Censé se terminer en février 2021, le mandat en cours des sénateurs suscite d’ores et déjà des bagarres politiques partout à travers le pays et, surtout, au sein du PDG au pouvoir qui a la majorité des conseillers départementaux et municipaux. A Oyem, la lutte en sourdine que se livrent les potentiels candidats est bien avancée avec, en ligne de mire, l’obtention de l’investiture du « plus fort » par la présidence du parti.
Le PDG en position précaire dans le Woleu
En dépit du fait que le PDG soit parvenu à avoir la majorité des conseillers aux dernières élections locales, son positionnement n’est guère rassurant sur le terrain dans le Woleu-Ntem en général et dans le Woleu en particulier (commune d’Oyem et cantons). En effet, la permanence de certains politiciens du coin qui ont déjà fait corps avec les travers dénoncés par la base du parti et les populations locales en général (domination, égocentrisme, avarice) fait en sorte que le PDG, malgré les millions « investis » d’une élection à l’autre, peine à susciter l’adhésion libre et massive du plus grand nombre des électeurs. A cela s’ajoute le parachutage de noms depuis Libreville au plus grand dam de la base.
Dans ce contexte politique, le risque d’un énième revers politique en 2023 tient au fait que les acteurs qui sont à l’origine de cette démobilisation de la base du parti tentent de revenir en force à l’occasion de cette élection sénatoriale. Quid de la base ? Une base (présidents et membres des comités du parti dans les quartiers) qui, non seulement est désabusée, mais aussi vote désormais contre le parti (en faveur des indépendants et de l’opposition).
Ils sont les auteurs de l’échec du parti aux dernières élections législatives dans le 2è arrondissement de la commune d’Oyem après avoir misé fort et tripatouillé pour sauver l’honneur au 1er arrondissement à la même élection puis pour glaner le poste de maire central d’Oyem non pas grâce à la majorité des conseillers PDG, mais grâce à des arrangements d’arrière-boutique avec les indépendants et l’opposition Union nationale. 2023 s’annonce, à cette allure, être un remake encore plus violent que 2016 et 2009 si ces tenants de titres fonciers politiques PDG à Oyem et dans le département du Woleu continuent, avec leur mentalité et leurs pratiques désavouées par tous, à peser sur le fonctionnement du parti (prise ou partage de postes, de l’argent…).
Leur bilan est sans appel. Dans le canton Kyè, aux élections d’octobre 2018, un Ajévien, parfait inconnu en politique, qui plus est, un adepte de Bacchus, a correctement battu un PDGiste au premier tour… Dans le Nyè, un indépendant, qui a fait campagne en 3 jours seulement, a mis au tapis un membre du bureau politique du PDG parachuté par la hiérarchie du parti et qui se targuait de connaître parfaitement le canton.
Dans le canton Ellelem, malgré ses maigres moyens face à la machine financière du parti, un opposant (Héritage et Modernité) a bien battu le PDG dans les urnes.
Dans le Woleu, un autre inconnu, estampillé Ajev, a corrigé un PDGiste qui occupait ce siège depuis deux mandats.
En dépit de ces échecs aux législatives, tous ces candidats ont été reconduits au prestigieux postes du PDG (Kyè, Nyè, Woleu. Actuellement, dans le canton Bissock, un opposant ayant farouchement combattu le PDG depuis des lustres en est devenu aujourd’hui membre du bureau politique (MBP). Un exemple encore, il y a à peine quelques jours le fédéral par intérim Nyè a voulu installer des comités de base du parti dans cette circonscription. L’accueil mitigé qui lui a été réservé a vite démontré l’inopportunité d’une telle opération.
Il y a donc un climat de méfiance installé ou suscité même indirectement par des « dinosaures » de la politique à Oyem et dans le département qui fait que ces derniers veulent opter pour des votes par procuration lors de l’élection du sénateur unique de la commune et du département. L’objectif étant d’échapper à un vote sanction de la part des conseillers municipaux et départementaux qui, issus pour la plupart de la base, rejettent un discours démagogique que les pratiques contredisent dans le fonctionnement local du parti. Ces « barons » politiques locaux ont certainement en souvenir l’élection, il y a quelques années, du président du Conseil départemental du Ntem (Bitam). Election au cours de laquelle, malgré la majorité absolue des conseillers départementaux du PDG, ces derniers avaient plutôt préféré élire Memini (Union nationale) à la tête de leur institution plutôt qu’un candidat PDG dont le nom avait été parachuté.
Les pronostics d’« Edumasi »
C’est le nom de la mythique place du corps de garde à Oyem. Une « arène fluide » de la démocratie locale, diraient les experts, où des retraités de l’administration et du secteur privé, des notables, des sages et « monsieur tout le monde » se retrouvent régulièrement, comme dans un corps de garde du village, à égalité de voix, pour parler « politique ». Des analyses qui, très souvent, reflètent l’« état de l’opinion » et reflètent le vote dans les urnes toutes tendances confondues.
Les pronostics des « bookmakers » d’Edumasi font ressortir le profil ou portrait-robot du « bon sénateur » qu’il faut au département pour la période à venir. Conscients de l’avance du PDG en termes de conseillers municipaux et départementaux sur les autres forces politiques qui votent désormais le sénateur unique du département-commune, ils estiment que si le PDG espère avoir une once de crédibilité encore dans leur localité, la tutelle gagnerait à comprendre qu’il faut changer certains visages, pas forcément pour mettre des gens « neufs », mais pour y donner une nouvelle impulsion sur le terrain (discours et actes de solidarité).
Leur lecture politique paraît assez critique à l’égard d’Engonga Owono François pour qui, et ce dans toute la localité, le bilan politique est davantage teinté de négativité que d’acquis en termes de cadres formés, d’investissements publics (infrastructures, projets, emplois massifs des jeunes) après plus de deux décennies durant lesquelles il a dominé la vie politique dans la commune et même dans certains cantons par ses « hommes de main ». Mieux, la mémoire collective se rappelle qu’il a réussi à casser ceux qui l’ont fait, comme Richard Nguema Bekale, et ceux qui était porteurs d’un vrai renouveau politique pour Oyem comme Fabien Owono Essono. N’at-il pas fait casser le candidat PDG Megne m’Eyi aux dernières élections législatives pour faire passer une transfuge de l’opposition, Estelle Ondo au 2è arrondissement ? Le repositionnement d’Engonga Owono serait donc perçu ni plus ni moins comme la marque d’un PDG qui, en contradiction avec sa revitalisation et sa régénération, ne veut rien comprendre ni entendre ni même réussir pour faire mieux dans le département et la commune.
En dehors de lui, les analyses de l’agora d’Edumasi voient comme potentiels candidats Rose Allogo Mengara, l’ancienne RPGiste et maire d’Oyem ; Bitoughat Christiane, l’ancien ministre et syndicaliste, Jean Frédéric Ndong Ondo, alias John Fred, ancien patron de la PIP et un certain Nguema Obame Jean Clair, un activiste politique local.
Des noms qui défilent, des profils bien différents
Rose Allogo Mengara peut-elle véritablement constituer un « pion » de confiance pour le pouvoir ? Si elle était parvenue à devenir conseiller d’Ali Bongo, c’est parce que le pouvoir avait cru qu’en piochant un cadre de l’opposition (maire RPG) cela porterait un coup dur sur le terrain. Seulement, ce qui n’avait pas été remonté dans les fiches et transmis à Ali Bongo, c’est qu’au moment où Rose Allogo Mengara est proposée, sa cote de confiance et de popularité était au plus bas : clientélisme à la mairie, vente de matériel de travaux publics, gestion personnelle, bilan social, environnement chaotique. Elle apparaît aujourd’hui dans le paysage politique du PDG comme une « chauve-souris » : mi-PDG, mi-opposante. Ses proches savent les critiques acerbes qu’elle assène au pouvoir émergent.
Christiane Bitoughat, quant à elle, serait une candidate présentable. Mais, à Oyem, elle ne peut rassembler pour faire l’unanimité. Politiquement elle est devenue appréciable pour avoir réussi à dire tout haut et en face à Engonga Owono, alias Eboué, ce que la plupart des gens ont toujours eu peur de lui dire, à savoir qu’il est un frein à la bonne marche du parti. Ce courage assumé ne constitue cependant pas un projet politique de relance du PDG. L’anti-Eboué est un sentiment partagé par la grande majorité des PDGistes et des populations, mais il faut autre chose qu’elle n’a pas.
Jean Frédéric Ndong Ondo est perçu comme un possible candidat, voire crédible, qui pourrait se targuer de la double expérience administrative et politique acquise au PDG depuis des lustres. Il souffrirait davantage de l’ombre tutélaire de son aîné, l’ex-PM Daniel Ona Ondo et actuel président de la Cémac.
Nguema Obame Jean Clair est en embuscade politique depuis 2015 qu’il cherche à devenir député, sénateur ou « DG ». Mais son opportunisme politique rend illisible son « bilan ». De plus, politiquement, que gagne le PDG à donner au même canton (Kyè) le poste de président du Conseil départemental du Woleu et celui de sénateur du département ? Un mauvais partage dont l’inutilité n’est plus à démontrer.