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Les méandres politiques du Gabon

Tribune libre de Guy Nang Bekale

J’avais publié, il y a des années, un texte dans lequel je cite quatre compatriotes comme étant capables de diriger le Gabon. C’étaient Didjob Divungi Di Ndinge, Casimir Oye Mba, Eugide Boundono Simangoye et Jean Ping ; en précisant qu’il y en a d’autres. Le présent écrit a pour but de défendre le vote et le choix exprimés par la majorité des électeurs qui, comme moi, ont voté Jean Ping lors de la présidentielle d’août 2016 et dont le contentieux est inachevé.
Concernant l’actualité politique, l’on se souviendra un jour à venir que tout a commencé par un rassemblement des partisans de l’opposition suivi de deux déclarations : celle du Parti démocratique gabonais (PDG) et celle de la Coalition pour la nouvelle République (CNR), qui a été, comme qui dirait, « la réponse du berger à la bergère ». Plus que la conservation du pouvoir, la lutte politique pour l’accession et la prise du pouvoir d’Etat dans les pays noirs, anciennement colonies françaises, est une affaire d’Hommes. Pour l’engager valablement, il faut être déterminé, structuré et robuste psychologiquement et mentalement. Elle exige opiniâtreté, intelligence, courage et, surtout, sacrifice.
Tant qu’en Afrique noire francophone la politique fera partie des « jeux de la mort », les initiateurs des projets de prise du pouvoir d’Etat, contre l’establishment, seront toujours perçus comme des personnes téméraires, des kamikazes audacieux, voire insensés. Il faut bien qu’un jour le peuple gabonais savoure les sublimes sentiments de liberté, de justice, de fierté et de vérité que lui confère son pouvoir souverain, mais que les renégats dirigeants analphabètes et les opportunistes intellectuels apostats du pouvoir blasphèment et confisquent depuis des décennies. La violence d’Etat ne peut prendre fin que par la mobilisation populaire qui est le mode d’action démocratique reconnu à tous les peuples du monde. Le long règne d’Omar Bongo a laissé le Gabon dans un état de désolation inqualifiable, inacceptable et incompréhensible.
La déstructuration du Gabon physique, institutionnelle et morale contraste avec le fort enrichissement de certaines catégories de citoyens, Gabonais d’origine et Gabonais d’adoption. Depuis 1967 et surtout depuis 2009, le pouvoir d’Etat est exercé par des Gabonais d’adoption qui, en complicité avec les nervis et les stipendiés gabonais d’origine, sans âme et sans fierté, pillent éperdument les finances publiques du pays. Cela fait mal aux honnêtes gens qui vivent douloureusement de leur salaire ou de leur pension de retraite mensuels et qui réclament des meilleures conditions d’existence. Le peuple gabonais est malheureux depuis très longtemps. Il espère qu’un jour le temps et les hommes politiques de cœur lui permettront d’accéder au bonheur. Mais c’est le peuple lui-même qui doit construire son bonheur. C’est au sein de ce peuple gabonais que le PDG a identifié les agitateurs politiques et sociaux criards qui revendiquent l’impossible dont la prise du pouvoir par la force.
La déclaration du PDG, prononcée le mercredi 29 décembre 2018 sur les réseaux sociaux par une jeune dame, à l’allure de potache, est un galimatias politique, un abscons salmigondis destiné à effrayer les Gabonais et la Communauté internationale en faisant passer, toute honte bue, le président Jean Ping pour un individu diabolique, immoral, aigri et plaintif. La déclaration a mis l’accent sur le caractère violent du discours de l’opposant Ping. Et, pour étayer son propos, la communication du PDG a émis une série d’affirmations, à savoir que : « Ping a radicalisé son discours qui a une tonalité méprisable et irrespectueuse des institutions ; discours fait de haine, d’antipathie et d’animosité à l’égard d’Ali Bongo Ondimba. Ping rompt avec la démocratie. Ping, depuis deux ans, est désespéré, inconsolable, isolé, délaissé. Ses compagnons et lui viennent de faire une nouvelle trouvaille politicienne baptisée la confrontation »…
Rappelons que la confrontation peut se faire à travers une épreuve sportive, pour la défense des idées et des principes ; pour la recherche de la vérité, par les armes et surtout par la lutte démocratique dans un système politique multipartite. Au Gabon, nous prétendons être dans un système politique démocratique où la confrontation est une habitude sous tous les cieux : confrontation sociale, confrontation verbale, confrontation électorale, etc. Que les PDGistes affirment que Ping, ancien ministre des Affaires étrangères, ancien président de la Commission de l’Union africaine, découvre la confrontation relève d’une puérilité qui n’a d’égal que le crétinisme politique de ce parti moribond, nostalgique de l’époque où il était parti unique sans confrontation ni contestation. Aussi, venant du PDG, on serait tenté de dire, comme les Français de France que « c’est l’hôpital qui se moque de la charité ». Au cours de sa très longue existence, le PDG, à maintes reprises, a exercé la violence d’Etat sous toutes ses formes : menaces et intimidations, brutalités policières, emprisonnements pour délits d’opinion, tortures, assassinats, faux en écriture et usage de faux, crimes rituels, crimes économiques et financiers, fraudes administratives et électorales, etc. Ce sont les continuateurs, héritiers de ce parti qui osent traiter et qualifier de violent, de radical, d’irrespectueux des institutions un compatriote qui, après avoir obtenu à la régulière un légitime mandat de la majorité du peuple pour diriger le pays, ne parvient toujours pas à accéder au pouvoir par la faute d’une institution juridique partiale et aux ordres qui a confisqué sa victoire depuis plus de deux ans.
Certes, le PDG peut se prévaloir de sa liberté pour critiquer Ping et ses compagnons, mais son outrecuidance ne doit pas lui conférer le droit d’oublier que ce sont les siens qui ont fait couler le sang des Gabonais en tirant sur la foule au QG de Ping Jean dans la nuit du 31 août 2016. Il est souvent répugnant, pour ceux qui sont habitués à manier la « plume » comme arme, d’être contraints d’utiliser l’arme à feu. Toutefois, si les circonstances et les adversaires les y obligent, ils devraient se mettre en demeure de manier l’arme à feu avec autant de maestria qu’ils manient l’écritoire. Qui est le plus violent ? Celui qui tire à balles réelles sur les populations pour conserver un pouvoir usurpé ou celui qui donne des consignes verbales au peuple pour qu’il récupère son pouvoir souverain et sa victoire électorale confisquée ?
Le PDG fait de la diversion. La réplique du tic au tac de la Coalition, très attendue par les partisans du changement et de l’alternance, a été perçue comme « la réponse du berger à la bergère ». Effectivement, la confrontation est en train de prendre forme. Mais pour combien de temps et sous quelles formes et avec quels acteurs ? Drôle de manière pour le PDG et la Coalition de souhaiter joyeuses fêtes de Noël et de la saint Sylvestre aux Gabonais… Qui peut reprocher à Ping, le président élu de la République, de s’indigner des grossiers et violents outrages, en paroles et en actes, que lui font subir, devant le monde entier depuis deux ans, un groupuscule de compatriotes qui concentre tous les pouvoirs ? Outrages publics auxquels s’ajoute l’effet agressif du temps qui agit sur le corps humain. Nos compatriotes du PDG ont toujours traité les Gabonais comme des serfs qui sont au service d’une royauté.
Ping n’est pas violent. Il extériorise les déchirements qu’il ressent au tréfonds de son être, dont certains ont pour appellation injustice, haine, jalousie, trahison. Cet homme donne l’impression de vivre stoïquement l’agressivité, l’ingratitude et l’antipathie de quelques puissances occultes et d’une catégorie de ses compatriotes, dont nombre ont cheminé en politique avec lui pendant des années ; certains depuis sa jeunesse. Il naît chez l’homme floué, dupé, trahi et volé une douloureuse sensation qui produit un sentiment d’amertume et un état d’âme qui confinent la victime à l’absurde. L’agressivité provoque souvent chez la victime un légitime reflexe d’auto-défense. Ping est victime d’une cabale d’Etat qui aurait eu, sous d’autres cieux, des dramatiques conséquences sociales. Si Ping était un homme violent comme le claironne le PDG, le pays aurait déjà été non seulement dans la confrontation politique, mais aussi dans de sanglantes échauffourées. Que ces messieurs dames du PDG se le disent : Ping n’est pas un violent, même s’il est vrai qu’au fond de chaque homme, de chacun de nous tous, sommeille un assassin qui peut se réveiller à tout moment dès que l’occasion lui est donnée. Pour l’avoir approché pendant quelques années, il me plaît de dire qu’en diplomate chevronné, Ping affiche en permanence la bonne humeur et une imperturbable joie lisse, accompagnées d’un subtil humour qui lui permettent vraisemblablement de dissimuler ses ressentiments et ses peines.
Cependant, seules les personnes qui ont été menacées, violentées, humiliées et trahies peuvent imaginer et comprendre les mortifications de ce grand homme d’Etat, au caractère bien trempé, qui est maltraité et traité comme un « petit », par de « petites gens » dans son propre pays : le petit Gabon. Monsieur Ping, que ferez-vous ?… Et toi, peuple gabonais, que feras-tu… si, par une géniale savante entourloupe, on nous empêche de récupérer notre victoire et qu’un « troisième larron », qui ne serait pas des nôtres, soit coopté chef de l’Etat gabonais ? Le Gabon ne doit pas être à l’origine d’une « guerre mondiale ». Mes vœux les meilleurs à Monsieur le président élu de la République gabonaise, à nos lecteurs et à tous nos autres compatriotes patriotes.

Guy Nang Bekale

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