Dans un de ses ouvrages, James Freeman Clarke établit une différence conceptuelle entre l’homme politique et l’homme d’État. Selon cet auteur, « le premier cherche à gagner les prochaines élections alors que le second songe à l’intérêt des prochaines générations ». Au Gabon, les constitutionnalistes en herbe du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) qui préparent les futures élections paraissent s’inscrire dans la catégorie de « l’homme politique » puisque, dans leur entendement, le président de la transition doit absolument l’emporter.
« Ne faites pas une Constitution pour moi ou pour ma famille. Je n’en veux pas »
Ces propos sont ceux du général de brigade Brice Clotaire Oligui Nguema s’adressant à ses enjoliveurs qui battent campagne avant la campagne, banderoles et grandes affiches publicitaires aux pinces. Ils rythment des causeries sous forme de monologue. Ils s’agitent çà et là et appellent à tue-tête à voter en faveur du « oui ».
Par opposition à « non », qui est une particule négative, « oui » est une particule affirmative qui consiste à donner une onction affirmative avec une vigueur et une détermination qui se rapportent à une question précise. Pas pour jouer, ni pour plaire ou faire plaisir.
A la question de savoir oui à quoi ? Et pourquoi ? Des compatriotes très zélés, surtout ceux du Woleu-Ntem paternel et ceux du Haut-Ogooué maternel, plaident simplement pour un « oui » massif en assimilant le référendum à l’adoubement du général Oligui Nguema par rapport au béton qu’il répand dans Libreville et qui lui vaut le sobriquet familier de « général béton » et aux réalisations qu’il essaime dans le pays.
Cette posture est une volonté assumée des partisans de la division, capables pourtant de comprendre qu’il n’y a aucune relation entre la consigne de vote pour le « oui » et les réalisations, en trompe-l’œil, de leur champion. Par leurs comportements, ils sont l’une des causes de la montée exponentielle de la campagne du vote en faveur du « non ». Et depuis que le PDG s’en est mêlé, la négation est fractale et virale. Brice Clotaire Oligui Nguema, officier futé, devrait réaliser que cette méga campagne avant la campagne référendaire est plus une perfidie de nature à le desservir qu’à le servir.
Il est à déplorer que ces acteurs « politiques émérites », joints aux parlementaires nommés, encensent le président de la transition en s’appuyant sur ses réalisations en trompe-l’œil.
Dans les mapanes des villes et dans les villages, les petites gens ne comprennent pas la corrélation que font les « intellectuels » entre la pseudo générosité de Brice Clotaire Oligui Nguema, caractérisée par l’œuvre à tout vent dont se gargarise le CTRI, et le vote en faveur du projet de Constitution. Après le spectre de la libération des Gabonais par le CTRI, la question référendaire qui s’impose à Brice Clotaire Oligui porte sur sa capacité à s’ériger en « homme d’État ».
La moyenne matinale
A l’instar des candidats soumis à l’épreuve du Certificat d’études primaires élémentaires (Cepe) colonial dans les années post-indépendance, le projet de Constitution devrait subir le principe de la « moyenne matinale ».
En effet, le colonisateur français, dans sa quête de domination tous azimuts, voulant faire de la langue française l’un des instruments de domination par excellence, en faisait l’épine dorsale de cet examen. Ses concepteurs prévoyaient une dictée tout au début des épreuves. Après la correction, les candidats ayant plus de cinq (5) fautes étaient d’autorité éliminés. C’est la moyenne matinale.
L’assemblée Constituante nommée par Oligui Nguema ayant décelé plus de huit cent (800) fautes dans le projet de Constitution soumis à leur sanction aurait dû subir la loi de la moyenne matinale.
Au nom de la dignité du pays et de son peuple, le président de la transition aurait dû procéder à la réécriture des dispositions incriminées, car, hormis les cajoleurs kounabélistes-pédégistes, les Gabonais de tous bords invitaient le président de la transition, le CTRI et le gouvernement à faire preuve de responsabilité et de patriotisme en plaçant ce texte fondamental au-dessus de tout. Ces kounabélistes-pédégistes qui se sont incrustés dans le débat ont ajouté du sable dans la sauce. Alors que cette confusion est loin de trouver son épilogue, voilà que, patatras, le PDG, dont les membres, honteux de se faire prendre en photo à un endroit si pestiféré, s’y invitait de manière directe à son tour. Leur entrée fracassante dans la danse fut marquée par des consignes à ses obligés de voter en faveur du « oui » lors du référendum.
Aux anges, Oligui Nguema leur adresse un message synonyme de remerciement de pré vote. Au reste des Gabonais qui ont cru en son souhait du bout des lèvres (ne faites pas une Constitution pour moi ou pour ma famille, je n’en veux pas), il leur sert une douche froide. Si cette posture avait été franche, il en serait sorti général de division.
Il est donc à craindre, a contrario, que Josué soit gratifié du titre de général de la « division » parce que la Constitution qui sera soumise au vote en l’état dans près de trois (3) semaines déchirera le tissu social du pays. Il en sera seul responsable.
A l’ingérence du PDG dans le débat et à l’attitude d’Oligui Nguema, la réponse des Gabonais ne s’est pas fait attendre. Ils clament haut et fort que quand le PDG à la langue fourchue dit « oui », les populations doivent dire « non ». Cette consigne du « non » se multiplie de manière fractale et s’irradie dans les populations telle une trainée de poudre et augmente le coefficient de chance du vote négatif.
La crédibilité du pays
Le référendum à venir est un vote particulier portant sur un sujet capital pour la vie de notre nation. Il exigera, des citoyens, lucidité et bon sens pour décider en toute conscience.
Le peuple gabonais a connu son premier référendum le 28 septembre 1958. A cette occasion, il fut invité à répondre par « oui » ou « non » au changement de statut d’Etat membre de la communauté française proposé par l’impérialiste en chef Charles de Gaulle et son factotum Jacques Foccart. Deux camps du « oui » et du « non » s’affrontèrent en toute connaissance de cause autour de cette question référendaire.
En 1994, le peuple gabonais fut encore sollicité à se prononcer sur les résolutions issues des Accords de Paris. Au terme d’un débat républicain soutenu, les Accords de Paris connurent une adhésion massive de 96,40 % pour un taux de participation de 63,45 %. Aujourd’hui, la pratique moutonnière consistant à demander à voter « oui » à une question inconnue permet de mesurer davantage le niveau de recul démocratique du Gabon sous le CTRI.
L’opacité entretenue autour de la nouvelle Constitution ressemble, comme me le disait un ami, à cette fable de l’homme qui avait vu le serpent de mer sans l’avoir vu. Il en va de même pour la nouvelle Constitution dont on parle sans que le peuple ne l’ait vue.
Il convient d’insister sur le fait que cette consultation ne porte pas sur le choix d’un candidat à la présidence de la République. Il ne sera point question de « voter photo » comme à l’élection présidentielle du 19 mars 1967 ou de « voter sosie » comme lors de la présidentielle du 26 août 2023. Il est question de laisser la souveraineté du peuple s’exprimer en toute indépendance par rapport à la mise en place des nouvelles institutions, fondement d’une nouvelle République.
Il est espéré que la souveraineté du peuple s’exprime en toute indépendance par rapport à la mise en place des nouvelles institutions qui fonderaient la nouvelle République gabonaise. La situation claire obscure du moment ne prédispose pas à une transparence du scrutin qui est l’une des variables de la fraude électorale du PDG.
Il est à parier qu’en un temps aussi court le peuple n’ait pas la possibilité de s’approprier plus de 190 articles du texte de loi soumis à référendum pour se prononcer en conséquence.
En effet, c’est au terme de cette appropriation que deux attitudes se dégageraient.
Si le texte présente des valeurs universelles de liberté, de démocratie, de transparence électorale et progrès social pour le pays, il porterait les germes d’une adhésion massive, pleine et entière des Gabonais. Lesquels l’ont démontré lors de l’adoption par voie référendaire des résolutions issues des Accords de Paris.
Si, au contraire, il renferme des dispositions liberticides, anti-démocratiques et impopulaires, de nature à entraver gravement le vivre-ensemble, la marche vers l’honneur et la félicité, les Gabonais aviseraient.
Le choix du « oui » ou du « non » serait essentiellement tributaire de cette assertion et de la compréhension du projet de loi dans sa nature et sa portée politique. Toute autre procédure relèverait d’une démarche contre le bien des populations et favorable au pouvoir des individus.
On est droit de se poser la question de savoir ce qui fait courir le président de la transition d’organiser le référendum dans la précipitation alors que le dialogue national CTRI-PDG-clergé lui a même accordé un délai supplémentaire d’une année en cas de force majeure.
Quand il y a un flou, c’est qu’il y a un loup !
Beauty Nana BAKITA MOUSSAVOU
Belle analyse du pays de moutons et de bénis oui oui où le niveau d’esprit critique manque. Espérons tout de même que cette fois-ci, le refrain selon lequel « plus bête qu’un gabonais tu Meurs » portera un démenti et le Non avec un grand N.