« Nous avons élevé des souris dans nos sacs d’arachides » s’était écrié Guy Nzouba Ndama lorsque Paul Biyoghe Mba claqua la porte du PDG en 1994. Il a sans doute fallu ce va-et-vient entre le pouvoir PDG et une opposition incertaine pour que Paul Biyoghe Mba alias Napoléon de Bikélé, surnommé aussi la « tortue de Bikélé », en raison de la patience qu’il a dit vouloir faire preuve, afin d’atteindre tous ses objectifs politiques vers les sommets de l’Etat et du Parti Démocratique Gabonais.
Si l’homme, très vite remarqué par feu Omar Bongo Ondimba, a toujours su faire preuve de prudente patience lorsqu’il s’est agi de construire sa très riche carrière politique, il n’a pas toujours eu sa langue dans sa poche pour dénoncer, à l’Assemblée nationale qui lui en offrait la tribune avec autant de mandats électifs, les abus d’un régime dont les pratiques et les politiques n’ont pas toujours été en phase avec les bonnes proclamations d’intention. Par moments, Paul Biyoghe-Mba, pourtant fin politique, a refusé de se laisser marcher sur les pieds, au nom d’une géopolitique, à mise en place rétrograde et sélective, qui semblait viser insidieusement la communauté à laquelle il appartenait et dont il bénéficiait de soutiens bien au-delà sa province natale et d’origine de l’Estuaire. Au point que certains de ses adversaires, lorsqu’il a été nommé Premier ministre à la suite de la démission fracassante de Jean Eyeghe-Ndong, l’on soupçonné de promouvoir des cadres du Woleu-Ntem et des alliés du Moyen-Ogooué dans l’optique d’un destin présidentiel qu’il se construirait secrètement.
Une carrure que des observateurs avisés de la scène politique gabonaise conféraient, sans hésiter, à une personnalité attachée à sa terre, et qui a pu faire du petit village de Bikélé, une principauté, un arrondissement plein de vitalité de la commune de Ntoum. Pour faire grossir sa circonscription, Paul Biyoghe Mba, véritable propriétaire terrien de la zone, y a fait accéder des Gabonaises et des Gabonais de toutes les origines. Mais aussi des entreprises publiques ou parapubliques pour y réaliser des investissements, notamment dans le foncier. Il a ainsi cédé des hectares notamment à la Poste SA sous Alfred Mabika Mouyama qui devait y aménager des terrains viabilisés pour son personnel. L’ancien chef de gouvernement s’est impliqué plus directement, avec la Caisse nationale de sécurité sociale, pour l’érection d’un siège qui aurait mis Ali Bongo Ondimba dans tous ses états, le Premier ministre ayant invité le chef de l’Etat à inaugurer une bâtisse ultra moderne dans la « broussaille » bikéloise. Alors qu’il n’y avait rien de comparable à Owendo ou Akanda. Ne parlons pas de Bongoville. Certaines sources bien informées ont prétendu que Paul Biyoghe-Mba aurait perdu ce jour-là, ses prestigieuses fonctions… Mais encore davantage, puisqu’au sein du PDG dont il était alors membre influent haut placé au Comité permanent du Bureau politique du parti, l’étoile de Paul Biyoghe-Mba va aussi très vite pâlir. Au point qu’on va lui faire subir l’humiliation de faire monter rapidement en grades, l’inconnue politique qu’était alors Camélia Ntoutoume-Leclercq. Poussant aussi le bouchon jusqu’à faire invalider l’élection législative de sa campagne Andeme-Manfoumbi.
Alors qu’il avait, là, toutes les raisons de claquer la porte de l’ancien parti unique, l’homme à qui l’on prêtait de plus en plus un destin présidentiel face à un Ali Bongo Ondimba affaibli par la maladie, ne bougera pas de sa posture attentiste. Appelant même, à la grande déception de ses nombreux partisans, à voter pour l’homme qu’il est allé déchoir jeudi dernier à domicile. Comme pour dire que la patience en politique peut payer, puisque ceux qui l’on cru politiquement fini à Ntoum, doivent désormais déchanter.
La position actuelle de Napoléon au sommet du PDG peut aussi être perçue comme un bon pied de nez fait à Moukombo Nzouba-Ndama alors au perchoir de l’Assemblée nationale. Réagissant à une intervention pourtant pertinente du député d’Ikoyi-Ntsini, le président de Les Démocrates, qui allait l’imiter plus tard en sautant du navire PDG, lancera un tantinet moqueur et provocateur : « Nous avons élevés des souris dans nos sacs d’arachides ! ». Faisant insidieusement le reproche, à Paul Biyoghe Mba, d’avoir quitté le parti au pouvoir qui lui avait offert le lait et le miel pour créer son MCD (Mouvement commun pour le développement) avant de retrouver la maison mère comme tant d’autres proches de feu Omar Bongo Ondimba. Des personnalités, en réalité, envoyées en mission ponctuelle de noyautage et d’affaiblissement de la vraie opposition à cette époque.
Depuis plusieurs années, Guy Nzouba-Ndama est sorti à son tour d’un des sacs d’arachides du grenier imprenable dont Paul Biyoghe-Mba vient de prendre facilement le contrôle.
Nkwara Mendzime