Input your search keywords and press Enter.

Tribune libre : Au nom de la vérité, de la justice et de la paix

Le 19 janvier 2023, une scène surréaliste a eu lieu à l’église Saint Pierre de Libreville. Ce spectacle mettait en présentiel les « évêques » et les « membres du gouvernement » du Gabon. Deux entités aux chapelles différentes qui, généralement dans leurs prêches, conjuguent le verbe « aimer » dans des temps, modes et personnes diagonalement opposés. Les uns sont adeptes du catholicisme et de Jésus-Christ. Les autres du cynisme, de la manipulation et du prince de Machiavel.

« Aimons-nous les-uns les autres »

La logique de l’amour voulue par Dieu recommande la disponibilité mutuelle sur fond de passion pour son prochain, du respect scrupuleux des lois divines et humaines et de l’environnement. Celle-ci, qui n’est pas la mer à boire, suggère à toute créature de Dieu de s’approprier ce concept.
« Les bergers gabonais » regroupés au sein de la conférence épiscopale se sont démenés à le fourguer avec force dans les esgourdes de leurs brebis du jour installées au premier rang pour ne pas les dépayser des messes du parti des masses, le Parti démocratique gabonais (PDG). Leur mine patibulaire, leurs joues luisantes de crèmes importées clandestinement de l’Occident, leur étroitesse dans des fringues largement au-dessus des bourses des voisins venus des mapanes paraissaient décevoir Dieu, au point qu’ils ne tardèrent pas, pour certains, à somnoler et à ronfler. D’autres, étrangers à ce milieu, en raison de leurs confessions ou croyances ou pratiques ésotériques, piaffaient d’impatience. Normal ! Ce n’est pas dans leur milieu de prédilection, surtout qu’ils n’ont même pas été invités à recevoir le corps et le sang de Jésus. Normal aussi ! Jésus n’est pas Gabonais. Eux sont habitués à recevoir les corps et le sang des Gabonais. Une fois rendus dans leur milieu, le chef du gotha dégaina : « la paix, c’est rester chacun à sa place ». Ça sent le calciné devant.
Dans un passé récent, l’Eglise catholique rivalisait les organes spécialisés du PDG. « Les hommes de Dieu » cédant leur pouvoir spirituel au pouvoir temporel. Ils ont, dans leur globalité, interchangé le pouvoir que le Dieu, le Créateur, leur a conféré contre le pouvoir de l’argent-dieu, allant jusqu’à dire une messe d’action de grâces à l’injonction de Marie Madeleine Mborantsouo, patronne de la « tour de Pise », relative à l’effroyable boucherie humaine consécutive à sa proclamation de faux résultats de la présidentielle de 2016.
Le tripatouillage de la Constitution en faveur d’Ali Bongo Ondimba, quasi invalide, en procède, certainement avec un battement au cœur pour ses propres rejetons.
Adeptes des salons aux lambris dorés sous lesquels, les dents en récréation, martelant le parquet, « les hommes de Dieu du pouvoir » passaient donc, en pertes et profits, l’attaque à l’arme lourde du quartier général (QG) de Jean Ping qui fit des centaines de tués, un nombre incalculable de blessés et disparitions forcées. Tués, blessés et disparitions forcées pour lesquels l’Eglise n’a daigné « se lever ni marcher pour la vérité, la justice et la paix ».
Une messe d’action de grâces offrant l’opportunité de marquer sa reconnaissance au Seigneur, il n’est pas superflu de rechercher, auprès de l’Eglise accordant l’absolution à Ali Bongo Ondimba et à la Cour constitutionnelle, l’évènement heureux qui l’obligea à dire une messe à la sollicitation d’une des pièces maîtresses du déni de l’alternance et de la démocratie au Gabon.
L’excommunication consacre l’exclusion par l’Eglise des membres qui ont des comportements contraires et/ou dispensent des enseignements contraires à la morale chrétienne. Au vu des violations de liberté et des droits de l’Homme contre des citoyens sans défense, l’Eglise catholique du Zimbabwe avait demandé au chef de l’Eglise catholique l’excommunication de Robert Mugabe, alors président de la République.
L’indifférence aux massacres des populations à mains nues et à l’arme lourde constitue un acte fondamental d’excommunication de leurs auteurs et commanditaires, naturellement s’ils sont chrétiens. De surcroît, ils sont récurrents. L’Eglise, prend part, sans sourciller, au sacre post-carnages de ces assassins. Elle s’en fait complice. Pour justifier cette complicité, elle a toujours été représentée par leur haute hiérarchie lors des installations des Bongo après leurs victoires volées. Alors, dans ces conditions, « au nom de la vérité, de la justice et la paix », ne faut-il pas excommunier ceux qui ne sont pas capables de demander l’excommunication des bourreaux des populations aux mains nues ?
Au cours de sa sortie dans son jardin de Saint Pierre, le conseil épiscopal aurait été mieux inspiré d’inaugurer son propos par la condamnation énergique de la trilogie du pouvoir : élection-tueries-partage des postes. Il est attendu, dans un proche avenir, avec l’entrée de notre pays sur lequel il s’est lui-même appesanti.

Sonner l’Angélus

Deux pans de son intervention ont particulièrement retenu notre l’attention. Le reste n’étant qu’une rapsodie de versets bibliques inappropriés à l’intelligence vive.
S’agissant du premier pan, les « hommes de Dieu » ont déclaré que toutes les élections ne se ressemblent pas.
Une élection est une suite de phases constituées d’étapes validables. En phase pré électorale, par exemple, c’est la validation de la liste électorale qui déclenche la distribution des cartes d’électeurs. En phase per électorale, c’est la validation de la concentration des résultats qui déclenche la proclamation de ceux-ci. Enfin, en phase post-électorale, l’annulation des résultats d’un centre ou d’un bureau de vote entraine automatiquement la reprise de l’élection au centre ou d’un bureau de vote en cas de recours. En ce sens, c’est la validation de l’étape antécédente qui déclenche l’étape subséquente.
Au Gabon des Bongo, nous avons assisté à la proclamation des résultats d’une élection majeure avant la fin du dépouillement. Des résultats des bureaux de vote sont souvent annulés sans qu’il soit organisé une élection partielle. A la présidentielle 2016, 21 bureaux de vote ont été annulés dans le deuxième arrondissement de Libreville sans que l’élection ait été reprise.
L’Eglise n’aurait pas dû se détourner d’une aussi flagrante injustice infligée au peuple gabonais qui a élu Jean Ping à plus de 60 %. L’appel de l’Eglise au peuple gabonais à prendre part aux élections générales de 2023 valide la fraude électorale de 2016 pour n’avoir pas sonné l’Angélus afin de déconstruire le désamour des masses. Elle court donc le risque d’avoir prêché dans le vide, contrairement à Jésus dont la parole a conquis une grande partie de l’humanité.
En ce qui concerne le deuxième pan, toute élection est une opportunité.
Le corpus électoral actuel, du ministère de l’Intérieur à la Cour constitutionnelle en passant par le Centre gabonais des élections et l’administration, est pensé et entretenu par le pouvoir en place depuis des années. Il instruit ces organismes à tricoter les résultats et à offrir chaque fois l’opportunité aux forces de défense des Bongo et famille de réprimer dans le sang les populations aux mains nues à l’aide d’armes létales.
Faut-il encore céder devant ces gens-là qui font du déni de la vérité des urnes une spécialité électorale et la possibilité pour eux de massacrer la population aux seules fins de conserver le pouvoir qui constitue de fait leur raison de vivre ?
Au nom de la vérité, de la justice et de la paix, l’Eglise devrait faire corps avec la majorité des Gabonaises et des Gabonais pour exiger la vérité des urnes et l’application pure et simple de l’une des dispositions qui font la force de toutes les démocraties du monde, c’est-à-dire que « l’élection est acquise au candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages ».

Je m’aime et m’aimerai jusqu’au bout

Pendant que l’Eglise invoque l’amour réciproque, le gouvernement ne conjugue le verbe « aimer » qu’au présent, au futur et uniquement à la première personne du singulier : « je m’aime et je m’aimerai jusqu’au bout ».
C’est cette posture égocentrique qui est à l’origine de la situation chaotique que dénonce le conseil épiscopal.
En effet, la conception de la politique d’exclusion du plus grand nombre est au centre de l’échec criard des Bongo de père en fils.
Les détournements hypertrophiques des fonds destinés aux projets de développement qui profitent plutôt aux affidés et largement à eux-mêmes, au détriment du peuple, en est l’une des illustrations.
La corruption constituée en organisation criminelle est développée pour promouvoir et contrôler les opérations de détournement des deniers publics.
La montée exponentielle de l’inflation des prix des produits de première nécessité participe de cette conception barbare de la politique du je m’aime et je m’aimerai jusqu’au bout, tant pis pour les autres,
Avec un président-entrepreneur, des ministres, parlementaires et généraux commerçants, il sera invraisemblable que « le fils de p… » puisse porter un coup franc à cette gangrène.
Avec une création illusoire d’emplois d’écailleurs de poissons, il est utopique de penser à une éventuelle lutte frontale contre le chômage galopant, surtout celui des jeunes.

Beauty Nana BAKITA MOUSSAVOU

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *