Des origines douteuses, des diplômes douteux, une désignation, par feu Omar Bongo, comme successeur contestée, des élections trichées et réprimées dans le sang, une fin de parcours politique masquée ou teintée de mensonges sur son état…Voilà le parcours d’un individu qui, en 60 ans de vie sur terre (si l’acte de naissance dit vrai, mais lequel ? Vu qu’il en a trois, voire quatre), ne parvient pas à convaincre ou à susciter l’unanimité sur un aspect ou un point fondamental de sa vie. Un destin bien compliqué…mais qui rattrape.
Une identité civile trouble
Né Alain-Bernard Bongo le 9 février 1959 à Brazzaville (selon la version officielle, ce qui est contesté par deux héritières d’Omar Bongo dont la demande a été classée sans suite), fils aîné d’Albert-Bernard Bongo et de la chanteuse Joséphine Nkama (devenue par la suite Patience Dabany), il prend le nom d’Ali Ben Bongo lorsque son père convertit la famille à l’islam en 1973. A l’époque où la césarienne n’était pas encore pratiquée pour aider les femmes à enfanter, Joséphine Bongo, alias Patiente Dabany, l’aurait subie en 1959 pour donner naissance à « Alain Bongo », le neveu d’Assélé. Ne riez pas, c’est la version qui a été servie aux Gabonais. Il aurait grandi au palais sans que plusieurs personnes ne l’aient vu. En pleine crise de succession, Boa est sommé de clarifier son acte de naissance par Onaïda Maisha Bongo Ondimba qui y voit un faux. La famille est divisée. Bengono Nsi (Morena) fut le premier, en 2009, à dire que les origines de Boa sont nigérianes, qu’il est plutôt un enfant adopté et que, comme tout Gabonais d’adoption, il n’est pas éligible à la présidence de la République (Constitution et code de nationalité à l’appui). Boa s’est fait établir un deuxième acte de naissance à la mairie du 3è arrondissement de Libreville. Quand celui-ci sort, les Gabonais réalisent que les rumeurs publiques ont peut-être un fond de vérité. La société civile et les partis politiques récupèrent ce débat familial. La France, qui l’a soutenu en 2016, sort, à la surprise générale, un 3è acte de naissance pour créditer l’hypothèse de la filiation de Boa à Omar Bongo. Des tests ADN sont exigés, mais Boa s’y refuse. Ce n’est pas fini. En avril 2016, Joyce Gennifer Ondo et sa fille Ammisa Albertine Ondo assignent Boa devant la justice française pour une reconnaissance de paternité et exigent des tests ADN. Mais Boa, sentant l’étau se resserrer de toutes parts sur lui, négocie. Mbourantsuo (Cour constitutionnelle) valide quand même sa candidature et le déclare même élu en 2016 sans un acte de naissance authentique.
Un parcours scolaire incroyable
Mieux, il aurait, par la suite, fait ses études en France, dans un collège protestant des Cévennes (à Alès), ses études secondaires partiellement au collège Sainte-Croix de Neuilly-sur-Seine. Mais, dans les registres officiels de son établissement, il ne figure pas parmi les bacheliers de la promotion de l’année qu’il prétend avoir obtenu son baccalauréat. Il a fallu un documentaire sur la chaîne publique française France 2 pour montrer qu’en fait, il ne l’avait pas eu, mais il avait plus été déclaré admis à la suite de plusieurs coups de fil de son « père » Omar Bongo entre le ministre de la Coopération et la cellule africaine de l’Elysée. Vive la françafrique ! Puis il aurait étudié le droit à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne 2, 3, 4, 5. Il aurait, par la suite, obtenu un doctorat en droit selon sa propre biographie officielle. Or, les investigations qui ont été menées (Lettre du Contient n° 690 du 24 septembre 2014) indiquent que si son nom apparaît bel et bien au fichier central des thèses de France, il n’y a, curieusement, aucune indication qui permet de savoir s’il s’agissait bien d’une thèse de troisième cycle (DESS/DEA) ou d’un vrai doctorat de type « thèse d’Etat » ou « nouveau régime ». Parce que depuis la réforme de 1984 en France, cette mention était obligatoire. Lui, ayant soutenu sur le Transgabonais en 1985, devait avoir cette précision devant son nom. Mais rien. Un autre coup de la Françafrique !
Un parcours politique terrifiant
C’est au plan politique que Boa a révélé la plus obscure partie de sa personnalité. En 2009, il fait massacrer des Gabonais à Port-Gentil et Libreville face au victorieux Amo. Le pays entre, sous sa gouvernance, dans une ère de crimes rituels jamais connue. Des corps sans vie et des fétiches jonchent les rues, les plages, les forêts. Les rumeurs les plus folles font état de marabouts logés dans les hôtels de Libreville et qui administreraient ces sacrifices pour apaiser la colère des Gabonais et le rendre, en vain, populaire.
Quand le pétrole se vendait bien, Boa s’est illustré dans une gabegie sans limite, lui et ses hommes : achats de biens en France, en Angleterre et ouverture de comptes bancaires alimentés par l’argent du pétrole gabonais. C’est aussi l’ère de projets pharaoniques sans achèvement : dépenses inutiles à coups de plusieurs milliards de Fcfa (course de bateaux, carnavals, New York forum, stades de football, etc.), voyages très chers avec parents et amis aux frais du contribuable. Entre-temps, l’arrière-pays et la capitale croulent sous la pauvreté, la misère, sans eau potable et électricité, sans salle de classe, les hôpitaux sont sans médicaments et équipements, les structures qui sortent de terre (CHU d’Angondjé, d’Owendo, de Libreville) sont inaccessibles aux couches populaires malgré la CNMAGS (retard de paiement des fournisseurs). Le pouvoir s’empare de tous les domaines stratégiques (argent du pétrole, des mines, de l’or, etc.) et fait des trafics internationaux illicites. Un bateau de pétrole est même détourné. En 2016, copieusement battu dans les urnes par Jean Ping, il orchestre aune sauvage répression qui porte à 200, voire 300, le nombre de victimes par balles par le régime en août et septembre 2016. Les corps sont ramassés et mis dans des fosses communes (Cité de la démocratie, Mindoubé, Lalala).
Alors que lui et ses amis jubilaient d’avoir remporté les élections législatives et locales et de lancer sereinement les cinq dernières années du septennat volé, il tombe subitement malade et tout s’écroule comme dans un rêve. Même à cette étape, les mensonges ontologiques qui se lisent dans son karma font état de fatigue, fatigue sévère, de saignement, de recouvrement de santé très rassurant, puis, tout d’un coup, indisponibilité temporaire, transfert en Angleterre puis au Maroc, etc. On ne sait vraiment pas à quel moment de son existence la vérité a pu brillé.