Au point qu’ils ont dépêché l’ancienne piètre porte-parole, Madame la ministre Madeleine Rogombe-Berre, du ci-devant gouvernement de l’époque. Etant d’origine myènè comme Jean Ping – un choix qui n’était pas fortuit – elle devait déverser une diatribe qui ressemblait plus à un tract bâclé qu’à un communiqué gouvernemental. Ses mimiques dévoilaient qu’elle n’était pas l’auteure de ce texte vide de substance politique. La scène politique gabonaise est un théâtre de boulevard, car la question n’était pas de dénoncer Jean Ping, mais de répondre à ses arguments.
En effet, peu importe ce qu’il a dit ou comment il l’a dit. La bonne question est de savoir si ce qu’il a dit est vrai ou faux. Le petit tract imbuvable ne pipe mot sur le contenu des propos de M. Jean Ping, car nous voulons savoir, 54 ans après, où en sommes-nous. La responsabilité politique exige que ceux qui sont les représentants doivent rendre des comptes aux représentés. Et non des jérémiades et fanfaronnades qui ne mènent nulle part si ce n’est dévoiler un régime aux abois, perdu dans les méandres d’un mode de gouvernement hasardeux qui vit au jour le jour sans perspective ni prospective. Seule la vérité blesse et Jean Ping a fait mal, car si M. Jean Ping ne « vaut rien » et « has been », donc « dépassé », alors pourquoi une salve insipide du porte-parole de la présidence de la République et un pétard mouillé du gouvernement ? La charge de Jean Ping a précipité les plans du gouvernement. Il y eut brusquement l’apparition d’Abo aux cérémonies du trentième anniversaire de la Cour constitutionnelle, la nomination d’un corps de hauts commissaires coiffés par un « Haut-commissaire de la République » en la personne de Michel Essongue (licencié en espagnol), éminence grise de la famille Bongo de père en fils.
Le détail le plus important ce sont les origines de M. Michel Essongue, cacique Orungu, donc du groupe des Myènè comme Jean-Ping. Car l’on se demande pourquoi ramener les vieilles formules du monopartisme et des années 70 où ce poste était le niveau élémentaire du poste gouvernemental. L’idée que le « le Haut-commissariat de la République, nouvellement créé, est une institution de douze membres qui se chargeront de l’évaluation, du suivi et la mise en œuvre de l’action politique du chef de l’Etat » corrobore la condition d’Abo. De plus, l’on place à la tête de toutes les institutions de survie du régime des ressortissants des petits groupes ethniques afin de conserver le pouvoir dans la même famille ou région en écartant les Fang que l’on ne reconnaît que lorsqu’il faut solliciter leurs suffrages déterminants pour gagner. Les arrangements institutionnels, au lieu de faciliter l’action publique, consistent plutôt à éviter des imprévus. L’ironie est que tous ces ravalements n’ont jamais été présentés par Abo, mais sous fond de communiqués lénifiants qui ne trompent personne. Abo n’est pas l’initiateur de tous ces chambardements. Et pourtant, la Constitution gabonaise avait déjà prévu les cas de vacance du pouvoir. Le reste c’est du pipeau.
Dans quel pays un ministre, fut-il de la Défense, peut-il participer à l’intérim d’un président élu flanqué des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ?
Car l’actuelle présidente du Sénat, pourtant cacique du régime, Madame Lucie Milebou, est liée à M. Jean Ping et au président Denis Sassou-Nguesso du Congo-Brazzaville voisin. L’on craint qu’elle puisse céder le pouvoir à M. Jean Ping. La ficelle est trop grosse. La présidence de la République est une fonction publique et non un totem familial que l’on doit transmettre à de faux héritiers. Son pouvoir procède du peuple et non de petits calculs financiers ou narcissiques. La secousse Ping a eu tellement d’effets que le bricolage a touché le gouvernement, voire la structure du parti au pouvoir avec davantage d’improvisation. Avec 6 Premiers ministres en 13 ans aux gouvernements ventriloques, pourquoi tant de panique ?
La structure de l’ancien et du gouvernement fait rire. Et elle ne porte pas la trace d’Abo, car il n’aurait jamais nommé Michaël Moussa à la Défense ni aux Affaires étrangères ; ni Lee White aux Eaux & Forêts. Ou alors éliminer tous ses fidèles lieutenants. Encore moins nommer un rappeur sous-ministre de la Culture. En général, un ministre d’Etat est un titre protocolaire honorifique qui marque l’importance du ministre. Mais ici on récompense les fidèles de la famille et non des serviteurs de l’Etat, car les résultats de ses promus ne justifient pas de telles promotions.
Aristide Mba