Après avoir forcé la main à Jean Ping d’accepter d’aller aux législatives, sans succès, les partis membres de la Coalition pour une nouvelle République (CNR) avaient estimé que le « Chinois » faisait dans la mauvaise foi en refusant de les soutenir comme eux l’avaient soutenu en 2016.
Le bilan quasi intégral des législatives et locales d’octobre 2018 semble indiquer que Jean Ping a eu raison. Pour autant, la CNR est sous le coup d’un éclatement à terme.
Pourquoi Ping avait refusé
La raison est simple. La présidentielle de 2016 est encore dans la tête de tous les Gabonais qui savent qui a gagné haut la main et qui a triché et massacré les Gabonais. Partant de là, le combat politique doit rester fixé sur l’objectif de la prise de pouvoir et non sur la participation à de quelconques pseudo élections organisées par un régime illégitime et tueur. Jean Ping se serait complètement décrédibilisé en appelant les Gabonais à aller aux élections législatives et locales. Les Gabonais, la diaspora et ses soutiens extérieurs n’auraient pas compris un tel geste politique, car c’est comme s’il savait que Boa allait tricher aux élections, tuer des Gabonais et, après, aurait partagé le pouvoir. Or, Jean Ping a vu que Paul Mba Abessole avait fait cela en se rapprochant d’Omar Bongo et sa fin politique est connue de tous : haï des Gabonais… Pour cela, le président élu Jean Ping et la diaspora avaient appelé au boycott de ces législatives et locales.
Déjà, l’idée même d’une participation signifie que l’opposition accepte ou reconnaît le pouvoir de Boa. Les projets de loi qu’ils vont aller examiner à l’Assemblée nationale sont faits par qui ? N’est-ce pas par Boa lui-même et ses hommes de main comme Bilie-By-Nze, Noël Matha, Otandault, Etienne Massard Kabinda ? Couvrir cette participation par l’artifice selon lequel le pays est en danger et, par conséquent, il faut aller à l’Assemblée nationale pour y poursuivre la résistance institutionnelle relève d’une erreur politique ou tout simplement d’un calcul politique pour aller à la mangeoire. Raison pour laquelle Jean Ping avait estimé qu’il faut attendre sa prise de pouvoir pour participer aux vraies élections législatives et locales. Les doutes et l’impatience de plusieurs de ses alliés (Barro Chambrier, Nzouba Ndama, Zacharie Myboto et consorts) les ont poussés à rejoindre, dans cette courses aux sièges de député, des transfuges ou traîtres comme Michel Menga, René Ndemezo’o, Estelle Ondo, Pierre Claver Maganga Moussavou et bien d’autres. Le bilan est le même pour les uns et les autres : battus dès le premier tour, pour la plupart, ou en ballotage par chance (Estelle Ondo, victoire de Biendi Maganga Moussavou au premier tour).
Quel avenir politique pour les « échoués » ?
Pour l’UN et le RH&M, qui ont annoncé ne pas participer à un quelconque gouvernement dirigé par Boa malgré leur participation aux législatives et locales, la réponse est simple : poursuivre la lutte politique avec les quelques rares députés et conseillers locaux qu’ils ont obtenus. Et là encore, on verra si certains de leurs cadres ne créeront pas la surprise d’ici début novembre pour entrer dans le futur gouvernement.
Ensuite, pour l’autre catégorie de soi-disant « opposants », déjà au gouvernement, c’est une fin de parcours politique qui s’annonce. Dans le viseur de Boa : Michel Menga, copieusement battu à Cocobeach, Estelle Ondo et Ben Moubamba (s’ils échouent au second tour à Moabi et Oyem), ainsi que les ministres de René Ndemezo’o, c’est-à-dire Eyogo Edzang (Energie) et Ndoutoume Ngome, platement battu à Mitzic (3è place derrière l’UN et le PDG). Si le pouvoir discrétionnaire peut les y maintenir, dans le contexte de raz-de-marée actuel du PDG, cela paraît improbable. L’Assemblée nationale devrait redevenir monocolore, ainsi que le gouvernement. Pour ces bannis de l’opposition, ils n’ont raisonnablement d’autres choix que de demander pardon aux Gabonais, à défaut de s’enfoncer (en sollicitant par pitié des postes de PCA ou conseillers de Boa) avant de se faire broyer d’ici 2023 par Boa.
Pour les partis d’opposition que d’aucuns accusent, à tort ou à raison, d’avoir pactisé dans le noir avec Boa pour entrer au gouvernement après leur participation aux législatives, les choses semblent davantage se compliquer. Les Démocrates sont davantage dans un processus de dépôt de bilan après la défaite de leurs candidats phares : le président Guy Nzouba Ndama à Koula-Moutou et le vice-président Paulin Obiang Ndong à Oyem. L’on sait que Boa s’en fout de la légitimité, car n’étant pas lui-même déjà légitime. Il avait nommé Bruno Ben Moubamba vice-Premier avec 0,5 % à la présidentielle de 2016. Peut être repêchera-t-il ses « amis » tapis dans l’opposition qui ont été battus par les PDGistes, en vertu du principe de la « main tendue ». Pas si sûr, car Boa est un rancunier et il a réussi à humilier les Menga, Mouklagni en les appâtant avec un peu d’argent.