La retentissante réponse que l’universitaire et membre de la société civile a donnée au directeur de cabinet d’Ali Bongo nécessite qu’on y revienne. Tant le membre du Club 90 assène une vérité qui passait presque inaperçue : le plein emploi.
Cette semaine à été marquée par deux faits devenus événementiels, l’interview de Laccruche Alihanga à Jeune Afrique et la réponse cinglante à celle-ci par Noël Boundzanga simultanément dans La Loupe et Gabonreview mardi dernier. Ce dernier visait à corriger les vues du directeur de cabinet d’Ali Bongo. Laccruche y annonce de grandes réformes de la fonction publique, notamment la réduction de la taille de l’Etat et la réduction de la masse salariale de l’Etat. Deux problèmes liés qui grèvent les finances publiques et, partant, l’investissement public. Pour le DC et son gouvernement, les solutions sont tout trouvées. Il faut baisser les salaires des fonctionnaires. D’où la réforme de la fonction publique menée autrefois par Jean Marie Ogandanga et retoquée par l’Assemblée nationale en avril dernier. La réforme, pourtant, produit déjà des effets puisqu’il n’y a plus de recrutement à la fonction publique depuis plus de deux ans, ni reclassements. Or, parallèlement, le secteur privé, inhibé par des créances non réglées par l’Etat, ne crée pas d’emplois.
Et c’est ici que Noël Boundzanga sort le grand jeu, dénonçant une politique à double peine contre les travailleurs et les nouveaux diplômés. Les questions fleuves qu’il pose sont à la mesure de l’indignation et de l’urgence d’y apporter des réponses : « Chaque année, les universités et les écoles supérieures déversent sur le marché de l’emploi des milliers de diplômés. Ils sont notre préoccupation à tous ! Où vont-ils aller travailler ? Doivent-ils quitter le Gabon ? Aller errer en Méditerranée, dans l’Aquarius, par exemple ? ». Questions auxquelles doivent répondre Ali Bongo, Laccruche Alihanga, Issoze Ngondet et l’ensemble de leur gouvernement. Pour Noël Boundzanga, « le problème de l’Etat ne se trouve pas dans sa superficie, fût-elle conceptuelle, mais dans l’idée du rôle de l’Etat et de la vision du monde qui détermine nos choix. Ainsi Laccruche Alihanga et les zélateurs du libéralisme devraient mener leur réflexion sur les conditions de possibilité du plein emploi au Gabon, non comment envoyer les Gabonais au chômage », a-t-il abondé.
En effet, est-il possible d’avoir le plein emploi au Gabon ? Pour Noël Boundzanga, la réponse est évidente. En effet, pour assurer son développement, le Gabon doit créer des emplois. Il en a les moyens au regard de ses diverses ressources naturelles. Alors, comment en est-on arrivé à penser la fin du travail alors que le sous-développement qui sévit dans le pays commande de travailler ? Il y a là une contradiction que relève l’universitaire et qui mérite qu’on s’y attarde.
Le plein emploi est une notion économique qui ne court pas les rues dans la pensée libérale. Mais qu’importe, la Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaît que le travail est un droit au même titre que la liberté d’expression. Il est donc important de placer la question du plein emploi au centre du débat politique.
L’originalité de la réflexion de Noël Boundzanga pousse aussi à poser un regard sur lui. Depuis 2014, l’homme signe des tribunes libres dans des journaux et s’est investi dans la société civile pour mener une bataille démocratique en faveur de l’alternance. Poser le curseur sur la question de l’emploi laisse soupçonner que ses ambitions sont plus importantes qu’il ne veut le faire croire. Interrogé sur son essai, Le Gabon une démocratie meurtrière, par , sur un engagement éventuel en politique, l’universitaire s’en montre peu intéressé. Mais la qualité de ses réflexions et sa présence continue dans l’espace public pourraient susciter ailleurs et chez lui une envie de politique. L’avenir nous dira. Pour l’instant, la question est posée à Laccruche Alihanga : comment faites-vous pour donner du travail aux Gabonais et assurer leur bien-être plutôt que de les menacer de ne plus en espérer ni en avoir ? S’ils n’en sont pas capables, et c’est manifestement le cas, Noël Boundzanga demande la personne qu’il faut à la place qu’il faut. Pour lui, c’est la démocratie qui le permet. D’où l’urgence de l’alternance. La jeunesse gabonaise, les travailleurs et les chômeurs devraient être contents et tenir la perche que leur tend l’universitaire, décidément intéressant.