Le 31 décembre 2017, Boa, le putschiste, encore en pleine forme et sur ses deux jambes, avait annoncé, dans son discours à la Nation, que « 2018 sera capitale, une année de l’action et de la cohésion ». Pêle-mêle, il avait égrené des annonces et stratégies sur les plans politique, économique et social. Un an plus tard, le quotidien des Gabonais, déjà difficile, n’a connu aucune amélioration. Sinon la situation s’est même fortement encore aggravée.
Une année 2018 qui a donc plutôt été infernale et qui, sans prophétisme de mauvais aloi, annonce, hélas, une nouvelle année 2019 qui risque d’être encore bien plus difficile sur les plans économique et social et très incertaine, voire dangereuse sur le plan politique pour le million 800 mille âmes de Gabonais.
A partir de là, dire que Boa est un mauvais président, voire un menteur, ne peut pas relever d’un crime de lèse-majesté. Voilà, résumée, la gouvernance politique de ce pays par un autocrate héritier d’un prétendu pouvoir paternel. Les Gabonais savent qu’ils n’ont rien à attendre du clan Bongo qui voit le Gabon comme une pompe à sous pour eux, leurs familles, leurs maîtresses et copains étrangers.
Une gouvernance économique minable en 2018
L’année 2018 a été marquée par une crise économique et financière de l’Etat. En dépit des investissements annoncés et des dettes colossales mises sur le dos de l’Etat, la crise a été fortement ressentie. La croissance espérée dans le cadre du Plan de relance économique (Pre) 2017-2019 n’a pas été au rendez-vous. Elle était 6.5 % en 2007 avant de passer à -3 % en 2008 et de -1.2 % en 2009.
Avec l’embellie des cours du pétrole, elle est passée à 6 % (taux moyen) sur la période 2010-2014. De 2015 à 2018, avec la crise du pétrole, la croissance et descendue à 2 %.
L’année 2018 a encore enfoncé le pays dans des dettes. Rien qu’avec le FMI, le Gabon a contracté, en un an, plus de 500 milliards de Fcfa (fin 2017 et fin 2018). La dette représentait, en 2009, environ 20 % du PIB, soit 1 368 milliards de Fcfa. Elle a, depuis, littéralement explosé puisqu’elle s’élève désormais à 3 334 milliards de Fcfa (soit 42 % du PIB) si l’on se base sur les chiffres de la Coface et approcherait même les 4 000 milliards de Fcfa (soit 50 % du PIB) si l’on se fonde sur les dernières statistiques du FMI. La dette a donc progressé de 190 % en seulement 7 ans. Ce qui n’a pas été un bon signal envoyé à nos partenaires et explique le faible engouement des investisseurs à venir au Gabon. Le FMI estime que la dette du Gabon représente désormais 50.1 % de notre PIB alors que le plafond national d’endettement a été fixé à 35 %.
Avec la fermeture des sociétés, les nouvelles taxes fiscales créées depuis 2017 et qui pèsent sur les sociétés ainsi que les retards et autres annulations de paiement au trésor public, les impayés de salaires dans la fonction publique, les entreprises publiques (Sogatra, AGP, Africa n° 1, Conseil gabonais des chargeurs et les agences gouvernementales créées depuis 2009), auxquels il faut ajouter les mesures d’Ogandaga et d’Ali Akbar interdisant le recrutement de jeunes diplômés à la fonction publique pendant 3 ans, comment Boa a-t-il pu espérer créer 10 000 nouveaux emplois en 2018 ? Du vrai mensonge d’Etat. En réalité, c’est de l’amateurisme. Le chômage s’est même accru cette année significativement. Dans un communiqué publié en février 2018 (numéro 16/81), le FMI estimait que le taux de chômage officiel est passé à 29 %. Ce qui est loin de la réalité si l’on intègre les notions de chômage du Bureau international du iravail (BIT). On avoisine les 40, voire 60 % de chômeurs. Aujourd’hui, seul 1/3 des Gabonais (population active) a un emploi régulièrement rémunéré. Le reste ballote et végète au quotidien.
La mauvaise gouvernance s’est accentuée en 2018 : corruption intensive, détournements sans limite des lignes budgétaires et des fonds publics : recettes de la vente du pétrole, recettes des douanes et des impôts, les fonds prêtés par les bailleurs de fonds pour les projets de développement économique et infrastructurel (bassins versants, routes, fibre optique, agriculture, économie, etc.), pillage d’autres fonds publics dans les sociétés para-étatiques comme au Conseil gabonais des chargeurs. Selon l’indice Mo Ibrahim de la gouvernance africaine (IIAG) 2018, publié le 29 octobre 2018, le Gabon passe du 23è au 41è rang sur 54 États du continent africain avec un score de 42,4 points sur 100, en dessous même de la moyenne africaine (49.9) dans la dernière catégorie baptisée « détérioration accélérée ». Cet indice montre la faillite du gouvernement à tenir ses engagements par rapport aux attentes des populations (sécurité et État de droit ; participation et droits de l’Homme ; développement économique durable et développement humain).
Le climat des affaires n’inspire pas la confiance des investisseurs et bailleurs de fonds. Selon les données compilées de la Banque mondiale (un score de 46,19 % dans la mise en place des réformes des affaires), le Gabon se classe au 167è rang mondial et 35è en Afrique, soit une régression de trois places par rapport à 2017. L’économie gabonaise est de moins en moins compétitive et attractive. D’après le dernier classement Best Countries for Business 2018 (meilleur pays pour investir), le Gabon est le 38è pays africain et 130è mondial (sur 154 pays répertoriés). Le Gabon vit donc aux dépens des dettes pour se financier, mais à des taux très élevés et délais de maturation courts (pour combler le déficit budgétaire global de 10 % et le hors pétrole de 20 % en moyenne). Une conséquence de la mauvaise gouvernance actuelle. Ce qui asphyxie les entreprises qui travaillent avec l’Etat (annulation des avis de paiement) et les pousse à licencier massivement, voire à fermer, pour certaines. Cela contribue à créer des grèves dans tous les secteurs, notamment dans les régies financières (retards de paiement de primes, tensions de trésorerie diverses).
Le creusement des déficits concerne aussi les échanges commerciaux du Gabon avec le reste du monde. L’on retient ici l’échec en matière d’auto-suffisance alimentaire. Le Gabon a décaissé (Etat, ménages, entreprises) plus de 822 milliards de Fcfa (1,5 milliard de dollars) pour importer de la nourriture (viandes, manioc, etc.). En 2009, cette dépense était de 250 milliards seulement. Une balance commerciale hors pétrole cruellement déficitaire montre l’ampleur des mensonges de Boa sur le projet Graine et les milliards dépensés dans ce projet.
Des conséquences sociales désastreuses
La pauvreté a atteint de larges pans de la population. Elle se caractérise par le surendettement des fonctionnaires, l’incapacité des familles modestes ou moyennes à payer régulièrement les écoles de leurs enfants, à les soigner et à entretenir les liens de solidarité familiale. Les prix des produits alimentaires de première nécessité (manioc, viande, poisson, etc.) ont grimpé. Le manioc coûte 300 à 500 Fcfa le bâton. Beaucoup de familles se sont disloquées parce que le chef de famille a perdu son emploi. Les hôpitaux sont délabrés, sans médicaments, sans personnels qualifiés et pour la moindre prestation il faut payer malgré les dits et non dits sur la CNAMGS. Des patients meurent à même le sol dans les hôpitaux faute de prise en charge ou de la dépression du corps médical. Le racket des forces de l’ordre (police, gendarmerie, militaires) montre à quel point chacun tente, à son niveau, de faire vivre sa petite famille en profitant, comme les en haut d’en haut, de leur petite portion d’autorité. Le pays va mal partout et c’est grave.
A cette crise économique et sociale, qui fait suite à la crise post-électorale de 2016, s’est ajoutée, depuis deux (02) mois, une crise politico-institutionnelle qui présage dans lendemains chaotiques pour le pays en 2019 : grèves multisectorielles, mouvements politiques de rue… Le départ des Bongo est plus que jamais une condition pour sauver le pays de la faillite et de la guerre civile.