Presque partout où il et passé pendant sa tournée républicaine à travers le pays, le tombeur du dictateur émergent n’a eu de cesse d’indiquer qu’il avait besoin de tout le monde pour reconstruire le pays. Ali Bongo Ondimba et ses avocats n’ont-ils pas saisi la main ainsi tendue pour tenter de résoudre Brice Clotaire Oligui Nguema à lâcher du lest quant au sort carcéral qui est celui de la famille régnante jusqu’au 30 août dernier ? Plus les jours avanceront et mieux nous saurons la vérité sur ce dont on nous a réellement délivrés.
C’est une personnalité qui aura passé près d’une vingtaine d’années à la tête d’un pays en crise, déchiré par la guerre et les rébellions qui l’affirmait, face à la presse, quelques mois avant de cèder pacifiquement le pouvoir à son successeur dont certains continuent à dire, à Kinshasa, qu’il n’est pas forcément la traduction du verdict des urnes de la présidentielle de décembre 2018 au pays de Patrice Eméry Lumumba. Joseph Kabila Kabangué soutenait alors que tout restait possible en politique.
Adversaires irréductibles sur le champ politique depuis que le père Laurent-Désiré Kabila est venu ravir le pouvoir mobutien à papa Etienne Tshisékédi Wa Mulumba, les fils Joseph et Félix Antoine ont fini par fumer le calumet de la paix. L’ancien général-major préférant voir à sa place, le fils du sphinx de Limété, plutôt que le « suppo » de Moïse Katumbi qu’était alors Martin Fayulu, vainqueur autoproclamé ou non proclamé des élections présidentielles qui consacraient les 18 ans de pouvoir du Katangais, natif de Fizi dans le Kivu. Une alliance politiquement impensable jusque-là. Un attelage qui d’ailleurs ne résistera pas longtemps à l’épreuve des réalités et des contradictions de formations politiques se réclamant toutes du socialisme comme le PPRD de Kabila Kabangué et l’UDPS de Tshisékédi Tshilombo. Aujourd’hui c’est en chiens de faïence que les deux hommes se regardent. En attendant l’issue que le mouvement de la politique rendra, naturellement… possible.
Au Gabon, personne ne pouvait prédire que c’est à l’aide de camp, l’un des derniers témoins oculaires des derniers instants de vie sur terre d’Omar Bongo Ondimba, qu’allait incomber la responsabilité de déchoir le régime du fils du bienfaiteur disparu. Comme très peu, à part les initiés, n’imaginaient pas à quel point le décalage pouvait être aussi grand, et presque immédiat, entre la proclamation des intentions de déchéance du système et la volonté réelle de passer politique à autre chose de meilleur avec d’autres femmes et d’autres hommes dont le pays regorge dans tous les partis politiques (le PDG compris) et dans tout le pays (avec les provinces jumelles autoproclamées à une certaine époque).
Très vite, au lendemain du jour mémorable du 30 août 2023, et alors que l’encre qui transcrivait les propos de rupture du sémillant général libérateur n’avait pas encore séché, les premiers actes posés rentraient en collision avec les affirmations et les intentions proclamées. Au gouvernement, dans les administrations publiques et parapubliques, ainsi que dans différentes institutions de la transition l’opinion a du mal à en croire ses yeux et ses oreilles. Ce sont parfois mêmes ayant servi avec zèle l’ancien couple présidentiel qui reviennent. Quant aux enquêtes de moralité qui devaient précéder les nominations, c’est un luxe de précautions dont ne veut plus s’embarrasser apparemment le régime de transition. En France par exemple, il existe une institution en la matière, c’est la Haute autorité pour la transparence de la vie publique-HATCP). Ainsi donc, école ou pas école, passé judiciaire chargé ou vide, on fait avec qui on veut. Népotisme clair ou copinage ouvert, ceux qui s’en offusquent ne seraient, curieusement comme hier, que des « jaloux envieux ». Heureusement que le pouvoir en place depuis plus d’un an, tient une carte maitresse en main pour attester incontestablement de sa volonté de faire des choses extraordinaires dans ce pays : la neutralisation politique d’Ali Bongo Ondimba et le maintien en prison de son épouse Sylvia et de son fils Nourredin. De quelques comparses aussi du clan qui faisait hier la loi au Palais du Bord-de-Mer.
Mais voilà que, sans doute sur les conseils avisés de ses avocats, l’ancien chef de l’Etat, non sans malice, veut retirer au pouvoir militaire, ce qui reste aux yeux de l’opinion nationale et internationale, comme leur plus grand fait d’armes au moment ou sont réhabilitées vivantes ou à titres posthumes, les mémoires de tant de gens qui ont fait beaucoup de mal à ce pays, dans toutes ses provinces. Ali Bongo Ondimba, qui n’est certainement pas le moindre d’entre eux, parle aujourd’hui de réconciliation nationale et… d’indulgence pour sa famille nucléaire. Mais, le toujours Distingué Camarade Président a-t-il vraiment de la mémoire ? Depuis quand, d’après lui, il y a eu crise au Gabon pour que l’on parlât de réconciliation nationale ? Pendant sa prise et sa conservation violentes et sanglantes du pouvoir en 2009 et en 2016 le Gabon était donc tellement paisible qu’il pouvait se permettre de fermer les yeux et de boucher les oreilles sur les appels à une transition politique, afin d’apaiser les tensions qui se faisaient jour dans notre société ? Pourquoi faudrait-il, parce qu’il n’est plus au pouvoir et que sa femme et son fils sont en prison pour des motifs graves, qu’il faille mobiliser le pays pour un énième conclave inutilement budgétivore comme l’ancien et désormais décrié Dialogue National Inclusif ?
Au moment où d’autres acteurs politiques, y compris son dernier Premier ministre, appelaient à ce que l’on évoque, et probablement sanctionne les évènements post-électoraux de 2016, pourquoi ne s’est-il pas manifesté ?
En réalité, Ali Bongo Ondimba se trompe et veut tromper l’opinion. Ce dont il devrait parler, c’est de réconciliation avec le chef de sa garde qui a pris le pouvoir parce que certainement poussé à bout par Sylvia et Nourredin. Le Gl de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema a déjà eu à dire tout le mal qu’il pensait des agissements, à son encontre, de la femme et du fils aîné d’Ali Bongo Ondimba témoin passif de certain de ces faits. La restitution récente de l’avion de cette dernière à l’Etat gabonais, vient d’achever de convaincre les plus indulgents des Gabonais à convenir que la famille Ali Bongo Ondimba s’est véritablement rendue coupable de graves prédations des ressources nationales. Il faut donc que les procédures judiciaires aillent jusqu’au bout et que soit restitué à la République gabonaise ce qui lui a été volé par les puissants d’hier des deux sexes. A moins que le futur probable candidat avec tous les pouvoirs estime malgré tout, qu’il n’est arrivé là où il est aujourd’hui – et sera très sûrement demain –, que grâce à un certain Omar Bongo Ondimba, le père généreux d’un fils qui s’est égaré politiquement par la faute de ce dernier. Parce qu’il est de notoriété publique que pour Ali Bongo Ondimba, le dada c’était la musique et… la gastronomie.
Mais autant nous retiendrons de Joseph Kabila Kabangué que tout reste possible en politique. Autant peu de gens ignore au Gabon qu’Omar Bongo Ondimba avait des dons quasi divins comme ceux de faire d’un chien un ministre… et d’un chat un général ! On peut même légitimement se demander si ce n’est pas un peu pour cela que nous en sommes là…
Sylvanal Békan