Avec les émergents à sa tête, le Gabon va décidément battre tous les records inscrits dans le livre Guinness. Cela, en l’espace de trois ans. Tout a commencé avec cette élection présidentielle grossièrement truquée d’août 2016.
Au courant du raz-de-marée du candidat de l’opposition, Jean Ping, dans les huit autres provinces du Gabon, les administrations impliquées dans l’organisation de l’élection présidentielle ont usé de tous les moyens pour sauver le banni Ali Bongo. Le président aux multiples actes de naissance a été déclaré élu à partir des résultats du vote dans le Haut-Ogooué dont on a étonnamment fait croire que cette province était désormais plus peuplée que le reste du pays.
Il y a eu, ensuite, la dégradation de l’état de santé de l’émergent en chef. Entre la « fatigue légère » et le début de la période de convalescence, il ne s’est écoulé que deux mois. Deux mois pour se remettre d’un accident vasculaire cérébral (AVC).
Enfin, il y a ce troisième fait, pour le moins inédit dans l’histoire politique de notre cher Gabon. Au sortir des dernières élections couplées (législatives et locales) d’octobre 2018, un nouveau gouvernement a été nommé le 12 janvier 2019 avec, à sa tête, Julien Nkoghe Bekale.
Ce dernier se fait ensuite entourer d’une équipe de 39 membres dont lui-même. Conformément à une pratique instaurée par Ali Bongo, le nouveau gouvernement a prêté serment trois jours après sa composition, c’est-à-dire le 15 janvier dernier.
Une situation curieuse à tous points de vue vient d’avoir lieu : le 30 janvier, le chef du gouvernement vient annoncer le remaniement de son équipe « sur décision du président de la République ». Trois membres sautent : Etienne Massard Kabinda Makaga (ministre d’Etat à la Défense nationale et à la Sécurité), Ali Akbar Onanga y’Obeghe (ministre de l’Agriculture, de l’Elevage et de l’Alimentation chargé du programme Graine) et Christian Magnagna (ministre de la Valorisation et de l’Industrialisation des ressources minières). Rose Christiane Ossouka Raponda fait son retour à la place d’Etienne Massard Kabinda Makaga.
Qu’un gouvernement soit remanié n’est pas étonnant. Ce qui l’est, en revanche, c’est le fait que ce jeu de chaises musicales intervient dix-huit jours seulement après sa mise en place. Ce qui suscite donc de nombreux questionnements auprès de l’opinion.
Celle qui revient avec insistance concerne les raisons exactes qui justifieraient ce réaménagement du gouvernement et, surtout, le débarquement de Massard Kabinda Makaga, Onanga y’Obeghe et Magnagna. Ou encore pourquoi le décret présidentiel n’est-il pas signé par l’intéressé et ne porte-t-il pas de numéro ?
D’aucuns y voient la conséquence de la guerre ouverte que se livrent le Mogabo et l’Ajev, deux plate-formes soutenant le président putschiste. Le dernier mouvement cité a, apparemment, les reins solides, car soutenu par des personnalités influentes du régime. On rappelle, au passage, que le directeur de cabinet d’Ali Bongo en est le principal responsable.
Si personne ne sait comment cette guéguerre va se terminer, l’on peut néanmoins observer que les cerveaux du coup d’Etat électoral d’août 2016 sont en train d’être écartés de la sphère décisionnelle. L’on pense particulièrement à Jean-Pierre Oyiba, Pacôme Moubelet Boubeya, Mathias Otounga Ossibadjouo, Christian Magnagna, Etienne Massard Kabinda Makaga et Jacques Denis Tsanga.