Nommés au gouvernement il y a moins d’un an pour affaiblir l’opposition, les ministres d’Etat Moukagni-Iwangou et Michel Menga semblent désormais assis sur des sièges éjectables. Par une botte dont eux seuls ont le secret, les émergents leur ont fait porter le chapeau d’une réforme impopulaire qui risque de provoquer leur sortie du gouvernement par la petite et humiliante porte de leur échec à sortir de la crise scolaire qui vient de se déclencher.
Si le Bantou de l’émergence avait su, un seul instant, que cette réforme des bourses qu’il se gargarisait d’avoir mise en musique lors du dernier Conseil des ministres allait être sa marche funèbre gouvernementale et, peut-être, sa tombe politique, il s’en serait, instinct de survie oblige, abstenu. Et comme pareille réforme ne pouvait avoir de sens sans l’implication de son collègue de l’Education nationale, voilà le pauvre Michel Menga en train de faire les frais d’un dossier brûlant auquel, Dieu seul sait, il n’aurait souhaité être mêlé ni de près ni de loin. Il a beau, à gorge déployée, juré ses grands dieux qu’il n’a rien à avoir dans cette affaire qui relève des états généraux de l’éducation, il y est englué. Peu convaincant de la part d’un ministre de l’Education. Pour l’opinion, le « diable » c’est lui et son collègue Moukagni. Les deux hommes, malgré eux, viennent déjà de perdre la bataille de l’opinion, surtout que sur les réseaux sociaux, des vidéos circulent qui montrent comment des policiers armés jusqu’aux dents, armes et matraques en main, tombent, à bras raccourcis sur des gamins aux mains nues pour mâter leur révolte. Pour les parents et pour l’opinion, c’est, certes, le gouvernement qui est responsable, et, au premier chef, les ministres concernés.
D’ailleurs, si Menga n’avait pas hissé le drapeau blanc et ordonné l’arrêt des cours, le pire allait certainement arriver. Les forces de police, finalement d’insécurité, étant venues non pas la fleur au fusil, mais bien avec l’intention de mater de l’élève pour éteindre l’idée saugrenue de venir à nouveau manifester dans la rue. A ce moment, pour résoudre la crise, le gouvernement ne peut se faire l’économie de reculer en levant la mesure. Et pour son image auprès de l’opinion, il lui faut bien griller des fusibles en limogeant les ministres qui ont porté cette réforme impopulaire et injuste. Michel Menga, qui, aujourd’hui, a été mis en quarantaine par son ex-parti, pourrait, tout au mieux, se retrouver simple ministre dans un département de moindre importance, au pire, être remercié, surtout si le dialogue entre Nzouba Ndama et le régime aboutit.
Au-delà de ce remaniement en vue, on comprend que la sérénité dans le pays n’est pas au mieux : crise dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur, guerre des chefs entre émergents altogovéens, le tout sur fond d’incertitude quant à la santé d’Ali Bongo, mauvaises nouvelles de déstabilisation des régimes de Bouteflika en Algérie, victime comme Ali Bongo d’un AVC, un Boa que les rumeurs donnent de nouveau reparti à l’anglaise pour l’étranger, et d’Omar el-Béchir au Soudan. Urgence médicale, laisse-t-on fuiter. Le gouvernement pourrait faire les frais de nouveaux rééquilibrages politiques, dans quelques temps seulement, afin de prévoir tout scénario politique…
Le clan au pouvoir du G2 sait désormais que Ping et les siens ont la même information qu’eux sur ce qui se cache et se trame depuis, entre Paris, Rabat et Libreville, sur les allées et venues occultes d’un mystérieux Ali Bongo tantôt debout, tantôt dans une chaise roulante, tantôt en pleine nouvelle rechute. La vacance du pouvoir, longtemps retardée avec la complicité du Maroc et de la France, semble clairement se dessiner. Il semblerait que les questions préjudicielles, qui bloquaient tout, auraient, en interne, trouvé des solutions adoubées par la France : qui présenter comme candidat du « système Bongo-PDG ». Des noms circulent. De Laccruche Alihanga, qui place ses obligés un peu partout, à Faustin Boukoubi soutenu par les caciques du « Haut-Ogooué-Lolo » qui voient en lui quelqu’un de conciliant ou une troisième carte encore peu connue du grand public. Comment ou sous quelle forme annoncer aux Gabonais la vacance du pouvoir, c’est-à-dire quelle scénario et surtout quel plan de gestion de l’après-annonce jusqu’à l’élection présidentielle anticipée ? Enfin, qui, de Boukoubi ou de Milebou, présente les meilleures garanties de confiance pour la gestion d’une transition à risque (trahison, mouvements de rue, pression internationale, risque de coup d’Etat, etc.) en tant que président de la République par intérim durant les délais constitutionnels prévus ?