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Surfacturation de marchés publics au Gabon : Colas, l’argent des Bongo et l’humiliant arrangement

Se disant de plus en plus agacée par les agissements de certains responsables à la présidence de la République, la société française songeait en novembre 2021 dernier, à cesser toutes ses activités au Gabon et mettre au chômage ses 300 employés, majoritairement des nationaux. Un doux chantage pour pousser les Etat à hisser le drapeau blanc, alors qu’il la soupçonnait d’avoir largement surfacturé les travaux de la route PK5-PK12. Pour Colas à l’époque, il s’agissait des « allégations mensongères ». Mais le temps a fait son effet, Colas a fini par avouer et trouver un arrangement tout à son avantage avec l’Etat.

Colas Gabon s’en tire à bon compte. L’entreprise appartenant au groupe français de BTP Bouygues a été épinglée par la Task force sur la dette intérieure mise en place par BOA. Pour avoir facturé les travaux du tronçon PK5-PK12 sur la route nationale 1 au départ de Libreville à près de 60 milliards de FCFA. Ce qui fait que le kilomètre travaillé sur ce tronçon est revenu à 10 milliards de FCFA. D’ordinaire, assurent les ingénieurs des TP, « la base de négociation d’un kilomètre de route bitumé au Gabon varie entre 800 millions de FCFA et 1 milliard de FCFA ». Cela veut donc dire que Colas a quasiment multiplié par dix les prix pratiqués d’ordinaire. Au lieu de se saisir de ce fait et de saisir les juridictions nationales et internationales compétentes, pour confondre Colas Gabon avec l’assurance d’avoir une meilleure compensation pour l’Etat, le gouvernement a plutôt opté pour une négociation avec l’entreprise, qui a abouti à la décision de Colas « d’offrir » 9,2 km de route en compensation du préjudice au Gabon, sans que l’on sache jusqu’à présent l’endroit exact où cette entreprise va se déployer. Curieusement, cette transaction a reçu l’appui de la Banque mondiale (BM). Son ancien directeur Afrique Benoit Chauvin, selon plusieurs médias internationaux, est arrivé à Libreville le 20 décembre 2021 pour « booster » cette négociation qui traînait en longueur. Alors que sur un dossier similaire impliquant Colas Madagascar, la BM a eu
un tout autre comportement.

Il faut dire que le gouvernement de BOA a reçu de très nombreuses pressions « amicales », pour qu’il n’agisse pas dans le sens de la sauvegarde de ses intérêts et ceux du peuple gabonais. Cette affaire de surfacturation intervient à quelques jours de la publication d’un rapport de la Banque mondiale — le 4 janvier 2022 –, qui accuse la maison mère de Colas Gabon, le groupe Bouygues, Colas Madagascar et Aéroport de Paris (ADP) d’être parvenus à s’octroyer la construction et la gestion des deux principaux aéroports de Madagascar pour une durée de vingt-huit ans, par des « pratiques inappropriées ». Dans
le jargon de la BM, cela veut dire « corruption ».

La BM ne comprend pas pourquoi le consortium constitué par les entreprises françaises citées plus haut, associé au fond d’investissement Meridium, bien introduit également au Gabon, ont eu une réunion avec les responsables politiques malgaches, alors même que l’appel d’offres pour l’attribution de ce projet d’aéroports était en cours. Toutes choses que cette institution interdit dans le processus d’attribution des projets qu’elle finance. D’ailleurs, la BM a aussitôt sanctionné les entreprises concernées, notamment Bouygues, Colas Madagascar et ADP, en les excluant pendant deux ans, c’est-à-dire jusqu’à fin 2023, de tout projet financé par elle, dans le monde entier. Il devenait urgent dès lors pour Bouygues, qu’aucun autre front sur fond de corruption ne s’ouvre au Gabon.

L’entreprise française a commencé cette « négociation » avec le Gabon par les menaces. Colas Gabon, après avoir contesté les faits de surfacturation que lui reprochait la partie gabonaise, avait évoqué la possibilité de cesser toutes ses activités au Gabon pour aller voir ailleurs, si le gouvernement gabonais maintenait ses accusations. Ce poker menteur a été tempéré par l’intervention de la BM. Elle a su faire comprendre à Colas qu’elle risquait gros en entrant dans une épreuve de force avec le Gabon. Notamment les éléments du rapport explosif que l’institution allait publier sous peu. Le groupe Bouygues a alors changé de stratégie tout en restant dans le chantage. Il a mis la surfacturation sur le compte de nombreuses études qu’aurait commandées le gouvernement gabonais à cette entreprise, sans que celui-ci ne songe à les payer. Notamment l’étude sur la construction des échangeurs de Libreville, projet finalement échu à l’entreprise Socoba. L’étude de la voie de contournement de l’aéroport de Libreville qui au final sera attribué au groupe Olam. Ce que semble oublier volontairement le numéro 1 mondial du BTP est que chaque marché est autonome. Une entreprise ne peut pas inclure des arriérés d’un marché X sur un marché Y. Mettre en sus le coût des nombreuses études commandées par le gouvernement sur le marché de la route PK5-Pk12 est tout simplement impossible. Bouygues le sait et n’aurait pas songé à faire de tels rapprochements sur un tout autre
marché que celui du Gabon.

Une condamnation de Colas pour surfacturation au Gabon, dans un projet financé par une banque multilatérale, la Banque de développement Etats de l’Afrique centrale (BDEAC), au capital de 1200 milliards de FCFA, aurait eu sans aucun doute le même
genre de conséquences fâcheuses pour l’entreprise française, que celles qu’elle vient d’essuyer avec la BM au sujet du projet de gestion des aéroports de Madagascar. Notamment dans chacun des Etats actionnaires de cette banque. A savoir les six pays de l’Afrique centrale (8,48 % du capital chacun), la France (0,83 %), la Libye (0,63 %), le Koweït (0,08 %), le Maroc (0,20 %). Le reste des parts étant détenu par la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC, 33,43%), la Commission de la Cemac (0,08%). Deux structures qui comptent notamment dans le rapatriement des bénéfices hors de la zone Cemac.

Il devenait dès lors urgent pour le groupe Bouygues, face à ce danger d’exclusion de ses entreprises des marchés publics sur de nombreux territoires, d’activer le réseau françafrique, pour faire comprendre au gouvernement gabonais d’accepter « le bout de pain » que représente 9,2 km de route « offerts » par Colas, au lieu qu’il se batte pour obtenir « un pain entier » qu’auraient constitué les gros dommages et intérêts que n’allaient pas manquer d’infliger au groupe Bouygues le tribunal de céans. Sans oublier que cette jurisprudence amènerait les autres entreprises intervenant au Gabon à ne plus s’engager dans la voie de la surfacturation et donc de la corruption.

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