A qui la junte veut-elle encore aller vendre le Gabon ? Telle est la question que nombre de Gabonais se posent après la surprenante décision du Conseil des ministres du 02 octobre 2019 de céder à la Caisse de dépôts et de consignations (CDC), tous les titres fonciers de l’Etat. N’est-ce pas un bradage du patrimoine foncier ?
Avec un stock d’endettement déjà fortement élevé (estimé à 4 038 milliards de Fcfa, autour de 60 % du PIB), donc devenu insoutenable au regard des capacités des recettes de l’Etat à payer toutes ses dettes et assurer son fonctionnement (salaires, etc.), le régime vient de prendre une autre mesure lors du dernier Conseil des ministres du 02 octobre 2019. A savoir la cession de tous les titres fonciers de l’Etat à la Caisse de dépôts et de consignations (CDC) pour lui permettre d’aller mettre en gage, auprès des banques internationales et des fonds de prêts « clandestins », des parties du territoire gabonais en échange de nouveaux prêts. Un risque, voire une atteinte directe à la souveraineté et à l’intégrité du territoire national et un autre risque d’une nouvelle envolée de l’intenable dette actuelle. Une haute trahison !
Une mesure cynique et irresponsable
Voilà le genre de mesure qu’un gouvernement prend en absence de contre-pouvoir au sein de l’Assemblée nationale et dans la société civile. Le genre de mesure que seul un gouvernement dirigé par des amateurs ou des « étrangers » ne peut que prendre parce que sans « peur » et sans « amour » pour le pays qu’ils dirigent. Imaginez un chef de village dans n’importe quel coin de ce pays qui, à cause des dettes accumulées et de ses besoins sans cesse croissants d’investissement, décide d’aller mettre en gage tous les terrains parce qu’il espère gagner au poker…Voilà à quoi réellement correspond la décision du 02 octobre dernier.
Selon le communiqué final de ce Conseil des ministres, la CDC reçoit, à titre gracieux, l’ensemble des titres fonciers appartenant à l’Etat, à l’exception de ceux affectés à l’usage des services publics de l’Etat, des collectivités locales et des forces de défense et de sécurité. Autrement dit, le reste des terrains (quartiers, forêts, villes, villages) actuellement immatriculés ou qui le seront, est placé comme des « actifs » dont la CDC peut ou pourra désormais se prévaloir pour aller les « jouer » ou placer en gage à chaque fois que l’Etat veut prendre un crédit auprès d’une banque internationale et même locale. Le même communiqué précise sans ambiguïté que « l’objectif visé est de permettre à la CDC de devenir un véhicule capable de lever des fonds sur le marché aussi bien national qu’international pour le compte de l’Etat en vue du financement des projets de développement ».
Dans le poker comme dans les dettes, qu’arrive-t-il quand on a mis un bien (terrain, maison, télévision, salon, etc.) en gage et que l’on a perdu ou que l’on devient incapable de payer ? Celui à qui l’on doit récupère ce bien et en devient le propriétaire. Il peut donc en jouir comme d’un bien personnel. Voilà la situation à laquelle le Gabon est désormais exposé. Est-on vraiment obligé de passer par là pour « lever des fonds sur le marché aussi bien national qu’international » ? Une économie dont les dirigeants se plaisent à dire que tout s’améliore et va déjà bien, comme la santé de son président Ali Bongo, peut-elle se sentir aussi menacée, asphyxiée au point de décider désormais d’aller hypothéquer, placer en gage des parties d’un territoire national régi par des lois spécifiques et surtout par la Constitution ? Difficile à avaler. Mais ça été tout de même décidé !
Une décision de haute trahison contre l’Etat
La bande de copains de BGFI, qui tient actuellement l’Etat et ses finances en main, vient donc du privé où ces pratiques de placer des titres fonciers, des terrains, des maisons et toutes sortes de biens de valeur en échange d’un « gros crédit » se trompe spectaculairement de registre. Les titres fonciers de l’Etat ne sont pas des terrains privés « jouables » à souhait. Ils sont régis par des lois et une Constitution parce qu’il en va de la souveraineté nationale et de l’intégrité territoriale.
L’article 2 de la Constitution stipule que « Le Gabon est une République indivisible (…) ». Ce qui veut dire que son territoire ou une partie de celui-ci ne peuvent être « séparés » ou « placés » en gage ni auprès d’une puissance étrangère ni auprès d’une banque sans que cela ne soit accordé par référendum des populations concernées ou, au minimum, par la loi, c’est-à-dire un vote à l’Assemblée nationale et au Sénat réunis en congrès spécialement. L’article 7, quant à lui, poursuit en disant que « tout acte portant atteinte à la forme républicaine, à l’unité, à la laïcité de l’Etat, à la souveraineté et à l’indépendance constitue un crime de haute trahison puni par la loi ». Cela veut dire qu’autoriser, par un simple décret, une banque (Caisse de dépôts et de consignations) à aller « jouer » comme au poker ou mettre en gage des titres fonciers de l’Etat et donc des parties du territoire national est non seulement illégal, inconstitutionnel, mais aussi est un acte de « haute trahison ».
Le gouvernement n’a donc pas les pleins pouvoirs pour décider du jour au lendemain de retirer à la conservation nationale des terrains (ministère de l’Economie), des titres fonciers de l’Etat pour les céder gratuitement à une banque, fût-elle publique, pour qu’elle aille les « jouer » ou les « placer » auprès des bourses et d’autres banques pour lever des fonds au motif qu’ils ont besoin de plus de liquidités dans les caisses du trésor pour financer un prétendu développement dont plus d’un Gabonais a du mal à percevoir les effets tangibles et durables (eau, électricité, logements sociaux, universités, écoles, hôpitaux, sécurité sociale, emplois des jeunes, etc.) dix ans après l’arrivée de Boa aux affaires dans le sang et sans mandat démocratique. Un développement que les 4 000 premiers milliards de dettes contractées essentiellement entre 2009 et 2018 n’ont jamais pu traduire dans le contrat, excepté des maquettes et des chantiers inachevés à ciel ouvert et surtout des méga projets, certes réalisés, mais à faible rentabilité économique et sociale à court et long termes alors que les populations locales croupissent de plus en plus dans la précarité, la pauvreté, le chômage, la maladie et la misère. Alors qu’en même temps, l’argent brassé par les prêts contractés ici et là financent le train de vie et le bonheur de quelques centaines de personnes bien placées dans la famille Bongo, les associations politiques présidentielles (Ajev, SDG, RV) et alimentent leurs comptes bancaires et projets de « développement » individuels (construction de cités, de villas, achat de biens immobiliers au Gabon et à l’étranger, prise de participation et blanchiment d’argent dans les banques et certaines sociétés ici même à Libreville). Ali Bongo a-t-il toujours vraiment encore ses facultés mentales de signer un tel papier si vraiment c’est lui qui aurait présidé ce Conseil des ministres ? Pas si sûr.
Le Gabon ne vous appartient pas et vous en rendrez tous cruellement les comptes un jour.