C’est dans un courrier adressé au Premier ministre Alain Claude Bilie-By-Nze paru dans l’hebdomadaire indépendant « Le Mbandja » du vendredi 19 mai 2023, que le Dr d’Etat en sciences politiques et figure importante de la vie politique gabonaise, le retraité et collaborateur dudit journal, Guy Nang Bekale invite le gouvernement au report de l’élection présidentielle d’août prochain. Une invitation appuyée par des arguments forts, tirés de la situation actuelle que traverse notre pays mais également des réalités observées dans l’organisation de l’élection et qui a suscité notre intérêt.
Doit-on reporter l’élection présidentielle de 2023 ? C’est la question qu’on peut se poser lorsqu’on observe l’organisation de l’élection et la rapidité avec laquelle le gouvernement gabonais aborde chaque étape du processus et c’est ce que demande le Dr Guy Nang Bekale dans son Courrier. Alors que la concertation politique organisée par le chef de l’Etat a laissé un goût amer chez les populations et que le bureau du Centre gabonais des élections (CGE) continue de faire débat au sein de la sphère politique dite de l’opposition, le gouvernement est passé à la phase d’enrôlement depuis le 09 mai dernier. Cette étape qui normalement se tient en 45 jours a été ramené à 30 jours avec 3 jours consacrés aux réclamations, des jours en moins non négligeables.
Si dans les années précédentes les populations pouvaient s’enrôler dans les établissements scolaires, dans les mairies, les préfectures et les sous-préfectures, les centres d’enrôlements ont été réduits aux mairies d’arrondissements. On nous dira certainement que cette restriction est due au fait que cette campagne d’enrôlement ne concerne pas tous les citoyens, ce qui est vrai mais les quelques catégories mentionnées à savoir ceux qui ne se sont jamais inscrits, ceux qui veulent changer de lieux de vote représentent une population plus qu’importante et les espaces que couvrent les mairies sont très vastes. Au 6e arrondissement, le site de la mairie comme seul centre d’enrôlement ne suffit pas au regard de la forte population de cette circonscription, Les longues files d’attente à la mairie de Nzeng-ayong dès 6h du matin, témoignent de nos dires. Cette courte campagne d’enrôlement à défaut de ne pas se tenir dans le temps normalement imparti souffre également d’un autre mal « la crédibilité du fichier électoral ».
En effet l’autre fait majeur qui entache le processus d’enrôlement est l’inscription avec l’acte de naissance. Alors que le Budget alloué à l’établissement des CNI a pourtant bien été voté, les Gabonais ne comprennent pas en quoi cette année électorale est différente des autres années pour que l’inscription sur la liste électorale puisse se faire avec l’acte de naissance, sachant que les populations étaient plutôt favorables aux rumeurs qui prévoyaient l’établissement de la CNI moyennant un certain montant. Certains diront pourquoi faire une fixation sur la CNI.
De ce qu’on sait, la CNI et le passeport sont des documents qui nécessitent une enquête pour les obtenir et sont considérés par les Gabonais comme la preuve irréfutable de l’identité qu’ils chérissent tant contrairement à l’acte de naissance, qui n’a pas la même valeur et qui est facilement falsifiable. Ce changement de paradigme laisse penser qu’on nous aurait menti sur la valeur de la CNI, mais nous croyons que non car pour effectuer des transactions monétaires ou lors des contrôles de police la pièce d’identité ou le passeport restent les seuls documents admis. L’acte de naissance est certes un document important mais son rôle est limité, à cause de la facilité à le truquer. Ceux qui s’enrôlent aujourd’hui avec l’acte de naissance comment vont-ils voter le moment venue ? Voici tant de points qui pour le moment, entachent l’organisation de l’élection présidentielle à venir. Car, le régime s’apprête à délivrer à ses électeurs qui s’inscrivent frauduleusement avec de faux actes de naissance, de faux passeports et de faux récépissés de cartes d’identité…
Alors que le président dans son discours de vœux a souhaité des élections aux lendemains apaisés, on comprend aujourd’hui, que ce n’était que du bout des lèvres. L’homme ne comptant que sur la fraude pour se faire élire. Cette façon de faire, plutôt que d’apaiser pourrait créer des sentiments de doute et donner des arguments à ceux qui clament haut et fort que le PDG s’apprête encore une fois à voler l’élection.
Le gouvernement Gabonais par ces quelques faits, nous fait la démonstration que s’il a pu outrepasser la volonté de l’opposition sur les questions concernant le CGE, s’il a pu réduire la durée de la phase d’enrôlement et faire perdre à la CNI son rôle autrefois très important, pourquoi au lieu de courir, le régime ne repousse pas l’élection afin de faire les choses comme cela se doit et ainsi garantir une élection aux lendemains apaisés ? Mais le régime est tout sauf idiot. Il sait au fond de lui-même que le jour où les élections seront transparentes au Gabon, le pays connaîtra l’alternance. Autant pour lui s’accrocher sur le tripatouillage comme une grosse sangsue. Mais attention à l’effet boomerang !
Ornika Biloghe