter à l’élection présidentielle de 2023. Vous êtes concerné par cette mesure puisqu’une rumeur court sur votre candidature. Etes-vous déçu ?

Blaise Pascal disait : « l’homme n’est ni ange ni bête, mais qui fait l’ange fait la bête ». Ce n’est pas en révisant en permanence la Constitution ou en prenant des lois scélérates que ce pouvoir usurpateur gagnera honnêtement les élections dans l’urne. Le refus systémique de mettre en mouvement la procédure référendaire pour engager de grandes réformes constitutionnelles crédibles prouve à suffisance la peur névrotique qui habite ce pouvoir. Ces révisions absurdes et anti-démocratiques témoignent des dérives autocratiques d’un pouvoir aux abois. Marxiste Tullius déclarait à juste titre : « plus l’effondrement d’un empire est proche, plus ses lois sont folles ».
Que les exilés ou d’autres Gabonais vivant à l’étranger se voient injustement exclus, l’opposition locale présentera, à minima, des candidats que nous soutiendrons. Par manque d’intelligence de situation, les tenants du pouvoir usurpateur ont rendu un merveilleux service en limitant déjà le nombre de candidats de l’opposition. Par le truchement de votre journal, je vais réitérer ma proposition d’une rencontre à Montpellier, en France, des oppositions, plus les dignitaires de la République et des membres de la société civile épris de démocratie et de transparence électorale.

Pensez-vous que cette initiative pourra aboutir ?

Je souhaite que cette initiative rencontre l’adhésion de tous les leaders de l’opposition. Cette proposition revêt un caractère très important, car il s’agira d’aplanir certaines divergences, d’élaborer une stratégie commune dont je ne peux vous livrer la quintessence, d’adopter un code de bonne conduite entre les candidats des oppositions, de signer une charte de gouvernance commune. J’échange avec certains responsables des partis politiques qui trouvent judicieuse cette proposition.
Cette attitude minable et anti-démocratique d’écarter les exilés de la compétition électorale me pousse à poser une question. Que faire d’un prétendu président de la République qui est absent des conférences internationales et incapable d’entreprendre une tournée dite républicaine à l’intérieur du pays comme jadis ? Sa disqualification paraît évidente.
La commission médicale à laquelle tout candidat à l’élection présidentielle doit se soumettre devra être interpellée sur d’éventuelles manipulations des examens. Les analyses des examens prélevées par la commission médicale devront être acheminées vers un laboratoire en France…

Pourquoi en France ?

Pour une raison simple. La neutralité du laboratoire et la transparence des résultats.

La visite de votre ami Alexandre Barro Chambrier dans le Haut-Ogooué a connu des fortunes diverses, notamment à Okondja où il aurait été agressé verbalement et sur la route d’Aboumi où un Canter a été placé sur un pont pour lui barrer la route. A ces incidents s’est ajouté l’incendie de la villa de M. Jean Pierre Lemboumba Lepandou. Que dîtes-vous de ces incidents à répétition dans le Haut-Ogooué ?

J’ai suivi de très près la tournée de mon ami Chambrier. En toute objectivité, son séjour a été une réussite totale comme lui-même l’a bien dit lors de sa conférence de presse. Mon jeune cadet Rekoula a fait un reportage très édifiant. Mon ami Chambrier et sa délégation ont été très bien accueillis.
Le Haut-Ogooué n’est la chasse gardée de personne. Cette province vit les mêmes souffrances, le même sous-développement, les mêmes précarité et pauvreté que les huit autres. Le chômage frappe durement les jeunes Altogovéens comme partout ailleurs.
L’incendie qui a ravagé la villa de mon grand-père Lemboumba Lepandou est d’origine criminelle. La justice, saisie, n’a diligenté aucune enquête. Mais bon… Ceci explique cela. Notre justice est honteusement instrumentalisée. La petite frange de magistrats dont le profil universitaire et la compétence ne peuvent souffrir d’aucune contestation est écartée des postes de responsabilité. C’est une justice de passe-droit et corrompue jusqu’à la moelle épinière. Les acteurs politiques sont injustement jetés en prison sans respecter les procédures requises. Le cas de mon cadet Bertrand Zibi est la parfaite illustration. La justice gabonaise, aux ordres, n’a pas d’âme. C’est triste. Nous attendons toujours les premiers résultats de l’enquête de l’incendie du domicile de M. Jean Pierre Lemboumba Lepandou.

Votre mot de la fin.

Jean Jaurès disait : « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ». Oui, le Gabon, notre pays, que nous aimons tant est un malade agonisant qui nécessite une thérapie efficiente. L’opposition gabonaise et ceux qui aiment ce pays, au-delà des intérêts personnels, ne doivent pas être insensibles à ce naufrage. Réveillons-nous comme un seul homme pour sauver notre pays aux mains de prédateurs et des forces du mal ! « Personne n’est plus détesté que celui qui dit la vérité », disait Aristote.

Monsieur Nguia Banda, Merci !

C’est moi.

Propos recueillis par GPA

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