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Gabon/Conférence de presse du Pr. Noël Bertrand Boundzanga : Les dix anomalies du CTRI en débat

Se définissant comme un acteur de la société civile, l’ancien président de la Commission politique lors du Dialogue national inclusif organisé par le CTRI en avril 2024, est sorti du bois via une conférence de presse donnée à Libreville, le samedi 11 janvier 2025 dernier, en face d’Oyo. Musclant son discours, Noël Bertrand Boundzanga va analyser la gestion du pays par le CTRI sous le prisme de dix anomalies qui aujourd’hui semblent paralyser le pays. Il en a profité pour annoncer le lancement d’une plateforme démocratique dénommé Telema, autrement dit, sa nouvelle machine de guerre politique…

« Je ne serai pas aveugle et je ne fermerai pas ma bouche ! Ce pays est le nôtre, il nous appartient à nous tous et je crois qu’on ne l’a pas assez dit. Il faut « libérer la liberté » comme chante notre poète Pierre Claver Akendengué. Je prendrai toutes mes Responsabilités face à cette exigence historique en hommage à nos martyrs d’août 2016 au sujet desquels on ne peut faire l’impasse d’une Commission Vérité-Justice-Réparation et Réconciliation (CVJR) !

Nous ne pouvons pas laisser le terrain politique aux sbires de l’ancien système peu crédibles qui ont œuvré chroniquement à faire du Gabon un pays de toutes les anarchies et de la pauvreté là où coule le pétrole, là on ramasse l’or, le diamant et le manganèse. Telle est la voix de la société civile.

C’est pourquoi, nous allons lancer dans un mois une plateforme de démocratie participative pour organiser et préparer une véritable alternative à offrir à nos compatriotes qui rêve de progrès, de bien-être et de justice dans l’unité nationale. Cette plateforme dénommée TELEMA (qui signifie « lève-toi » en ypunu et dans plusieurs langues du Gabon, ou « élève-moi » en langue fang) aura vocation à recevoir tous les Gabonais sans exclusive pour définir et proposer des actions devant conduire à l’alternance démocratique. D’ores et déjà, je vous invite à vous inscrire et à prendre part à nos activités relatives à ce lancement…. »

En français facile, le président fondateur de TELEMA fait le constat simple que malgré l’arrivée des militaires au pouvoir à Libreville, les choses ne semblent pas aller dans le bon sens.

Explicitant sa pensée, l’ancien petit séminariste clame : « Nous sommes le 11 janvier 2025. Et on peut se demander pourquoi je prends la parole aujourd’hui. Pourquoi je m’exprime publiquement aujourd’hui après avoir été président de la Commission politique du Dialogue National Inclusif organisé en avril dernier et présidé par Mgr Patrick Iba-ba ? Pourquoi je m’exprime seulement aujourd’hui alors que le débat sur la Constitution est passé, que le référendum a déjà eu lieu et que le projet du Code électoral suit son cours ? Plus généralement même, on peut se demander pourquoi je ne me suis pas exprimé publiquement depuis le 30 août 2023 ?

Comme plusieurs compatriotes, Nous avons voulu croire au Comité de la Transition pour la Restauration des Institutions ;

Comme plusieurs compatriotes, Nous avons cru qu’au 30 août 2023, les militaires avaient réalisé un coup de libération ;

Comme plusieurs compatriotes, Nous avons cru qu’enfin notre pays allait commencer sa marche vers la félicité promise par nos ancêtres.

Mais après un an et quatre mois de Transition, après observation, tout laisse voir que cette Transition saluée et salvatrice jadis s’enlise. » La transition militaire s’enlise-t-elle vraiment ? le Pr. Boundzanga le croit fermement et il offre cette analyse :

« Le passé et les tares mortifères du système Bongo-PDG qui ont œuvré 52 ans durant refusent de passer. En septembre 2023, alors que par principe toutes les démocraties et institutions internationales condamnent toute forme de coup d’Etat, j’avais dit en m’interrogeant : « le vin est tiré, comment il faut le boire ? ». 16 mois ont suffi pour que nous constations que c’était du mauvais vin et qu’il ne fallait pas le boire. »

« La Transition prend de l’eau. » ?

Oui affirme l’orateur  « Il nous faut vite trouver un antidote Républicain au modèle de société CTRI qui n’a plus que des anomalies. » Et de pointer du doigt les dix anomalies par lui identifiées. En premier lieu, il estime qu’en décidant de nier leur promesse de rendre le pouvoir aux civils après la transition, les militaires du CTRI ont violé la parole donnée au peuple. » Et le non-respect de la parole donnée de la part d’un militaire n’est pas un gage de sincérité. Et de rappeler la promesse du 04 septembre 2023 où Brice Clotaire Oligui Nguema va prononcer ces mots : « A l’issue de cette transition, avec l’apport de tous les Gabonais partenaires au développement, nous entendons remettre le pouvoir aux civils en organisant de nouvelles élections libres, transparentes et crédibles dans la paix. » Le Pr. Boundzanga s’inquiète des « gesticulations et les rumeurs les plus officielles prédisent la candidature inopportune du Président de la Transition. J’aimerais croire que ces rumeurs sont fausses. La première chose à restaurer pendant la Transition, c’est le respect de la parole donnée. C’est un gage de sincérité, de crédibilité au moment où on veut restaurer nos Valeurs Ancestrales… »

« Les militaires ont toujours géré le pays avec les civils »

Ne pouvant s’arrêter en si bon chemin, le Pr. Boudzanga va lancer un message à ceux qui « disent qu’il faut laisser le pouvoir aux militaires pour deux raisons. Primo, ils disent que les civils ont gouverné ce pays et n’ont rien fait. Secondo, ils disent qu’en un an, les militaires ont fait plus que le président déchu. Je voudrais Nous rafraîchir la mémoire. Le régime gabonais, du Président de la République Albert Bernard Bongo, devenu Omar Bongo Ondimba, en passant par Ali Bongo, à Oligui Nguéma, est un régime militaire. Pour rappel, Albert Bernard Bongo était un agent militaire de services de renseignements généraux français ; Ali Bongo s’est militarisé quand il est demeuré ministre de la Défense pendant dix ans et le Président de la Transition, le Général Oligui Nguema est un militaire en treillis, Commandant de la Garde Républicaine prétorienne de l’ancien régime.

 Je voudrais aussi rappeler que lorsque les bombes lacrymogènes s’abattaient sur des étudiants qui demandaient la démocratie en 1990, 1998, 2005, 2009 ou quand des fusils d’assaut tuaient des Gabonais en 2016, ce n’étaient pas des civils qui commettaient ces crimes. Il ne faut pas falsifier l’Histoire Nationale et le Devoir de Mémoire Souverain. Les militaires ont toujours géré le pays avec les civils, cette alliance n’est pas nouvelle. On dit que le CTRI a fait en un an ce que le pouvoir déchu n’a pas fait en 14 ans. Si cela est vrai, c’est la preuve qu’on n’a pas besoin d’un mandat long de 7 ans pour réaliser des exploits Je dis donc bravo au CTRI pour cet exploit, permettez à d’autres compatriotes de poursuivre votre œuvre ! »

 Le coup d’Etat ou coup de libération

Passant en dérision le coup d’Etat baptisé « coup de libération » par les militaires du CTRI, le Pr. Boundzanga pointe la deuxième anomalie. Pour lui : « Qui a libéré qui ? Et de qui est-on libéré ? Il ne fait aucun doute que les Gabonais ne voulaient plus entendre le nom de « Bongo » à la tête du pays. Mais les Gabonais ne luttaient pas contre Ali Bongo, il faut le dire ; les Gabonais se battaient contre ce qu’il incarnait globalement : le système Bongo-PDG dans sa totalité. Or il incarnait quoi ? La monarchie, la dynastie, la dévolution héréditaire du pouvoir, le pouvoir des « extrémistes altogovéens », le PDGisme, la corruption, la jouissance unique des richesses du pays entre « Coquins et Copains », etc. Il ne fait aussi aucun doute que le Président de la Transition, vient édulcorer le long règne héréditaire des Bongo. Mais, en même temps, il ne fait aucun doute que le Président de la Transition est de la famille Bongo. Ainsi donc, un membre de la famille Bongo aurait libéré les Gabonais de la dynastie Bongo ! Vous verrez où ça cloche ! … Ce que l’on ne dit pas à propos de la Libération, c’est que c’est aussi le Président déchu Ali Bongo Ondimba qui a été libéré de la révolution populaire qui devait s’abattre contre lui le 30 août 2023. Le Président de la Transition a donc libéré son chef qu’il a servi avec loyauté et fidélité tout autant qu’il s’est libéré du couple Sylvia/Nourredin Bongo. Le peuple gabonais s’en trouve-t-il libéré ? Pas encore. C’est à la fin du processus de la Transition que nous dirons si le peuple gabonais a été libéré. Le Peuple Gabonais doit lui-même arracher sa liberté. »

Le retour du système Bongo-PDG au pouvoir.

C’est la troisième anomalie pointé par l’orateur du jour : « Alors que le peuple gabonais dénonçait la mainmise des ressources du pays par le PDG, grand fut l’étonnement des Gabonais de voir une armée de PDGistes, alliés et apparentés promus au Sénat, à l’Assemblée Nationale, à la Cour Constitutionnelle, au Gouvernement, dans la haute administration. Certains ont été même décorés le curieux jour de « la célébration de la libération ». Contre qui a-t-on libéré le Peuple alors ? Qui est l’acteur principal des fraudes électorales depuis des années dans notre pays ? Qui a laissé prospérer les dérapages budgétaires, l’affaiblissement de la justice, la captation des deniers publics ? Qui a biaisé tous les processus électoraux, singulièrement ceux de 2009, 2016 et 2023 ? Qui a tué les Gabonais à chaque élection présidentielle ? …Le Dialogue National Inclusif a même recommandé la suspension des partis politiques et singulièrement l’interdiction des cadres du PDG de prendre part aux prochaines élections politiques. Mais le président de la Transition n’a pas écouté cette recommandation dont se satisfaisaient pourtant même certains PDGistes ! » Si ce n’est pas une humiliation pour le peuple Gabonais, alors c’est tout comme.

Nous ne passerons pas sous silence, la quatrième anomalie, à savoir le népotisme et la concussion qui ont encore de beaux jours au Gabon.

Examinons la cinquième anomalie, le tribalisme et l’ethnisme : « Nous courons assurément un grave danger avec ces associations ethniques et régionalistes dont le rôle est de défendre, au sein de la République, la communauté ethnique et leur nouveau porte-étendard. Et personne ne s’en émeut ! Le Président de la Transition peut même être président d’honneur de telle ou telle association communautaire !!! C’est effarant !!! Le lobbying ethnique bat son plein, aux antipodes de nos Valeurs Républicaines. Et heureux sommes-nous si nous sommes  de l’ethnie du Président ou de l’ethnie de ses collaborateurs et leurs affidés. La Transition expose notre pays à des transactions ethniques déjà détestables sous l’ancien régime d’Omar Bongo. On peut dire que le passé ne passe pas, il persiste même à rester. » Passons !

La gangrène de la corruption et des détournements des deniers publics.

C’est la sixième anomalie : « Comment expliquer que pendant la Transition, le Peuple assiste à autant de limogeages dans l’administration publique et à la tête des entreprises publiques pour causes présumées de détournements des fonds publics ? En régime militaire de Transition, sous couvre-feu, les « Hommes du Président » issus des choix du casting militaire n’ont pas peur de voler ! Et que fait la Justice ? Toujours un maillon faible de notre République ? Les scandales de détournements se succèdent et la Justice est inactive. Les services sociaux se délitent. Le dernier fait en date, c’est la situation de la CNAMGS qui ne règle pas les factures des pharmacies. La grève des pharmacies pendant la Transition est juste impensable. Où passe l’argent prélevé chez les fonctionnaires ? » Sans commentaire !

Examinons la septième anomalie ou « l’affaiblissement continu de l’Etat au profit du dogme de l’homme fort, de l’homme providentiel ou de l’homme messianique avec les métaphores de Moïse, Josué et de la terre promise. Restaurer les institutions devait consister à renforcer le fonctionnement régulier de l’Etat, sous l’autorité de la loi. Mais à quoi assiste-t-on ? A des adorations fatales d’un homme qu’on croit supérieur à l’Etat. Et, en ce sens, le régime présidentiel récemment adopté lors de la Constitution n’aidera pas les institutions à être fortes et impersonnelles. Pendant la Transition, on est encore surpris que la Première Dame et le Président de la Transition font des dons aux hôpitaux publics. A quoi sert l’Etat alors ? »

Crise profonde de la Fonction publique et du secteur privé.

C’est la huitième anomalie. « Alors que des textes régissent le fonctionnement de l’Etat et la gestion des carrières des agents publics, on est écœuré de voir des fonctionnaires toujours peu impliqués dans leur travail, toujours lassés de travailler dans des conditions exécrables, et toujours pauvres. L’Etat ne donne pas les moyens aux agents publics afin d’améliorer la qualité du service public ; l’Etat abandonne même les agents publics quand il ne veut pas payer certains de leurs rappels. Pendant la Transition, il n’y a eu aucun effort pour restaurer le service public, la fonction publique et ses agents. A la crise de la Fonction publique, se greffe l’instabilité managériale dans les entreprises parapubliques. En un an, que de changements de managers à la SEEG, à Gab’Oil, au FGIS, et même dans l’administration publique qui voit apparaître à nouveau les grèves. » C’est grave !

Neuvième anomalie.  Le « kounabélisme » et le clientélisme. Pour le Pr. Boundzanga, Le Président de la Transition en raffole. Il estime même que l’homme reste « sensible aux discours creux, aux troubadours et chansonniers moyenâgeux. De fait, même la télévision publique s’emmure dans la restriction des opinions libres et objectives…Mais, à la vérité, tout le monde a compris qu’il faut séduire le roi pour lui soutirer des privilèges. »

 10e anomalie, enfin, la Transition veut remettre en cause l’alternance démocratique.

Depuis 1990, le peuple Gabonais aspire à l’alternance. Et il est difficile de freiner l’élan d’un peuple qui combat pour sa liberté.

Cependant : « Il y a des similitudes troubles dans notre histoire contemporaine. En 2009, l’élection présidentielle est venue valider la transmission héréditaire du pouvoir ; en 2025, l’élection présidentielle est appelée à valider le coup d’Etat du 30 août. Et la conservation du pouvoir par un système qui a fait peau neuve, en renouvelant le sacrément de la même alliance de ses hommes aussi bien militaires que civils. Dans les deux cas, on veut nous faire croire que c’est une alternance démocratique. Non, ce n’est pas de la démocratie, c’est des stratégies de conservation du pouvoir par un même clan, un même système Bongo-PDG qui ne veut pas passer le relais et qui tient absolument à empêcher l’alternance démocratique au sommet de l’Etat. »

Avant de clore son propos, le Pr. Boundzanga a invité les militaires du CTRI à s’astreindre à leur serment éthique et déontologique en s’abstenant de présenter de candidat à la Présidentielle 2025. « Le CTRI n’est pas un parti politique, mais un groupe de militaires valeureux que l’Histoire Nationale souhaite célébrer avec gratitude. J’invite le CTRI à ne recourir à aucune ruse pour empêcher l’alternance démocratique Républicaine souhaitée par les Gabonais depuis les événements de la Gare Routière en 1981 et en 1991 lors de la Conférence nationale. »

 

GPA

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