Les 27 et 28 avril 2019, Démocratie nouvelle (DN), le parti de René Ndemezo’o Obiang, a organisé sa rentrée politique à Libreville. Lors de ce conclave, l’homme de Bifolossi, à Bitam, un allié sûr du régime, a fait une bien curieuse proposition de modification de la Constitution qui mérite un regard particulier.
Ndemezo’o Obiang « …suggère que notre parti et l’ensemble des forces soucieuses de la paix, de la stabilité et de la sérénité de notre pays, revisitent la Constitution gabonaise en vue de proposer la modification de certaines de ses dispositions actuelles. Notamment celles relatives à la durée de l’intérim du président de la République ». Pour lui : « la durée de l’intérim devrait s’étendre jusqu’à la fin du mandat présidentiel en cours. Les élections présidentielles ne devraient avoir lieu que tous les 7 ans tel que prévu par la Constitution ».
Les choses, telles que présentées par Ndemezo’o Obiang, nous amènent à tirer une première conclusion. C’est que, quel que soit alpha, Ali Bongo ne pourra plus terminer son mandat. Il y aura inéluctablement vacance de pouvoir. Toute la question est de savoir quelle forme va prendre cette vacance et qui va la gérer. Pour Ndemezo’o, la modification de l’article 13 devra uniquement porter sur la durée du mandat et non sur l’institution. Autrement dit, en cas de modification de l’article 13, Madame le président du Sénat assurera l’intérim jusqu’au terme du mandat d’Ali Bongo.
Comme on le voit, Ndemezo’o prend le contre-pied de madame la régente qui, elle, envisage aussi modifier la Constitution en réécrivant les dispositions de l’article 13, à la seule particularité que ce sera le président de l’Assemblée nationale (Faustin Boukoubi) – et non celui Sénat – qui assurerait l’intérim jusqu’à la fin du mandat.
Conclusion, dans le camp du pouvoir, dont fait désormais partie René Ndemezo’o, on s’organise pour la succession d’Ali Bongo. Tout le monde est d’accord qu’Ali étant cuit, il faut donc modifier la Constitution. Tout le monde est d’accord qu’il ne faut pas aller à une élection présidentielle tout de suite, mais que l’intérimaire aille jusqu’au terme du mandat présidentiel, à savoir jusqu’en 2023. Sauf que, dans cette affaire, connaissant René Ndemezo’o, il doit certainement fonctionner pour l’un des camps en compétition pour la succession. Et c’est sûrement ce camp qui l’a mis en mouvement. Ce n’est un secret pour personne, René aime l’argent. L’initiative ne pouvait donc pas venir de lui, sauf s’il voulait la marchander. Le connaissant, dans sa posture actuelle, il ne prendrait jamais le risque de tutoyer le régime sans bouclier et subir les conséquences de son acte irrévérencieux. On peut donc, avec le recul, considérer que c’est l’un des deux camps les plus puissants en ce moment qui l’aurait mis en orbite. On retient qu’il a joué contre madame la régente et contre Boukoubi. A partir de là, on peut aisément imaginer de qui il est le bras armé.
Il serait intéressant de savoir comment les autres clans du régime vont réagir. Déjà on apprend que le Mogabo et l’APR viennent de relancer officiellement leurs activités. Hier ennemis, aujourd’hui ils fonctionneraient comme s’ils étaient des frangins même père, même mère. Le PDG, en tant que parti rassemblant tous ces courants qui s’organisent en ce moment, pourra-t-il résister à la guerre qui se prépare entre ses propres militants organisés au sein d’autres structures de combat ? Va-t-il, de fait, mourir de sa propre mort ?… La sortie de René Ndemezo’o est une véritable boule puante dont le PDG n’a vraiment pas besoin en ce moment. On peut même dire que le patron de DN a remué le caca et l’odeur se fera sentir jusqu’à Louis (siège national du PDG).