Suspension de 13 hauts fonctionnaires dans l’affaire du Kevazingo gate. En revanche, en ce qui concerne les ministres suspects, le gouvernement, dans sa frilosité et sa félonie, a préféré jouer les Ponce Pilate en demandant à ceux qui se sentent une âme de coupable dans ce monde vertueux de démissionner.
« Démissioner ? Pourquoi démissionner pour si peu ? Comme Julien Nkoghe Bekale est trouillard, peureux et mesquin ! Pour quelques containers de Kevazingo disparus, on voudrait que des ministres démissionnent...». Voilà ce que doivent se dire les ministres visés. Ngoubou, Ngambia, Manf’10, Moubamba…, qui avaient été virés primitivement de ce Mbandja sans qu’on ne le leur demande, ont ressenti cette entourloupette du gouvernement comme une blague de mauvais goût, car elle s’adresse à tout le monde et finalement à personne. Elle nous renvoie plutôt à ces paroles du Christ en face des bourreaux de la femme adultère : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». Nous connaissons la suite.
Les différents gouvernements de l’émergence sont essentiellement constitués de voleurs, d’arrivistes, de repus et d’aigris. Il est rare d’y trouver des hommes vertueux. Or, pour imposer aux autres la vertu, il faut au préalable qu’on se l’impose soi-même. On comprend donc toute la gêne du Premier ministre à désigner ses collègues coupables et à les virer de son gouvernement. A notre sens, il aurait dû se taire au lieu de prononcer la phrase de trop : « Par ailleurs, les membres du gouvernement qui se seraient rendus complices de ce vaste scandale sont appelés à en tirer toutes les conséquences ». Même empreints de diplomatie et de trouille, les mots du porte-parole du gouvernement ne peuvent être on ne peut plus clairs et résonnent déjà comme une invitation à la démission.
Toute la question ici est déjà de savoir si des hauts fonctionnaires, nommés par décret en Conseil des ministres, peuvent être virés par un simple communiqué du ministre porte-parole du gouvernement, même agissant au nom du Premier ministre. Au-delà du manque de parallélisme de forme, il y a aussi le principe de la présomption d’innocence qui a été violé. Les subordonnés qui viennent d’être sanctionnés agissaient sous les ordres de qui ? Au fait, Jeannot Kalima n’était-il pas déjà en prison ?
Lorsqu’on gère des hommes à un niveau suffisamment élevé de l’Etat, on ne fait plus dans l’amateurisme et l’émotionnel. On décide. Les ministres visés, même s’ils ne sont pas cités nommément, ont déjà perdu la bataille de l’opinion et sont jetés en pâture sur les réseaux sociaux. Est-ce l’effet recherché par le chef du gouvernement ? Pourquoi sanctionner des subordonnés et demander à leur tutelle de décider librement ? En agissant ainsi, le PM, sans le savoir, s’est fragilisé, car il vient de faire montre d’un homme qui, visiblement, manque de poigne et d’autorité. Un homme qui ne sait pas agir en chef lorsqu’il exerce l’autorité. En somme, un faible. Même si, demain, il prend les mesures qui s’imposent, on comprendra qu’il le fait sous la pression de l’opinion et non de son propre chef.
Ceux qui ont allumé le feu sur le Kevazingo gate n’ont certainement pas prévu que l’incendie allait largement brûler la maison gouvernementale à une température de 353 dégrés. Nous y sommes.