Par Samson Ngomo*
Patriotes, ni héritiers, ni spécialement modernes, mais plutôt de tradition ancienne et Gabonais de pure souche, nous sommes un certain nombre à ne pas accepter le spectacle qu’offre le Gabon au monde entier en cette année 2023. Dans un article publié l’an dernier et intitulé : « Si H.P Opiangah avait raison ? », nous nous demandons s’il ne fallait effectivement pas marquer une pause, s’asseoir et tout assainir avant toute nouvelle élection. Le journal « l’Union » refusa la publication de ce papier.
Avant cela, c’est ahuris, que nous avons assistés aux premières dissensions entre les initiateurs du mouvement Héritage et modernité, confirmées plus tard, par l’entrée au gouvernement de Michel Menga. Certains, vrais procureurs, avaient accusé de « mauvais cœur » M. Jean Ping, qui n’avait ouvertement soutenu aucun candidat aux législatives de 2018.
Et depuis 2018, notre vie politique est un cirque permanent sans grand chapiteau. Premier ministre et dignitaires de la République en génuflexion devant un Directeur de cabinet dit « messager intime » aujourd’hui en prison depuis plusieurs mois déjà, humiliations infligées à des cadres du PDG à la Mairie de Libreville et dans plusieurs administrations, curieuses nominations à des postes diplomatiques, séjour chez nous, pour plusieurs mois, de tel Roi ou tel Prince…nomination d’un troisième Premier ministre, alors que les Gabonais attendent le bilan de ses deux prédécesseurs et qu’ils méditent encore sur les méfaits du premier mandat présidentiel de la « légion étrangère » (Accrombessi Nkani, New-York Forum Africa, ANGT, courses de bateaux et autre défilé des Brésiliennes, grèves récurrentes aux Eaux et forêt de M. Lee White)…Ni l’intense activité diplomatique du président de la République depuis un an, ni le passage d’Emmanuel Macron ne peuvent faire oublier ces différents faits.
Aux premières réunions initiées par M. Edmond Okemvele, pour aboutir à l’actuel mouvement REAGIR, plusieurs participants avaient, tôt, posé quelques questions de fond : Réflexions sur une nouvelle éventuelle constitution ou création d’un nouveau parti politique ? Organisation de la société civile pour le simple contrôle du Parlement ou recherche de la prise du pouvoir ? Nouveau modèle de gestion de l’Etat contre rémunération ? Faute de réponses précises à ces questions, nous sommes plusieurs à avoir décidé de ne plus prendre part à ces réunions, échaudés que nous étions, par les profits personnels que certains des intervenants avaient, en 1991, obtenu de la Conférence nationale, les transformant en héritiers, aux comportements d’héritiers, donc adeptes d’un certain conservatisme, pas toujours synonyme de patriotisme à toute épreuve.
Ces compatriotes, nés au milieu et à la fin des années 50, alliés objectifs du candidat du PDG, du fait de l’âge – estiment peut-être légitimement – que leur heure a sonné, que le temps passe et que rien ne justifierait une pause de 2 à 3 ans, sous quelque forme que ce soit, synonyme de retard inutile. Peu importe le chaos qui s’ensuivrait…
Or les anciens nous ont dit : « Ba be bô que na be bô » (Ne jamais courir et toujours partir à point). Nos anciens d’aujourd’hui (Assélé, Divungi Di Ndjinge, Mba Abessole, Essima Osse et bien d’autres), ne disent-ils pas la même chose ? A côté d’eux, mais moins anciens qu’eux, nous vous rappelons tout simplement qu’un héritage comporte un actif et un passif. Et que depuis 1990, plusieurs d’entre les sexagénaires, ont accumulé d’importants actifs du régime Bongo-PDG. Actifs qui ne leurs seront définitivement acquis que s’il y a un réel assainissement du pays, sans précipitation et dans la paix.
Nos anciens n’ont-ils pas eu raison de parler de Légion étrangère, d’enrichissement sans cause, de précarisation, d’accumulation, de dépravation et de grand remplacement méticuleusement organisés ?
Quelle chance avons-nous en ce mois d’août, d’avoir des élections apaisées ? Qui peut être sûr d’une victoire de l’opposition aujourd’hui ? Notre regretté Amo avait oublié un principe ancien : « O tô dzame meboun, ke vuane kô » (l’espérance porté à quelque chose ne doit pas te faire oublier le piège). Quel est le plan B de l’opposition ? Seules des réponses satisfaisantes à ces questions prouveraient votre modernité et votre réel patriotisme.
*Cacaoculteur à Biboulou, membre Association anciens élèves de Sciences Po Paris, ancien président de l’Association des professionnels des banques et établissements financiers et ancien Président de la Commission économique et financière à la Conférence nationale de 1990.