On avait beau tourner en ridicule et en dérision le père Paul Mba Abessole lorsqu’il disait qu’en Afrique tropicale et, particulièrement, au Gabon, la gratuité de l’école est possible, force est de reconnaître qu’il avait raison. Mieux, si le Gabon veut vraiment décoller et rompre avec le culte de la médiocrité, il nous faut passer par là.
A peine arrivé au pouvoir en RDC, sans même savoir la réalité de la caisse au trésor, la première mesure phare prise par le président Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi est celle concernant la gratuité totale de la scolarité pour tous les enfants congolais. Même la très puissante Eglise catholique, qui a voulu bouder la mesure pour se faire du chiffre, a été sèchement rappelée à l’ordre. Et la mesure est effective depuis le début de la rentrée scolaire de cette année. Au Gabon, on refuse de comprendre, en ces moments de haute précarité où même des hautes personnalités se comportent comme des illustres nécessiteux, que les familles économiquement faibles ont besoin du soutien total de l’Etat pour scolariser leurs enfants. En RDC, Tshisekedi n’a fait aucun miracle. Il a exprimé une volonté politique et elle est effective. A son gouvernement de se débrouiller pour les questions de financement. Le Gabon, même en pleine crise de trésorerie, est à même de faire pareil en donnant à tous ses enfants les mêmes chances. Malheureusement, nous sommes dans un pays où, de nos jours, non seulement les enfants vont à l’école (pour ceux qui ont la chance d’y aller) sans trop savoir pourquoi, parfois par mimétisme, mais encore, pire, c’est une école à plusieurs vitesses. L’école officielle est devenue aujourd’hui une école poubelle où des élèves s’entassent à plusieurs dans des salles de classe surabondées. Avec des enseignants mal payés, la tâche est encore plus difficile. C’est donc au petit bonheur la chance que les enfants réussissent dans les écoles publiques. Les enseignants ne peuvent pas correctement donner des cours dans des salles de classe qui font beaucoup plus office de garderie que de salle de cours. Côté enseignants, ils sont les mal aimés du régime. Un régime qui prend du plaisir à les maltraiter alors qu’ils sont à l’origine de l’instruction que nous avons aujourd’hui. Dans un pays sous-développé comme le nôtre, les enseignants devraient faire partie de la classe des privilégiés. Ce qui n’est malheureusement pas le cas au regard du mépris que le régime affiche envers ces femmes et hommes qui, au péril de leur existence, ont choisi de faire ce sacerdoce humiliant, pourtant noble ailleurs. Conscients que personne ne va se battre pour eux, ils sont obligés chaque année d’entrer en grève pour revendiquer ce qui leur revient de droit.
A l’école officielle, nous avons deux, voire trois types d’écoles privées. Les écoles conventionnées qui sont très sélectives et réservées aux seules familles nanties à l’image des lycées français. Les écoles privées des riches où seuls le travail et le portefeuille parlent tout en constituant le critère discriminant, à l’image de Ruban vert, le prytanée militaire ou le lycée privé Berthe et Jean. Enfin, les collèges privés de référence à paiement accessible pour les familles des cadres moyens, à l’image des lycées privée Mbele, Ntchoréré, Epi, les Cours Ambourouet… Nous ne passerons pas sous silence les établissements confessionnels d’obédiences catholique et protestante, mais dont le niveau de formation décline au fil des années, à l’image de Bessieux, Immaculée conception ou Quaben. L’appât du gain est passé par là.
Au Gabon, le régime fait comme si l’école n’était pas une priorité. En dix ans de pouvoir, Ali Bongo n’a sorti aucune salle de classe de terre. Dans la même période, sa femme a construit une école de référence, Ruban vert. Et pourtant, ce n’est pas l’argent qui a fait défaut, car dans le même temps, nous avons eu droit à des forums genre Nyfa, des courses de bateaux, l’organisation de Can… Autant de manifestations qui ont englouti des milliards pour un rendu économiquement nul.
Au Gabon, nous avons trop de cas d’abandon sur le plan scolaire en ce moment. Il n’est pas rare de trouver dans nos quartiers des filles, des garçons ayant l’âge d’aller à l’école, mais qui sont assis à la maison parce que les parents ne peuvent pas payer. Les filles, pour survivre, se livrent au plus vieux métier du monde (la vente du sexe) alors que les garçons se livrent au braquage. La France, notre pays de référence, a réellement décollé lorsque Jules Ferry a imposé la gratuité de l’instruction. Aujourd’hui, Tshisekedi nous montre que cela est possible sous les tropiques. Ayons le courage de nous arrimer. La patrie ne pourra que saluer l’acte. Vivement que ce rêve que nous a vendu Paul Mba Abessole et que Tshisekedi vient de concrétiser chez lui soit également possible chez nous. Vivement qu’elle voit le jour au Gabon, cette « école cadeau » !