Il sera difficile de dissocier le nom de l’abbé Noël Ngwa de l’histoire du Gabon : histoire politique, histoire religieuse, histoire intellectuelle, histoire culturelle, histoire de la presse. Chaque année, à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, la paroisse Cœur Immaculé de Marie de Nzeng-Ayong, dont il est le fondateur, organise soit une journée scientifique, soit une journée culturelle en mémoire de ce grand homme dans tous les sens : sa taille, sa grande érudition, son ancrage dans sa culture et, surtout, un grand homme religieux qui a aussi marqué l’histoire politique du Gabon et l’histoire de la presse privée gabonaise, même si on ne le dit pas toujours assez.
Cette année, le samedi 16 mars 2024, à la paroisse qu’il a fondée en 1986, c’était une journée culturelle dont le thème était « Noël Aimé Ngwa-Nguema et la transition politique au Gabon : un idéal commun de justice et de liberté » qui a été organisée. Pendant cinq heures d’horloge et à l’invitation de Mgr Dieudonné Mouloungui Moussavou, curé de la paroisse, six panélistes ont exposé sur la vision politique de l’abbé défunt à partir de son ouvrage phare « Choisir de dire la vérité ».
« De l’abbé Noël, même parti à l’au-delà, on continue d’apprendre, pour ceux qui l’ont connu, et pour ceux qui ne l’ont pas connu, ils le connaissent un peu plus à chaque édition », a conclu Mme Yolande Nzang-Biye. En effet, des interventions des uns et des autres on a appris que l’abbé Noël a été un prêtre incompris, même par ses confrères dans le sacerdoce. Il a été persécuté par le pouvoir d’Omar Bongo, mais il est resté fidèle à son engagement baptismal à la suite du Christ.
En revisitant son œuvre « Choisir de dire la vérité », l’un des conférenciers a tout simplement dit que l’homme avait eu tort d’avoir eu raison plus tôt et que les événements politiques d’aujourd’hui cadrent parfaitement avec la perception qu’avait Noël de son pays. Tout compte fait, le coup de libération du 30 août 2023 rejoint l’idéal commun de justice et de liberté de l’abbé Noël. D’où son livre reste une œuvre intemporelle qui s’adresse à tous les régimes qui vont se succéder au pouvoir au Gabon, voir en Afrique.
La troisième édition de la journée culturelle abbé Noël Aimé Ngwa-Nguema était aussi agrémentée par des chants en sa mémoire composés par les chorales de sa paroisse, une autre façon d’en savoir un peu plus sur l’homme de Dieu, par un mini-défilé de mode de l’école éponyme créée par lui en 1994 et par des consultations médicales gratuites offertes par le dispensaire de la paroisse, toujours créé par l’abbé Noël Ngwa.
D’ailleurs, lors de son exposé sur le thème : « Le miracle du 30 août et son impact chez le chrétien », notre consœur et philosophe, Raïssa Oyeasseko, a expliqué que « le miracle du 30 août doit nous amener à comprendre que le chrétien, par l’Eglise, est un acteur fondamental, une force instituante, créatrice d’attitudes, de rassemblements, de ralliement collectif. Il doit prôner des valeurs qui visent une dynamique de socialisation et d’intégration.
Le chrétien doit désormais jouer un rôle prophétique dans la société. Il s’agit pour lui de dénoncer les injustices et les manquements dans tous les domaines, s’élever contre toutes les formes de déshumanisation, contre la torture, la répression, la faim, les divers trafics d’êtres humains, la pauvreté, les processus volontaires d’exclusion et les nombreuses violences. Il doit surtout être la voix passionnée de l’amour de Dieu qui pousse à la repentance.
En outre, le miracle du 30 août doit inscrire le chrétien dans un combat de non-violence. Il doit plutôt être cette graine qu’on sème non pas pour la tristesse, la souffrance, mais plutôt pour être ce moteur de charité qui désire le bien de l’autre. Le chrétien est un artisan de non-violence, un cultivateur de tempérance, de tolérance. Comme le disait Martin Luther King, « la non-violence est une arme puissante et juste qui tranche sans blesser et ennoblit l’homme qui la manie. C’est une épée qui guérit ».
Le miracle du 30 août s’est opéré sans effusion de sang, une transfiguration de la non-violence active. On peut le considérer comme l’application de l’appel du Christ dont le chrétien doit se saisir à aimer davantage ». On aurait dit qu’elle a été à l’école de l’abbé Noël Ngwa…
A la fin de tout ceci, on peut vraiment dire que l’abbé Noël Aimé Ngwa-Nguema est un être intemporel à cause des œuvres qu’il a accomplies ici-bas : une belle paroisse, une école maternelle, un dispensaire, une école de mode, une école primaire et beaucoup d’œuvres littéraires. Il serait souhaitable, aux prochaines éditions, de se pencher aussi sur ses éditoriaux dans le journal Misamu, voire, si possible, ses homélies pour encore bien connaître l’homme.
Hippolyte Bitegue