Six cents invités, auxquels s’est joint Faustin Archange Touadera, président de la République Centrafricaine, facilitateur désigné par les dictateurs invétérés de la Communauté des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), ont participé à l’ouverture en fanfare, le mardi 2 avril 2024, par le général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema des travaux du dialogue national inclusif, au palais des sports jouxtant le stade omnisports Omar Bongo de Libreville, l’un des éléphants blancs du raïs fainéant Ali Bongo Ondimba. Jean Ping s’y est mis à dansoter mano à mano avec le maître des lieux.
Les mobiles du dansotement
Jean Ping a éclaboussé de son talent, jusque-là méconnu d’un grand nombre de Gabonais, la cérémonie d’ouverture du dialogue national inclusif et contrôlé. Il se susurre qu’à son arrivée au palais des sports, le natif d’Omboué paraissait avoir l’esprit à la danse. Il s’y est alors mis et les invités ayant succombé à ses pas l’ont suivi. Occasion pour les « ambianceurs » quasiment en transe de faire étalage de leurs talents sur cette « piste de fortune » par une danse basse et noble qui consiste en une suite de pas tranquilles, en belles attitudes, les pieds quittant à peine le sol. Quoique la quantité de décibels produite prédispose à un baladinage, à des pirouettes de haute intensité et au déhanchement de type « kounabéliste », la « bête de scène » du jour opta pour une cadence élégamment rythmée qui arracha des larmes chaudes des yeux des initiés et des émotifs. Mouvement dans le rythme, la danse porte parfois des émotions intenses qui génèrent une joie incommensurable. Les anciens philosophes lui ont consacré un rang mineur mais, en Afrique, particulièrement au Gabon, elle occupe une place de choix, car elle revêt une grande valeur anthropologique et ontologique. Super présente, elle accompagne l’Homme dans toutes les étapes de la vie, notamment à l’occasion des victoires individuelles ou collectives.
Compte tenu de ce qui précède, la question qui taraude l’esprit porte sur les mobiles du dansotement du président Jean Ping. Une victoire individuelle et collective en serait-elle la raison ?
Candidat unique de l’opposition à l’élection présidentielle de 2016, il survola le scrutin avec pour socle programmatique « mettre le Gabon et les Gabonais à l’abri de la peur et du besoin ». Sa joie insoupçonnée suggérait-elle un aboutissement heureux de cet objectif ou serait-il au seuil de la porte d’entrée de la « terre promise » ? A notre connaissance, les Gabonais ne sont pas « à l’abri ni de la peur ni du besoin ».
D’aucuns disent que les pas de danse du président Jean Ping ont permis d’obtenir une minute de silence de la part du président de la transition en faveur des martyrs des violences post-électorales d’août 2016. Si cela est avéré, cette victoire est visiblement insignifiante. Pour que celle-ci soit signifiante, Jean Ping devra mettre son poids politique et diplomatique dans la balance afin d’acter la mise en place de la commission vérité-justice-réparation-réconciliation réclamée unanimement par toute l’opposition et la société civile. Une frange du PDG et certains de ses satellites s’y sont mêlés. Les voix d’Alain Claude Billie-by-Nze, dernier Premier ministre d’Ali Bongo Ondimba et deuxième vice-président démissionnaire du directoire provisoire de cette formation politique, et de Nicole Asselé ont amplifié cette exigence. Le succès de ses efforts permettrait de faire la lumière sur les exactions post-présidentielles, de comprendre ce qui s’est passé, de parvenir à la réconciliation afin que les familles fassent leurs deuils et que les populations retrouvent le plaisir de vivre dans l’unité en se disant : PLUS JAMAIS ÇA !
Nous disions, dans une récente livraison, que la paix entre les filles et les fils d’un même pays devrait être le projet le plus grand, le plus beau de toute action politique. Si la vérité et la justice sont recherchées sincèrement et ce, en toutes circonstances, elles deviennent les meilleurs outils de destruction du sentiment de haine qui habite les âmes futiles. La paix indubitable passe par la pratique de la vérité et de la justice authentiques. En n’appréhendant qu’une idée périphérique du président Jean Ping, nous voudrions espérer qu’il pèsera de tout son poids pour faire aboutir ce projet, lequel l’immortaliserait davantage. Mais si cet objectif n’était pas atteint, sa majestueuse danse accréditerait la thèse selon laquelle l’intéressé dealerait avec le CTRI pour faire passer par pertes et profits les tueries massives post-présidentielles de 1993, 2009 et 2016. Ces allégations, distillées par des langues vénales et les calomnies de ses détracteurs, en quête de sensation, sont répandues dans la société comme des traînées de poudre.
Le dialogue national exclusif
Au regard des signaux qui lui parvenaient, la Coalition pour la nouvelle République (CNR) avait attiré l’attention du CTRI et son pendant, le PDG, sur l’impréparation du dialogue national inclusif qui pointait à l’horizon. Elle en suggéra alors le report, car les Gabonais attachaient du prix à ce rendez-vous de la dernière chance. Pour eux, aucun échec ne devrait donc être toléré. Ce à quoi le duo iconique CTRI-PDG n’accéda pas par mépris envers les partis politiques qualifiés avec dédain de « politiciens et de politicards » par le président de la transition. Entendez par là arrivistes et sans scrupule !!!
Cependant, au potron-minet du coup d’Etat du 30 août 2024, tous ces partis ont favorablement salué la déroute d’Ali Bongo et ses émergents qui, pendant 14 ans, ont vampirisé le peuple gabonais. La CNR a fait le choix de soutenir le CTRI en tant que de besoin et en tant que de raison. Mais c’est à un procès politique public auquel les Gabonaises et les Gabonais assistent. Cette « déconsidération distinguée » en faveur des partis politiques est apparue en grandeur nature lors de la préparation et de l’ouverture des travaux du dialogue. Non seulement ignorées lors de la préparation et l’organisation du dialogue, les formations politiques membres de la CNR, par exemple, n’ont même pas été invitées à la cérémonie d’ouverture des travaux. Des lamentations à l’unisson ont été enregistrées çà et là au niveau d’autres partis politiques et des cercles de la société civile.
La migration du dialogue vers le stade d’Angondjé n’a non plus accouché des meilleures conditions de travail. Les participants ont plutôt atterri au cœur de l’impréparation la plus manifeste. Ils ont dû effectuer un chemin de croix pour entrer en possession de leurs badges. L’impréparation fut sanctionnée par un report des travaux de près d’une semaine. Pourtant, c’est ce même report que sollicitèrent, en leur temps, les partis membres de la CNR pour une préparation optimale.
L’affectation des commissaires dans les commissions et sous-commissions a été un autre parcours du combattant. Elle n’a obéi à aucun critère. Hormis la désignation de quelques présidents des commissions, les membres n’ont pas été affectés d’autorité. Leurs profils académiques et professionnels n’ont pas servi de critère y relatif. Par conséquent, leurs compétences seront vouées à une sous-exploitation regrettable lors des travaux. Ainsi, le plan du CTRI, monté en parfaite intelligence avec PDG, semble sur des bons rails. Il consisterait à adouber le général de brigade Brice Clotaire Oligui en se servant du dialogue comme escalator.
Après avoir neutralisé la quasi totalité de ses éventuels adversaires politiques à travers une charte attrape-nigaud, aux clauses laudatrices, interdisant, à l’exception de soi-même, tous ceux ayant pris part à la gestion directe de la transition à briguer de mandat, Brice Clotaire Oligui Nguema s’en prend à la quasi totalité de la classe politique du pays. Simple, l’azimut d’attaque consiste à mettre dans la même balance la majorité et l’opposition dans les problèmes liés au non-développement du pays. La bonne conscience est la seule chose derrière laquelle tout homme devrait courir. A partir de ce moment-là, lorsqu’on a bonne conscience, il est inconcevable d’incriminer l’opposition au même titre que le PDG dans l’effondrement du pays. De toute évidence, le président de la transition tente insidieusement d’absoudre le coupable pour condamner le juste. Le PDG est coupable et doit porter seul et tout seul son pesant et accablant fardeau de criminel.
Quid de la souveraineté nationale ?
Le flop sera complet si la situation de dépendance politique de notre pays vis-à-vis des partenaires encombrants et insupportables n’est pas posée lors de ce dialogue. La souveraineté d’un pays ne dépend ni de la dimension de son territoire ni de l’importance de sa population. Elle dépend uniquement du courage et de la qualité de son élite intellectuelle et politique. La commission politique, à travers sa sous-commission « souveraineté nationale », devrait s’armer de courage et aborder lucidement les déterminants de la politique impérialiste et néo coloniale de soumission caractérisée par l’implantation des bases militaires, l’imposition d’une monnaie coloniale et le maintien au pouvoir des chefs d’Etat vomis par leurs populations. Tout comme elle devra avoir le front de dénoncer les accords secrets de mainmise sur nos matières premières.
Les résolutions positives attendues de cette sous-commission sont celles qui réduiront à néant tous les déterminants du néo colonialisme qui pèse lourdement sur l’organisation sociale, politique, économique et culturelle du pays et qui instrumentalisent nos institutions et loin d’une simple « reproduction de colonialité ».
Le dialogue national devrait donc porter un coup fatal à la politique de légalisation des pouvoirs illégitimes et la mise sous tutelle de notre pays à la sur-idéologisation du profit au bénéfice de multinationales étrangères. Les Gabonais, sacrifiés à la pauvreté structurelle, doivent sortir de l’épreuve du sur-place causée, entre autres, par le mécanisme vampirique de crédit prohibitif, inhumain et déshumanisant.
Beauty Nana BAKITA MOUSSAVOU