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Jean Rémy Yama : « Je dois défendre mon salaire ! »

A l’avant-veille de la grande Assemblée générale qu’il a animée le mercredi 11 juillet, le président de Dynamique unitaire, Jean Rémy Yama, nous accordé une interview le lundi 09 juillet 2018 au siège de sa structure située au quartier Awendjé. Lors de cet entretien qui a tourné autour des récentes mesures gouvernementales, il indiquait déjà ce qu’allait être le contenu de l’AG de mercredi dernier. Lecture !

Migoexpress : Jean Rémy Yama, bonjour ! Vous êtes le président de Dynamique unitaire qui est en ébullition depuis quelques jours. Les raisons de ce branle-bas de combat ?

Jean Rémy Yama : Bonjour ! Merci. Effectivement je suis le président de la confédération Dynamique unitaire. Par rapport à ce qui se passe actuellement dans le pays, ou par rapport à l’ébullition à laquelle vous faîtes allusion, Dynamique unitaire n’est pas seul. Nous avons le syndicat du ministère de la Communication, celui de la Fonction publique, des Transports, bien que non membres de Dynamique unitaire, qui sont avec nous.
Pour les raisons de l’ébullition, juste vous rappeler qu’en date du 21 juin, le Conseil des ministres, présidé par Ali Bongo Ondimba, a pris un certain nombre de mesures. Des mesures qui ne sont pas du goût des travailleurs, car vous ne pouvez pas, sous le prétexte de la pression du FMI et de la crise économique, décider de bloquer la carrière des agents, décider de réduire les salaires sans concertation préalable avec les partenaires. C’est déjà un mépris vis-à-vis de nous. En même temps, nous comprenons aussi pourquoi ils nous ont écartés. Ils savaient que nous ne marcherions pas. Nous ne pouvons pas l’accepter dans la mesure où, si l’objectif est d’économiser près de 70 milliards, sinon 68,77 milliards dans la loi de finance rectificative, nous pouvons montrer au gouvernement là où il y a des niches financières afin d’aller récupérer cet argent.
Vous savez, le défunt président, feu Omar Bongo, pendant son long règne, malgré les crises qu’il avait subies, n’avait jamais osé faire payer aux travailleurs la mauvaise gestion gouvernementale. La mauvaise gestion d’aujourd’hui a commencé depuis fin 2015 et s’accentue davantage à cause du régime actuel. Rappelez-vous que, entre 2009 et 2015, on a eu plus d’argent par le pétrole qu’entre 1973 et 2009. Et, en même temps, au regard des chiffres, nous avons multiplié par trois, voire par quatre, notre endettement. On a donc eu une grande masse financière, mais qu’est-ce qu’on en a fait ? Aucun bâtiment administratif n’a été construit puisque l’Etat est locataire à plus de 90 %. Il n’y a pas eu de logements sociaux, pas d’écoles construites… Nous ne sommes donc pas responsables de cette situation.
En somme, les travailleurs rejettent en bloc toutes les mesures d’austérité qui visent à diminuer le pouvoir d’achat des travailleurs qui souffrent déjà de l’augmentation des prix et de la cherté de la vie. Le carburant augmente et il va encore augmenter pour atteindre des montants inimaginables. L’eau et l’électricité augmentent à la SEEG, la CNAMGS a augmenté… Pour toutes ces raisons, nous avons demandé aux travailleurs, particulièrement aux agents publics, à la main-d’oeuvre non permanente, de venir à l’assemblée générale à Awendjé le mercredi 11 juillet 2018 pour lancer un message fort à Ali Bongo Ondimba parce que c’est lui qui est à l’origine de tout ça. C’est lui qui préside le Conseil des ministres où ces décisions sont prises. Nous dirons à Ali Bongo que si le 25 juillet les salaires des agents sont touchés, nous n’aurons pas d’autre choix que de poser des actes certes républicains, mais qui auront pour objectif de mettre ces mesures hors d’état de nuire.

Vous pointez du doigt Ali Bongo comme étant le principal responsable de la crise. Ce monsieur a une arme fatale dont vous-mêmes avez été victime, car il vous a jeté en prison, c’est celle de la violence. De nombreux Gabonais ayant peur de la violence d’Ali Bongo, ne craignez-vous pas de ne pas être suivi ?

C’est vrai, la violence est son arme fétiche. Mais il n’y a pas que les agents publics qui seront touchés. Directement ou indirectement, une large majorité de la population sera touchée. Les militaires aussi le seront. Sauf si ça change, mais le communiqué était clair. Lorsqu’on parle des agents publics, il s’agit des agents civils et militaires. C’est tout le monde qui sera sur bons de caisse et c’est tout le monde qui sera touché.
Mais qu’à cela ne tienne ! Même s’il a les forces de sécurité, nous n’allons pas nous comporter en victimes pour dire qu’on ne peut plus rien faire parce qu’on a peur de l’armée. Moi, je défends mon salaire et mon salaire, je le mérite. Je ne l’ai pas volé. Ce sont les textes réglementaires qui me l’octroient. J’ai fait des études et à la fonction publique on est rémunéré en fonction de l’ancienneté et de la qualification. Je ne vois pas pourquoi je ne défendrai pas mon salaire. Même contre vents et marées, même face aux militaires, moi, individuellement, je dois défendre mon salaire. J’invite Dynamique unitaire et les autres associations qui sont avec elle, mais aussi tous les Gabonais à avoir ce comportement. Notre message s’adresse également à ceux qui ne seront pas touchés dans la première vague pour dire : ne tombez pas dans les sirènes de la division. Oui, le gouvernement veut diviser les travailleurs en faisant croire à ceux qui gagnent moins de 650 mille que vous n’allez pas être touchés et vous ne devez pas être solidaires de ceux qui gagnent plus. C’est du mensonge. Rappelez-vous, le 7 janvier 2017, Dynamique unitaire avait annoncé que les salaires devaient être touchés. Le ministre de la Fonction publique de l’époque, Ogandaga, s’était précipité dans les médias pour démentir énergiquement cela en disant que c’est faux, qu’il n’y aura jamais réduction et que ce n’était pas à l’ordre du jour. Vos confrères du quotidien l’union en avaient fait leur Une. Où en sommes-nous ? Les salaires sont bien touchés et l’objectif du gouvernement c’est de frapper tout le monde. Mais comme il ne peut pas frapper tout le monde du coup, il frappe d’abord ceux qui gagnent plus en espérant désolidariser ceux qui gagnent moins et lorsque ceux qui gagent plus seront fatigués, alors on frappera ceux qui gagnent moins. Voilà pourquoi nous voulons attirer l’attention de tous les travailleurs pour leur dire que ces mesures-là nous concernent tous malgré le tapage des syndicalistes porte-parole du gouvernement. Vous les reconnaitrez à travers leurs propos. Vous les reconnaitrez parce qu’ils sont les seuls à passer dans les médias publics. Mais malgré cela, les travailleurs ne doivent pas succomber aux sirènes de la division. Nous devons tous nous lever, que l’on gagne 650 000 F ou plus. Les mesures gouvernementales concernent tous les travailleurs. Les mesures d’austérité, c’est pour tout le monde et nous devons lutter contre ça. Donc, face aux militaires ou aux gendarmes, moi, personnellement, s’il faut marcher je marcherai même seul avec ma pancarte pour défendre mon salaire. Je dis bien seul. Evidemment, je serai accompagné de ceux qui mangent mon salaire aussi, car je ne le mange pas seul. Ce qui veut dire que ce n’est pas un problème des travailleurs seulement, les familles aussi sont concernées. Tous ceux qui, de près ou de loin, mangent le salaire de Yama, sont invités à venir défendre le salaire de Yama. C’est une affaire nationale et sociale. Maintenant si on doit être gazé ou tué, alors je vais accepter de mourir parce que je défendrai mon salaire. Ali va prendre ce salaire pour en faire ce qu’il voudra, mais ce n’est pas grave.

Alors que répondez-vous à Ali lorsqu’il dit que même si vous revendiquez, il ne peut pas vous donner de l’argent qu’il n’a pas à cause de la crise ? Etes-vous convaincus lorsqu’Ali vous dit qu’il est fauché ?

Il est où en ce moment ?

Je ne sais pas. Dites-le moi.

En tout cas il n’est pas là. Il est en train de se pavaner. Il est en vacances. Vous avez vu le comportement de certains membres du gouvernement pendant l’enrôlement où des trains entier, des véhicules entier, des cars entiers ont été affrétés. Où on a remis de l’argent en espèces. ça se distribuait dans la rue. Et vous pensez que c’est là le comportement d’un pays en crise ? Je vous dis qu’il y a de l’argent. Que l’on supprime le décret numéro 10 qui a institué ou instauré les soldes fonctionnelles qu’on paye aux personnes qui travaillent dans un cabinet politique, que ce soit ministériel, à la primature ou présidentiel. Qu’on nous publie ce que l’Etat dépense en loyer et à qui l’Etat paye cet argent-là. Quels sont les bailleurs de l’Etat ? Il loue chez qui ? Lorsqu’on sait qu’il paye des milliards en location d’immeubles alors qu’on aurait pu les économiser dans les quelques bâtiments administratifs qui lui restent encore, quitte à se serrer là-dedans, parce que c’est ça la crise. Elle doit aussi être visible par le train de vie de l’Etat à l’extérieur.
La présidence de la République a 1 586 fonctionnaires dont 482 nommés. Les 40 % qui ont été réduits concernent les 482 nommés. Mais vous vous imaginez, l’Elysée, en France, c’est à peine 900 personnes.
Le Conseil des ministres du 21 juin avait dit quoi ? « Réduction immédiate des membres du gouvernement ». Où est-ce qu’on en est ? On dit maintenant que c’est après les élections législatives. Des élections hypothétiques dont on ne connait même pas encore les dates. Il y a d’autres aspects aussi… Si on veut rentrer dans les aspects juridiques, sur quel texte le gouvernement va-t-il s’appuyer pour ponctionner l’agent public ? On ne prend pas l’argent d’un agent public sur un coup de tête. Les prélèvements d’un agent public sont encadrés par la loi. La vérité c’est que le gouvernement avait anticipé l’adoption de l’ordonnance 16 que nous avons combattue. Mais cette ordonnance n’avait pas été ratifiée. Ils avaient jusqu’au 30 juin. Ils n’ont pas pu. Heureusement que les députés, avant la dissolution de l’Assemblée nationale, ne l’avaient ratifiée et avait renvoyé le ministre de la Fonction publique à la révision de sa copie pour qu’il revienne avant le 30 juin avec un projet de loi. Il ne l’a pas fait. Si cette ordonnance avait été adoptée, je dirai oui, car elle allait donner des armes juridiques au gouvernement pour baisser les salaires des agents publics. Quel est aujourd’hui le texte sur lequel va se baser le gouvernement pour baisser les salaires des agents publics ? Je suis désolé, c’est du banditisme. Parce que même si le gouvernement prend un décret, il faut que celui-ci s’appuie sur une loi. On modifie le salaire d’un agent public par décret, soit l’indice, on peut modifier la valeur du point d’indice, on peut modifier les indices de bonification, on peut modifier le décret fixant la prime de logement, la prime de transport, mais cela va impacter tout le monde. Mais l’opération de 5 ; 10 ; 15 %, cela n’existe pas, sauf sous forme d’impôts. Cela veut dire que cet argent prélevé doit constituer la recette et cela doit être visible dans les recettes. La loi de finances rectificative 2018 a été déjà votée. Lorsqu’ils prélèvent, cet argent va où ? Et ça s’appuie sur quel texte juridique ? Il y a beaucoup de zones d’ombre. Dans la loi de finances, ils avaient déjà diminué la masse salariale bien qu’il y ait eu plus d’argent. Mais comme leur ordonnance n’est pas passée, ils veulent faire un passage en force. Mais nous ne céderons pas.

La hiérarchie du PDG a tout de suite apporté son soutien à son gouvernement. Au regard de tout ce que vous venez d’évoquer, avez-vous l’impression que ces compatriotes vivent sur une autre planète ?

Une planète est située à un endroit. J’ai l’impression qu’ils ne sont nulle part parce qu’ils ne comprennent rien. Lorsqu’ils disent qu’ils soutiennent, cela veut dire qu’ils vont se déployer dans tout le Gabon pour expliquer ces mesures qui frappent également des PDGistes. Sont-ils écartés par ces mesures ? Omar Bongo n’avait jamais osé toucher les salaires des agents publics. Malgré les crises, il trouvait de l’argent ailleurs. Delta Synergie qui escroque la plupart des sociétés, tout ce qui est gagné dans le cadre des baux administratifs, car on sait là où cet argent part. Les agences, voilà des pistes pour ramener l’argent. Mais comme le décret 12 favorise le clientélisme politique, voilà ce qu’ils mettent en avant. La preuve, malgré le fait d’avoir annoncé cela comme une mesure urgente, ils ont été incapables de réduire la taille du gouvernement avant les élections législatives. Etaient-ils drogués lorsqu’ils ont pris cette mesure ? Trop c’est trop ! Ou ça passe ou ça casse.

Etes-vous d’accord avec ceux qui disent qu’ils ont l’impression que notre pays est géré par des non Gabonais lorsqu’ils analysent la gestion du pays par les émergents ?

Dans la façon de gérer, on a effectivement l’impression que ces gens-là n’ont pas l’amour pour leur pays. Si tu aimes ton pays, tu ne peux pas avoir brassé autant d’argent pour organiser des Can, pour faire des New York forum, pour faire dans le divertissement avec des Brésiliennes ou des courses de motos et de bateaux… On a détruit la cité de la démocratie. Rien que la démolition a coûté de l’argent pour un terrain de golf dont on ne sait où est-ce qu’on en est, sans oublier la marina…entre-temps, aucune école construite, aucun bâtiment administratif construit. On ne peut pas aimer son pays et se comporter ainsi. C’est vrai, on est en droit de se poser des questions de savoir si ces gens-là ne se comportent pas comme des non Gabonais, des gens qui estiment qu’ils sont de passage et qui n’ont pas l’amour du pays.

Monsieur Yama, merci.

C’est moi qui vous remercie.

 

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