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Réforme des Partis politiques au Gabon : Vers une rationalisation drastique ?

Brice Clotaire Oligui Nguema, président de la République gabonaise, dirigeant les travaux du Conseil des ministres du 4 juin 2025

A la lecture du Communiqué final du Conseil des ministres tenu ce 4 juin 2025, le Gabon s’apprête à réformer en profondeur le paysage politique avec un projet de loi visant à réduire drastiquement le nombre de partis et à renforcer leur encadrement. Analyse d’une réforme majeure aux conséquences potentiellement lourdes.

Un projet de Loi exigeant né du Dialogue national inclusif d’avril 2024

À la suite des conclusions du Dialogue National Inclusif pointant un nombre « pléthorique » de formations, le gouvernement gabonais propose une nouvelle législation pour les partis politiques. Ce texte impose des conditions de création et de maintien très strictes :

Seuil d’adhérents élevé : 9 000 membres minimum répartis sur les neuf provinces.

Obligation de participer aux élections : Deux scrutins consécutifs sans

candidature entraîneront la radiation.

Contrôle financier accru : Comptabilité obligatoire supervisée par la Cour des Comptes.

Un délai de six mois sera accordé aux partis existants pour se conformer, sous peine de disparition.

Comparaison internationale : Un modèle gabonais très restrictif

Le projet gabonais se distingue nettement des pratiques observées ailleurs :

Dans le cas de la France, par exemple, la création est libre (loi 1901), sans seuil d’adhérents. Le financement public, crucial, dépend des résultats électoraux, et les dons privés sont plafonnés (dons d’entreprises interdits).

Au Sénégal, la création est également libre, mais le financement reste un sujet complexe, marqué par un manque de transparence malgré l’existence de textes visant notamment à limiter l’ingérence étrangère. Aucun seuil d’adhérents comparable à celui du Gabon n’est requis.

Le Gabon opte donc pour une approche beaucoup plus contraignante que ces deux exemples, en particulier sur les conditions initiales de représentativité.

Analyse de l’impact potentiel sur la vie politique gabonaise

Le projet de loi gabonais est susceptible d’entraîner des conséquences profondes et immédiates sur le paysage politique :

Réduction Drastique du Nombre de Partis : Le seuil de 9 000 adhérents répartis nationalement est extrêmement élevé et difficile à atteindre pour la majorité des formations actuelles, jugées pléthoriques. Cela entraînera inévitablement la disparition de nombreux petits partis ou les forcera à fusionner, conformément à l’objectif affiché.

Renforcement des Partis établis : Les partis disposant déjà d’une implantation nationale et de ressources significatives seront favorisés, potentiellement au détriment de l’émergence de nouvelles forces politiques ou de la représentation d’intérêts plus locaux ou spécifiques.

Obstacle à la création de nouveaux partis : Les conditions de création deviennent un filtre très sélectif, rendant difficile l’entrée de nouveaux acteurs sur la scène politique formelle.

Recentrage sur l’activité électorale : L’obligation de participer aux scrutins poussera les partis à se concentrer sur les élections, ce qui peut être positif pour la vitalité démocratique mais pourrait marginaliser les partis plus idéologiques ou thématiques qui peinent à obtenir des élus.

Amélioration potentielle de la transparence financière : Si la Cour des Comptes exerce un contrôle effectif, la transparence du financement politique pourrait s’améliorer, réduisant les risques de corruption ou d’influence indue. Cependant, l’efficacité de ce contrôle sera cruciale.

Impact sur le pluralisme : Bien que le texte mentionne la garantie du pluralisme, la réduction massive du nombre de partis risque de limiter la diversité des opinions et des projets politiques représentés. La concentration du pouvoir au sein de quelques grandes formations est une conséquence probable.

Défi de la Période Transitoire : Le délai de six mois pour se conformer est très court. De nombreux partis risquent la suspension puis la radiation, ce qui pourrait générer des tensions politiques et juridiques.

Si la réforme vise une rationalisation légitime du paysage politique gabonais, ses modalités très restrictives soulèvent des questions quant au maintien d’un pluralisme effectif et à la capacité du système à se renouveler. La période transitoire s’annonce délicate et déterminante pour l’avenir politique du pays.

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