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Que manque-t-il à l’opposition gabonaise ?

Les plus de 60 ans avaient pensé, en 1981 que, parce que François Mitterrand était arrivé à l’Elysée, la démocratie allait, enfin, éclore au Gabon. Une poignée de courageux, conduits par les Oyono Aba’a, Moubamba Nziengui, Obiang Etoughe, Bengone Nsi, décida de marcher dans les rue de Libreville, certainement pour exprimer à la France le besoin de démocratisation des Gabonais.
Dans la revue « Alternatives Sud, Vol. 17-2010 », Joseph Tonda et Mathilde Debain nous remettent d’ailleurs en mémoire que « Le 1er décembre 1981, une manifestation antigouvernementale est réprimée à la gare routière de Libreville. Des intellectuels universitaires, tous ethniquement marqués (Fang), y sont arrêtés. Avec ces événements, le Gabon entre dans une nouvelle ère. En effet, en France, la gauche arrive au pouvoir et avec elle, les discours à l’encontre de la « Françafrique » et des régimes à parti unique. Des acteurs africains y voient une opportunité pour exiger des « changements ». Au Gabon, le Mouvement de redressement national (Morena) naît dans ce contexte. Il réclame la fin du parti unique et l’organisation d’élections libres »
Mais la réalité rattrape très vite l’idéalisme. L’Express, hebdo français, relate, en novembre 1982 « la triste histoire de Jean-Pierre Cot, 45 ans, grand bourgeois libéral et socialiste. Feu le « ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures chargé de la coopération et du développement » …A vrai dire, ce n’était pas un secret. Dès son arrivée rue Monsieur, Cot, la tête pleine d’idées généreuses – et pas forcément sottes – s’emploie à faire souffler le vent du changement. Après tout, il est là pour ça. Dans son esprit, le changement consiste à abandonner la politique du secret, que symbolisait Foccart, homme de l’ombre. A élargir le champ d’action de la coopération. A promouvoir une autre politique du développement, fondée sur une certaine morale. « Nous n’entendons pas, proclame-t-il, financer n’importe quoi à n’importe qui. De ce point de vue nous sommes des empêcheurs de tourner en rond… Après cela, allez-vous étonner que les chefs d’Etat africains s’alarment ! Perplexes, ils observent la bataille que se livrent, au sein du pouvoir, les « idéalistes » et les « réalistes ». En priant les dieux que les seconds l’emportent. La conception tiers-mondiste de Cot, en tout cas, les affole. …Mitterrand, qui a l’avantage sur Cot d’être un familier de l’Afrique, va rapidement trancher en faveur d’une politique de continuité, qui implique de bons rapports avec tous les dirigeants africains, même les moins « fréquentables ».

LUEUR D’ESPOIR.

Il faudra, pour cela, attendre près d’une dizaine d’années la leçon de démocratie administrée par François Mitterrand – encore et toujours lui – dont le schéma proposé est tout simplement fondé sur « le système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure ». Et comme pour mieux signifier son choix, l’ancien Président français n’hésita pas à affirmer « que la France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté. ». Mais, ce n’était qu’un schéma. Et, par définition, ce n’est donc qu’une « représentation simplifiée et fonctionnelle, un simple diagramme » ou encore « une description ou représentation mentale réduite aux traits essentiels, une esquisse » de la démocratie
Trente ans après, nous savons ce que vaut ce schéma. Aujourd’hui, au Gabon, depuis 1990, si l’on en croit les Bongo et Cie, schématiquement, le système représentatif fonctionne, les élections sont libres, le multipartisme est là, la liberté de la presse s’exerce, l’indépendance de la magistrature est assurée, et il n’y a pas de censure. Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil, au Gabon des Bongo&Co où nous sommes dans le meilleur des mondes. Cerise sur le gâteau : à chacune des « élections » qui ont maintenu les Bongo au bord de mer, le Paris des « Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande » a immanquablement homologué le fait accompli. Avalisant ainsi les Bongo et reBongo : Bongo 1993, Bongo 1998, Bongo 2005, Bongo 2009, et Bongo 2016.
Apostrophé, au Canada, par une Togolaise anti-Faure Gnassingbé qui lui lança : « Je sais qu’un mot de votre part peut le faire partir. Dites quelque chose à Faure Gnassingbé pour qu’il quitte le pouvoir », Emmanuel Macron s’est plutôt montré respectueux de la souveraineté de l’Etat togolais : « Mais non ! Vous vous trompez ! J’agis, la France agit de manière cohérente depuis le début, c’est-à-dire que je respecte la souveraineté des États et aux côtés de l’Union Africaine ». Ajoutant qu’il ne répétera pas « les erreurs du passé ». En soutenant un président africain comme on l’a souvent reproché à ses prédécesseurs ou en lui demandant de quitter le pouvoir après plus de deux mandats ?
Macron étant là encore pour quatre ans à la tête de l’Etat français, il n’y a pas besoin d’un dessin ni d’être un grand devin pour comprendre que l’opposition gabonaise, celle qui clame sa rupture avec le système Bongo, dans son rapport de forces avec les Bongo, devra compter sur ses propres forces. Pour cela, il faudra bien qu’elle travaille d’abord à constituer la sienne, une qui tienne.

 

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