La situation actuelle du Gabon n’est que la suite logique de la panne de l’action publique dans ce pays depuis 52 ans. Tous ceux qui occupent aujourd’hui l’espace public en sont les principaux responsables. Malgré toutes leurs joutes oratoires et autres palinodies. Ils ne nous ont toujours pas dit ce qu’ils ont fait du Gabon et comment en sommes-nous arrivés là !
Il y a 30 ans dans le “Monde diplomatique” je mettais en exergue les limites du régime gabonais cela bien avant la fameuse “conférence nationale”. Hélas, mon analyse trentenaire est toujours d’actualité. L’analyse de l’état actuel du Gabon doit aller au-delà du cadre macroéconomique et du crétinisme anti Francais : les blancs sont responsables de nos malheurs, nous sommes une terre bénie des dieux etc. Une posture obsidionale qui ne mène nulle part. Je soutiens que la France n’est pas responsable de nos problèmes.
La France qui fut notre puissance coloniale est avant tout une nation qui défend ses intérêts. Et c’est de bonne guerre. Elle ne s’embarrasse donc pas de considérations morales. C’est un impératif catégorique que de le comprendre et d’analyser avec rigueur cette posture pour mieux donner le change. De fait cela ne devrait être ni un élément de rejet ni d’adhésion. Mais de réflexion. Faut-il rappeler que Le colonialisme (une idée de gauche et progressiste) et la « coopération » sont la poursuite de la construction nationale par d’autres moyens. Notre naïveté partisane nous pousse toujours à privilégier le dernier interlocuteur. Hier l’occident et de nos jours la Chine.
Très peu « d’observateurs » étrangers et de jeunes gabonais nés entre 1962 et 1990 connaissent l’histoire de Notre pays. Le Gabon est en fait la plus ancienne colonie française d’Afrique noire. Certes il y a Saint-Louis du Sénégal (qui date de Louis XIII). Mais la pénétration française est plus ancienne dans nos contrées que nulle part ailleurs sur le continent ; excepté peut-être l’Algérie (1830). Ce long maillage ne peut ne pas laisser de traces. Notre histoire est une histoire d’extraversion et nous avons donc une “vision de vaincus”. Mes recherches portent sur la construction et la déconstruction des communautés politiques sur une perspective de longue durée avec pour base empirique le Gabon et les deux Congo. Autrement dit : sur la manière dont les communautés humaines s’organisent pour relever deux défis majeurs : La question du pouvoir et les gestes de création et de redistribution des ressources dans un espace délimité. Nous avons sacrifié notre avenir au profit de l’immédiat. Avons-nous réellement défini notre vivre ensemble ? Qu’est-ce qu’un gabonais ? Qui sommes-nous ? Que voulons-nous ? Et sur quelles valeurs repose notre vivre ensemble ?” En gros quelles sont nos standards ? Au lieu de réfléchir à ces questions nous passons notre temps à vider la querelle avec l’ancienne puissance coloniale. Aucun gouvernement Francais (y compris d’extrême-droite ni d’extrême-gauche) n’aura de « politique africaine » différente. De fait dans l’espace international, La France agit comme un acteur avec son triple visage ; de puissance européenne, de puissance occidentale et de puissance nationale. Il va falloir considérer cet aspect de choses et agir en conséquence. Elle a donc besoin de tisser des alliances locales. Mais entre les intérêts de la France et ceux du bloc au pouvoir, il y a le Gabon et le peuple gabonais. Et c’est dans cet interstice qu’il convient d’agir.
Le Gabon dit-on serait en crise. Mais quelle crise ? Le concept de crise usité a tout vas vient du terme grec “krisis” qui se traduit par : moment décisif. Autrement dit l’heure des choix. Son acception est plutôt positive que négative. Car ce terme est souvent confondu avec l’aporie ou les pathologies politiques et économiques modernes.
Le Gabon fut le territoire plus riche de l’empire Francais en Afrique. L’embellie postcoloniale était prometteuse. De fait ce pays a connu entre 1960 et 1975, Le plus fort taux de croissance per capita au monde (8-10% en moyenne). Le socle était planté. Le premier plan quinquennal de l’excellent Ministre de l’Economie de l’époque (André-Gustave Anguilé) était conçu sur des bases solides. Cette génération que je qualifie de « pionnière » sous la houlette de Léon Mba avait une certaine idée du Gabon. La croissance était bien structurante. Tous les jeunes gabonais de l’époque en ont profité y compris votre serviteur. Et pourtant la manne pétrolière n’avait pas encore irriguée nos finances publiques. Rien qu’avec le bois et l’agriculture. L’ascenseur social fonctionnait bien. Nos sociétés ayant été bouleversées par le choc colonial. Le Gabon a connu une mobilité structurale, c’est-à-dire que les pesanteurs sociétales avaient et balayées. Tout le monde partait du même pied. Les filles comme les garçons étaient scolarisés. Cette trajectoire se reflète dans les indicateurs de développement humain du pays. Car le Gabon est le seul pays où il y a une égalité parfaite en termes de scolarisation entre filles et garçons.
La santé publique était assurée et gratuite. Hervé Bourges et Claude Wauthier avaient commis un ouvrage paru en 1980 : Les « 50 Afriques » qui faisait le bilan de 20 ans d’indépendance africaine. Il en était ressorti que Le Gabon avait le meilleur système sanitaire de leur échantillon. Tout cela a volé en éclat.
Au niveau agricole, le Gabon produisait près de 50 000 tonnes de Cacao dans la région du Nord entre 1945 et 1966. Les cultures vivrières et d’exportation fonctionnaient bien. Le bois était transformé sous forme de contreplaqués par la CFG. Ce qui pour une population d’à peine un demi-million d’habitants était une prouesse. Le Gabon dispose de 22 millions ha de forêt et de 15 millions d’hectares de terres avec une faible pression démographique c’est un atout exceptionnel en Afrique. Seules 480 000 ha de terres sont exploitées et se réduisent à l’auto consommation ce qui témoigne de la rationalité des paysans. Le réseau routier étant délabré, cela n’incite guère à la production. Aucune economie ne peut prospérer sans infrastructures routières. La mobilité est un facteur de sédentarisation. Si on peut partir et revenir aisément, il n’y aurait pas d’exode rural. Cela dit, les gabonais imitent les modes de consommation européens au lieu de manger ce que nous savons produire. Ce qui provoque la dépendance alimentaire. Nous ne sommes pas des peuples céréaliers. Et pourtant les politiques agricoles poussent dans ce sens. Alors que tous les nutritionnistes reconnaissent que le Gabon dispose de l’un des meilleurs régimes alimentaires de la planète. La malbouffe fait des dégâts.
Tous les manuels de croissance notamment anglo-saxons citent le Gabon comme un « outlier » c’est-à-dire un cas atypique dans les séries statistiques africaines et plus généralement du tiers-monde. Un pays largement urbanise (86% ; 1er en Afrique). Une croissance démographique raisonnable (2,4%) un revenu par tête ($17 000) plutôt élevé qui mettent le Gabon dans les pays dans le groupe des pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure. Malgré toutes ces données a priori solides, le pays est dans la panade.
La politique du Président Leon-Mba : La doctrine d’intégration nationale, le reversement des recettes au trésor public et la redistribution équitable des revenus issus de ces ressources avait jeté les bases du décollage. Les trois fonctions de l’Etat : Allocation-Redistribution-Stabilisation étaient parfaitement réunies. Ce sont ces restes qui font que malgré l’absence d’action publique, les indicateurs Gabonais bien que décevants sont toujours meilleurs comparés aux autres pays africains. Le Gabon est d’ailleurs l’un des seuls deux pays africains (avec l’Afrique du Sud) ou le salariat est implanté depuis le XIXe siècle. Grâce au bois qui a jeté les bases de l’Economie moderne dès 1928. Et favorise la mobilité du facteur travail. Cela explique en partie pourquoi les gabonais préfèrent un emploisalarié aux affaires.
La « crise » actuelle n’est que la traduction économique de la faillite institutionnelle et politique des Elites gabonaises. Elle est l’aboutissement logique d’une politique de désincitation qui avait été mise en place à l’arrivée d’Albert Bongo et sa clique. De fait le pays n’est plus dirigé depuis 1965. Aucune vision depuis lors. Dans la langue anglaise on dit : “to lead is to serve”. Autrement dit gouverner c’est servir. Le rôle de la puissance publique c’est de fournir aux citoyens des biens publics qui assurent la justice sociale. La principale caractéristique d’un bien public c’est son inexclusivité : Personne ne peut se l’approprier pour lui tout seul au détriment des autres. Ceci ne semble pas être le souci de nos dirigeants.
Dès le milieu des années 70 le Gabon avait déjà des budgets de 1000 milliards FCFA (d’avant la dévaluation de 1994). Mais cela ne s’est jamais traduit dans la vie courante des gabonais. De fait Albert Bongo (ou Omar) avait mis en place un système de vol organisé des budgets d’investissements qui se déclinait comme suit : On fait voter le budget par « l’Assemblée nationale », mais les ministres sont tenus de lui reverser la totalité de leurs Budgets d’Investissements pour sa cagnotte. Si la somme était en milliards FCFA il gardait la totalité pour lui. Et si elle était en centaine de millions FCFA il donnait une commission au ministre concerné. Et ceux qui trainaient les pieds étaient sortis du Gouvernement. Les régies financières et sociétés parapubliques étaient soumises au même racket dit « Bouteilles de champagnes ». Aussi les dépenses publiques au lieu de financer le développement ont servi à financer les prodigalités du régime. Ceci pendant 42 ans. C’est pour cela qu’il nommait à ses fonctions des hommes et des femmes sûrs qui lui devraient tout. De plus l’arrivée massive des soi-disant « diplômés » aux postes de commande a aggravé la situation. Le détournement des fonds publics étant devenu un sport national sous la houlette du « grand camarade » je détourne donc je suis ! Ali Bongo n’a rien inventé. Il avait été formé à la bonne école ; c’est un bandit itinérant qui cherchait à devenir un bandit stationnaire.
Les analystes paresseux nous parlent de « Dutch Disease » ou « syndrome hollandais ». Cette théorie soutient que l’arrivée massive de fonds relègue les secteurs marchands au profit des secteurs non-marchands et affecte négativement l’appareil productif. En fait de « Maladie hollandaise » il n’y en a point. Cette « théorie » qui est reprise par les économistes néo-libéraux et certains commentateurs pressés n’est confirmée ni par l’histoire économique ni par les analyses économétriques. En réalité, contrairement au sens commun, La théorie de la « maladie hollandaise » n’est pas le fruit d’un travail scientifique. Mais le titre d’un article paru dans le magazine « the Economist » en 1977. Il y évoquait le cas de La Hollande qui avait en effet découvert d’énormes réserves de gaz en mer du nord. Et cela avait recomposé son commerce extérieur du secteur marchand vers le secteur non-marchand. Mais ce fut de courte durée. Au point que lorsqu’un pays minier ou pétrolier connaissait des troubles financiers ou des contractions extérieures dans les années 70-80, on invoquait le cas hollandais. Ce qui n’est pas le cas du Gabon. Les matières premières ne sont pas un frein au développement. Bien au contraire. L’histoire économique démontre que tous les pays développés actuels étaient producteurs de matières premières : Etats-Unis, CANADA, Angleterre, Australie, et même sur le continent l’Afrique du Sud. Et plus proche de nous le Chili qui n’exporte (70%) que des matières premières avec un succès notable. Et d’ailleurs les matières premières sont souvent citées comme la variable explicative de l’avancée de l’Angleterre et plus largement de l’Europe et de l’Amérique du Nord sur la Chine au XIXe siècle. Sans le charbon l’Angleterre ne pouvait décoller et amorcer sa Révolution Industrielle.
L’histoire, la géographie, et la chance peuvent déterminer le destin des nations. Mais c’est plutôt la prise en compte de la complexité, c’est-à-dire les liens entre les secteurs qui soutiennent la croissance. Cela vient de complexus qui signifie : tissés ensemble. Et surtout les institutions et le régime politique qui expliquent mieux notre situation. En réalité ce qui semble imputable aux matières premières n’est en fait que le reflet de nos arrangements institutionnels. Le Gabon est l’exemple parfait du « chevauchement » en un mot la relation entre la position de pouvoir et l’enrichissement.
Omar Bongo avait décidé d’absorber les élites dans son système en confisquant toutes les ressources afin d’éviter des concurrents. Sa base politique était constituée de ces classes moyennes urbaines qui ont soutenu son régime jusque-là. Il n’y a eu aucune classe économique nationale.
Toutes les entreprises désireuses d’investir au Gabon devaient lui céder 10% de leur Capital. Au point que dans les milieux industriels on l’appelait « Monsieur 10% ». En Afrique de l’est, il est dit que quand des soldats prennent le pouvoir, l’armée se donne un Etat. Au Gabon c’était un homme puis sa « famille » qui possèdent un pays. Omar Bongo était donc un « Bandit Stationnaire » qui s’est approprié le butin et jetait des miettes a ses affidés. « Un bandit stationnaire » est celui qui gère le butin confisqué dans la durée. Alors qu’un « bandit itinérant » a un appétit d’ogre et dévore tout immédiatement. Ce système lui a permis de régner 42 ans sans avoir été mis en difficulté.
En 1967 quand il devint président il possédait un seul terrain que lui aurait donné feu Léon Mba. Mais en 1988 il en avait 82. Presque tout le foncier et immobilier de Libreville lui appartient. Un vrai pillage. Pierre Jalee avait commis un ouvrage « Le Pillage du tiers-monde » (Maspero 1970), par les multinationales. L’exemple gabonais contredit sa thèse. Car Il y a 90% de fait gabonais et 10% de faits Francais qui pèsent certes lourd. Mais la lutte contre l’échange inégal comme à la maison.
Tous les prévaricateurs de ce régime sont toujours des acteurs irréductibles et inoxydables de l’espace public. Le paradoxe Gabonais repose sur le fait qu’alors que le niveau d’enseignement des élites s’est élevé, le pays a régressé dans tous les domaines. Les fameuses « découvertes » de la pauvreté au Gabon par McKinsey ne sont que de la poudre aux yeux. Car la Banque Mondiale avait sorti un rapport en 1998 de même facture sur le Gabon qui révélait que 60% de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté. Le problème ici c’est qu’on ne sait pas ce qu’est un pauvre, ni un ménage dans nos contrées. Le travail des villageois (surtout celui des femmes) n’est pas pris en compte. Encore moins la “ponction communautaire” ou l’on doit s’occuper de plusieurs personnes avec un seul salaire. En effet, si j’ai 200 francs et que mon voisin en a 300 je suis plus pauvre que lui. Celui qui ne mange pas à sa faim est un Indigent. Et celui qui n’a pas de toit est un Misérable. Dès lors déterminer comment toutes ces trois situations se combinent dans notre pays, est une question cruciale ! de plus, tous les pays du tiers-monde (et surtout développés) se heurtent au trilemme de Dani Rodrik (économiste turc à Harvard) qui se décline comme suit : Un pays ne peut avoir à la fois, un régime démocratique, sa souveraineté et s’intégrer à la mondialisation. Il ne peut que combiner deux sur trois. Ce trilemme se rapproche du trilemme dit de « Mundell-Flemming » selon lequel un pays ne peut avoir en même temps : Un régime de change fixe, une politique monétaire autonome et la liberté des mouvements de capitaux ; il ne peut que combiner deux options sur trois. Ces casse-têtes exigent des ressources humaines de qualité. En fait, le Gabon n’a pas besoin du concours financier international. Ses moyens suffisent à financer le développement sans s’endetter. Le concours du FMI ne peut être que technique et non financier. Le fait est que tous ceux qui ont mis le pays par terre sont dans l’opposition. Mais opposition à quoi et à qui ? Ils ne disent jamais d’où ils parlent, quelles sont leurs idéologies ? Un vrai mystère. Aussi comment peuvent-ils constituer l’alternative ? A ce jour, trois anciens premiers-ministres successifs d’Omar Bongo sont dans l’opposition. Y compris La plupart des anciens ministres de l’Education nationale de la Santé et des Travaux Publics ; secteurs clés pour une croissance structurante. Mais aucun d’entre-deux ne nous a jamais expliqué pourquoi le pays a régressé sous leur garde.
Casimir Oye Mba est un exemple patant. Il passe pour un « économiste » alors que c’est un juriste de formation (droit minier). Puis il suivit une formation bancaire. Certes quand on fait du droit on fait aussi de l’Economie. Donc de banquier central à Premier Ministre puis inamovible ministre sous Bongo. Il est au courant de tout qui s’est passe depuis 1967 en matière économique et financière : Le pillage de Bongo et de sa bande. Un véritable effet d’éviction. Dont le coût d’opportunité pèse lourd sur notre destin. Il demeure silencieux ! Ce qui en dit long. Il est apparu aux yeux des jeunes gabonais comme un homme neuf, en 1990. Alors qu’il était en réalité l’un des cadres fondateurs du système prébendier PDG. Il est ce que l’on appelle un « technopol » autrement dit un technocrate docile en politique. Je me souviens qu’au congrès de 1973, le premier en son genre. Il y avait donné une conférence sur la « Monnaie », tout comme, Jean-François Ntoutoume sur le « capitalisme » Marc Mba-Ndong sur le « socialisme » et Jules-Bourdes Ogouliguende sur « la démocratie Populaire ». Ils passaient tous pour des intellectuels qui devaient relever le Gabon. Chacun a les héros qu’il veut. Du grand bluff et de la pure rhétorique pour un public peu informé.
En réalité le Gabon n’est pas une démocratie qui dysfonctionne mais plutôt une Dictature Parfaite : qui se définit comme : Un régime qui bien que pluraliste repose sur une culture publique autoritaire. Toutes les institutions sont les soupapes du système et non des contre-pouvoirs. On ne dira jamais assez qu’il n’y a pas d’alternance dans un régime autoritaire. La démocratie ne peut se construire sans démocrates. La plupart de ces intellectuels étaient nourris au lait de l’antihumanisme en vogue dans les années 60 pendant leurs études en occident. Ils reprenaient les critiques de la gauche occidentale contre la « démocratie bourgeoise ». Ils ne pouvaient donc pas réfléchir sur ce qu’est un régime démocratique. En conséquence aujourd’hui dans l’opposition, ils ne peuvent renverser les choses. Car ils n’ont qu’une culture de conservation d’avantages acquis. Et aucune stratégie de prise de pouvoir. Ils ont été les architectes du parti unique qui leur seyait. Ils n’ont donc aucune culture démocratique. Nonobstant les pétitions de principe. On ne se s’improvise pas démocrate ; cela se travaille. Car comment comprendre qu’un démocrate puisse-t-il servir un dictateur sans rechigner pendant 42 ans ! Ils n’ont jamais évoqué publiquement le sort de Germain Mba. Casimir Oye Mba Premier ministre et directeur de campagne d’Omar Bongo en 1993 avait tué le processus de liberalisation en couvrant le hold-up électoral contre Mba-Abessole et toute la restauration autoritaire qui en avait suivi.
De plus, Il y a trop de passagers clandestins (des gens qui resquillent au sein de l’Etat sans payer le prix) et beaucoup d’imposteurs dans notre Administration. Qui devrait être reformée de fond en comble. Car aucune réforme ne saurait aboutir sans un service public de qualité. Il faut donc une nouvelle culture administrative et civique. Les prérequis à la mode ne sont pas des conditions du développement mais plutôt sa conséquence. Un pays a une bonne gouvernance parce qu’il est développé et non l’inverse. De fait le Gabon est un pays où l’on peut dire tout et n’importe quoi sans craindre le risque d’être réfuté scientifiquement.
Jules Bourdes-Ogouliguende à l’époque Ministre de la Fonction publique- avait découvert 5000 faux diplômés qui émargeaient au budget de l’Etat. Mais lorsqu’on s’était aperçu que c’étaient des gens proches d’Omar Bongo, le dossier lui avait été retiré et remis à Léon Mebiame qui l’avait enterré. Le fameux fonctionnaire “fantôme” est une vieille marotte gabonaise. En 1990 il y avait déjà 116 généraux au Gabon (tous les corps habillés confondus). De nos jours ce chiffre a dû quadrupler (au bas mot 456). Ce qui est un coût pour l’Etat. Puisqu’ils n’apportent rien. Pourtant les analyses internationales donnent des chiffres intéressants sur le Gabon. D’ici 2022, le PIB per capita atteindra les $25 000 avec une croissance de 4,5%. Mais ce n’est qu’une donnée statistique qui masque les vraies inégalités spatiales et financières. La fourniture d’électricité et de l’eau est au cœur des préoccupations. Alors que La SEEG entreprise publique était un fleuron dans les années 70-80. Elle devenue un gouffre. Les ministres et les hauts fonctionnaires ne paient pas leurs factures. Certains accumulaient entre 250-300 millions d’impayés. Aucune entreprise ne peut survivre à une telle gabegie. En réalité bien que Mr. Divungui fût le DG de la SEEG, le vrai patron fut Billon-Tirard le DGA un expatrie et c’était lui qui gérait la compagnie. Après son départ à la retraite, l’incompétence des successeurs avait été mise à nue. La gabonisation dans de nombreux secteurs est un désastre.
Le Changement dans notre pays passe par un travail sur nous-mêmes. Ce qui semble difficile à certains. En paraphrasant mes amis congolais à propos de Sassou-Nguesso et de Ngouabi sur le sort du Congo-Brazzaville. Omar Bongo et ses affidés (nouveaux opposants) ont mis le Gabon par terre, Ali Bongo et ses petits voyous de quartier l’ont mis sous terre. Le problème c’est que le PDG est à la fois le Régime et l’opposition. Le défi à relever c’est de chercher comment passer de l’état de passe-droit a l’état de droit. Et de nous débarrasser de cette métastase qui tue notre corps politique et social. La ligne de partage ne se situe pas entre la légitimité et la légalité. Mais entre la Légitimité et l’usurpation que nous vivons depuis 52 ans. Cela dit l’avenir reste ouvert. Car aucune situation historique n’est irréversible. Et les peuples sont sujets de leur histoire. L’avenir de notre pays mérite un sursaut patriotique. Il n’a pas besoin de nouvelles majorités de circonstances et autres faux « dialogues ». Mais d’un plan d’Ajustement sociétal. En somme d’un nouveau régime pour remettre le Gabon à la place qu’il mérite. Une solution gabonaise, une société de confiance et non de connivence. J’ai décidé de monter au créneau pour rétablir un minimum de probité intellectuelle dans un débat qui est miné par l’ignorance, la démagogie et la mauvaise foi. De fait depuis 52 ans « l’union » a fait la faiblesse. Ce sera « l’Audace ou l’Enlisement ».
Aristide Mba
Eco-politiste, Chercheur en Sciences Sociales