Par Guy Nang -Bekale, Docteur d’Etat en Sciences Politiques. Tél : 077 35 89 49
« J’ai choisi de twister les mots et de révéler certains faits pour qu’un jour nos enfants sachent ce que certains ont été ; ce que d’autres ont obtenu et ce que nous avons fait du Gabon ».
Certains états-majors politiques se préparent à participer à la présidentielle de 2023 et aux autres élections qui suivront sans savoir si les conditions, pour la tenue d’élections crédibles, seront réunies. Personne ne sait aujourd’hui :
– combien d’individus vivent au Gabon ; en particulier le rapport Gabonais-étrangers, faute d’un recensement ;
– l’état de la liste électorale qui n’a pas été actualisée depuis des années ;
– le nombre de votants qui formeraient le corps électoral par type d’élection (présidentielle, parlementaire, locale) ;
– l’estimation du coût des élections dont les budgets ne sont jamais rendus publics ;
– si le climat socio-politique actuel, qui paraît faussement apaisé, permettra la tenue des élections dans des conditions idoines quand on a en mémoire qu’en 2016 la population du Haut-Ogooué avait subitement augmenté en quelques heures et que les votes n’ont pas été repris à Libreville où les résultats ont été annulés sans reprise du scrutin en violation flagrante de la loi ;
– ce que décidera la Coalition pour la nouvelle République (CNR) qui revendique toujours la victoire de Jean Ping de 2016…
La majorité des partis politiques de l’opposition actuelle sont dirigés par d’anciens PDGistes dont certains sont déjà des candidats déclarés ou potentiels. Depuis le décès d’Omar Bongo en 2009, c’est un PDGiste, Ali Bongo, qui représente le Gabon. Et les PDGistes qui sont passés dans l’opposition veulent continuer à gouverner le pays ; les uns se croyant plus aptes et expérimentés que les autres. Quelle hérésie ! Depuis 1993, seuls quelques rares opposants politiques connus et opposants auto-proclamés ont toujours été candidats sans jamais accéder au pouvoir suprême.
Présentement, autour de nous et sous nos yeux, le monde bouge, change, se transforme et progresse en Europe et dans certains pays d’Afrique. Quid du Gabon ? Cette évolution semble s’effectuer…au détriment de puissants Etats dominateurs occidentaux de jadis et actuels, notamment les USA et la France, qui sont en difficulté dans leurs traditionnelles sphères d’influence du Moyen-Orient et de la francophonie…et à l’avantage de la Russie et de la Chine à travers des partenariats de type nouveau dont les contenus sont encore mal définis et/ou imparfaitement connus des Africains. Des transformations sont perceptibles en Afrique de l’ouest et dans une infime partie de l’Afrique centrale où le reste, formé du Cameroun, du Congo Brazzaville, de la Guinée Equatoriale et, surtout, du Gabon demeure encore en apparence relativement calme et tranquille. Mais pour combien de temps encore ? La guerre russo-ukrainienne a dévoilé et confirmé les vils agissements de certains pays qui régentent le monde depuis des siècles sans jamais favoriser un développement harmonieux et encourager le progrès de l’humanité.
Au nombre des événements du passé réputés majeurs qui ont servi de catalyseurs de l’évolution du monde nous citons :
1 – La révolution industrielle du 18ème siècle (1760-1770)
Dont l’origine est attribuée à l’Angleterre qui tirait sa prospérité des activités commerciales coloniales. Le progrès technologique a permis la création des manufactures pour la transformation et le traitement des matières premières, l’amélioration des activités économiques et l’accumulation des richesses. Cette révolution des moyens et des méthodes de production s’est répandue dans toute l’Europe de l’ouest en donnant naissance à des pays puissants, dominateurs et durablement tournés vers la recherche des matières premières pour assurer la prospérité de leurs peuples. La révolution industrielle impactait les domaines technologique, socio-économique, financier, monétaire, idéologique et juridique. Ses acteurs et théoriciens sont, entre autres, James Watt, Samuel Crompton, Georges Stephenson, Henry Bessemer, Friedrich Engels, Karl Marx, Louis Pasteur…
2 – La révolution française de 1789
Cette période, faite de bouleversements sociaux et politiques historiques (1789-1799), est l’œuvre du peuple français contre le pouvoir monarchique et pour l’abolition des privilèges. Elle s’est répandue dans le monde par la portée morale, humanitaire et universelle de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Finalement, la monarchie absolue a été remplacée par une monarchie constitutionnelle. Si la révolution industrielle anglaise s’est cantonnée principalement en Europe à cause de ses exigences en matière d’invention et de fabrication des moyens de production, la révolution politique française, plus théorique, verbale, intellectuelle et idéologique, est devenue universelle parce que de nombreux peuples vivaient sous des systèmes autocratiques dans d’autres parties de l’Europe et à travers la planète. Les noms célèbres de ce mouvement populaire sont ceux des Montagnards Georges Jacques Danton (1759-1794), Maximilien de Robespierre (1758-1794), Jean Paul Marat (1743-1793, Louis Antoine Léon de Saint-Just (1767-1794), etc.
3- La Révolution russe de 1917
L’autre action de masse qui a bouleversé la vie des peuples dans leur espace vital est la révolution prolétarienne russe d’octobre 1917 qui a succédé à celle de 1905 et mis fin à l’empire tsariste, monarchique et autocratique. Le début d’industrialisation de l’empire et l’existence d’une paysannerie, traitée comme des esclaves et en voie de prolétarisation, ont constitué les forces dynamiques de la révolution bolchévique de 1917 que quelques noms symbolisent : Lénine, Kamenev, Trotski, Zinoviev et Staline (données 1-2-3 tirées du Net…Google).
Ces bouleversements ont impacté l’évolution et les relations de ces pays avec ceux du reste du monde ; en particulier les pays où l’Angleterre et la France avaient acquis des terres en plaçant des indigènes sous leur joug par l’esclavage et la colonisation. Ces révolutions, par leurs formes et contenus, expliquent, en grande partie, la qualité et les modes d’organisation des systèmes politiques, les niveaux de développement économique et les types de relations qui existent entre ces Etats, aux passés révolutionnaires différents, avec les autres pays, dont leurs anciennes colonies : l’Angleterre et ses possessions coloniales dans le Commonwealth, la France avec les siennes dans la francophonie, couramment qualifiée péjorativement de françafrique, et la Russie avec ses multiples démembrements internes et externes. Il faut également évoquer les caractères propres à chacun de ces peuples : le flegme, la courtoisie et la modération des Anglais, la vanité, l’impertinence et le nombrilisme français, le patriotisme et la ténacité du peuple russe. Ces spécificités anglaises, françaises et russes se sont forgées au cours des siècles de coexistence entre ces peuples occidentaux et les peuples africains noirs colonisés.
Les bouleversements et les mouvements de masse, plus ou moins violents, dirigés par un groupe de partisans déterminés, sont porteurs de changements et de transformations des sociétés. En général, trois voies conduisent au pouvoir : la révolution, le coup d’Etat, souvent militaire, et l’élection démocratique. En Afrique noire, peu de peuples ont victorieusement recouru à l’une de ces voies sans parvenir à une transformation-structuration significative de leur pays. En 56 ans (1960-2016), le Gabon a expérimenté, sans succès, un coup d’Etat militaire (1964) officiel, et cinq élections présidentielles (1993-1998-2005-2009-2016). Le Gabon a perverti et dénaturé le système des valeurs et les modalités des changements politiques au sommet de l’Etat par le truchement des élections démocratiques qu’il a héritées de la France et de sa révolution. Face à l’échec du processus démocratique, à l’impossibilité de faire la révolution et de fomenter un coup d’Etat, il reste aux patriotes d’entreprendre des actions de lutte pour intégrer l’espace économique et commercial dominé par des étrangers. Dans le contexte socio-politique, économico-financier et institutionnel actuel, les élections, si elles ont lieu, pourraient-elles se dérouler sans accrocs, dans la sérénité et en sécurité ?
La probable visite du président français au Gabon est programmée quelques temps après l’annonce de l’entrée du pays dans le Commonwealth. Sur quels sujets vont porter les entretiens entre Emmanuel Macron, nouvellement élu, et Ali Bongo que ses partisans invitent à se présenter à la prochaine présidentielle ? Est-ce que l’opposition est disposée ou pas à échanger avec Macron ? De quoi pourrait-elle parler et théoriser ?