Même si les conditionnalités, contestées par une bonne partie de l’opinion publique, finissaient par être avalisées par le président de la transition, puis validées par le référendum de décembre prochain, on n’aura jamais sans doute fini d’en débattre tant il y a beaucoup à redire sur la question… Faudrait-il absolument, pour être un bon président de la République, celui qui succèdera à Oligui Nguema – si ce n’est lui-même – être Gabonais de père et de mère ?
La question mériterait d’être posée, au moins sur le point de savoir si la commission du Dialogue national inclusif (DNI) qui avait traité des conditionnalités d’éligibilité à la fonction présidentielle et d’autres hautes responsabilités sensibles de l’Etat nous avait sciemment caché des choses. A commencer par les états civils réels d’au moins deux anciens chefs d’Etat du Gabon : Léon Mba-Minko-mi-Edang et Omar Bongo Ondimba. N’étaient-ils que partiellement Gabonais ? Le premier président de la République du Gabon et son successeur restant, pourtant, aux yeux de certains Gabonais, comme des références, des modèles de gestion de la chose publique.
La gestion particulière d’Ali Bongo Ondimba
Ali Bongo Ondimba, qui a succédé aux deux hommes, n’était-il que le fils biologique uniquement de feu alors Albert-Bernard Bongo lorsque ce dernier vivait à Brazzaville en 1959 ? Ce qui expliquerait sa propension à remettre la gestion du Gabon à ses amis Accrombessi (Bénin), Soleman Liban (Somalie) et Lee Taylor White (Ecosse). Seuls les membres de cette commission sauront le dire… On change généralement d’options quand les premières, expérimentées, ont donné des résultats insuffisants, voire désastreux.
Les Gabonais qui n’ont qu’un seul parent de cette nationalité auront-ils été les seuls à faillir au point de se résoudre à restreindre drastiquement l’accès aux hautes fonctions de l’Etat à ces derniers ? Des faits anciens et nouveaux indiquent pourtant bien que ce sont davantage des Gabonais présumés être de père et de mère qui ont mis le pays dans un état tel que les forces armées se sont vues obligées de le délivrer. Des Gabonais de père et de mère, dont certains très probablement encore aux affaires aujourd’hui, qui ont consciencieusement vendu le pays aux étrangers à travers le foncier cédé à vil prix et des souches d’actes de naissance des nationaux qui n’en retrouvent plus dans les mairies et les préfectures. Bien plus, et qu’on ne nous taxe surtout pas de surfer sur le tribalisme ou l’exclusion, les derniers procès des Bla’s boy ont mis face à face dernièrement au tribunal de Libreville plus de Gabonais, dits 100 %, que de faux comme l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba qui avait clairement le contrôle du pays en 2018 alors qu’il n’est, en réalité, comme cela se révèlera plus tard devant la justice, que 100 % Français (Brice Fargeon de son vrai nom).
Actuellement à la présidence de la République et au gouvernement, le Gl de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema et son Premier ministre Raymond Ndong Sima se plaignent-ils de leurs collaborateurs « métis » ? Absolument pas ! Et pourquoi vouloir que, demain, quand prendra fin la transition, Alexandre Barro Chambrier, Murielle Minkouè ou Guy Rossatanga Rignault ne puissent pas postuler à nouveau aux hautes fonctions qu’ils occupent déjà avec beaucoup de patriotisme et de compétence ? Dans l’histoire politique de notre continent, des exemples existent qui ont prouvé que des métis et des citoyens d’appartenance partagée ont fait bien mieux que des nationaux pleins.
Le cas le plus frappant est celui du Ghana avec Jerry John Rawlings qui a fait pour ce pays bien plus qu’aucun autre de ses prédécesseurs, à l’exception notable du père de la nation Kwamé NKrumah. Alors que le pays était au bord de la banqueroute parce que livré à toutes sortes de trafics, il remit de l’ordre dans la maison en ne faisant pas forcément dans la dentelle parce qu’il fit passer par les armes quatre de ses prédécesseurs, 100 % Ghanéens, à l’origine des difficultés du pays. Continuant son travail d’assainissement, il fit dynamiter les principaux marchés du Ghana, dont le plus grand d’Accra, où les mamies Benz se livraient à des actes de spéculation en créant artificiellement la rareté de certains produits de consommation.
Plus près de nous, en République Démocratique du Congo (RDC) où « la loi de père » d’un certain Noël Tchiani a failli mettre le feu au pays de Lumumba, c’est l’officier Mamadou Ndalla, dont le père était d’origine ouest-africaine, qui sauva, au prix de sa mort, le pays de l’invasion du Rwanda via le groupe rebelle « M23 »… C’est dire combien il faudra réfléchir plus d’une fois avant d’insérer dans notre Constitution certaines notions sujettes à caution. Même les Etats-Unis ou la France, que certains voudraient prendre pour modèles, semblent avoir dépassé cette réalité et cette vision des choses.
Barack Obama, de père kényan, a fait tranquillement ses deux mandats présidentiels consécutifs aux Etats-Unis dont sa mère est native. Pas le très sectaire Donald Trump qui pourrait croiser prochainement et probablement se faire battre par deux femmes du parti démocrate : la vice-présidente Kamala Harris ou l’épouse de Barack Obama, Michelle.
Nicolas Sarkozy, l’ancien président français, n’était-il pas d’ascendance hongroise ? L’ancien Premier ministre d’Angleterre, Rishi Sunak, est d’origine indienne. L’Inde qui est aujourd’hui une grande puissance économique mondiale dotée de l’arme atomique.
Alors, nous, nous aurions peur de quoi ? Des infiltrations qui ont cours depuis longtemps dans huit des neuf provinces que compte le Gabon alors que le ver est sans doute déjà dans le fruit avec la faiblesse de notre système d’état civil sécurisé de trop fraîche date ?
Elive Sarah-Noëlle Nyanah-Mbeng