C’est ce mardi 15 juin 2021, qu’a comparu devant la Cour d’appel de Libreville, le présumé délinquant Brice Laccruche Alihanga. Ceci, suite à l’appel interjeté le 03 mai dernier, par ses avocats lors du procès en premières instances où il est poursuivi pour « obtention frauduleuse de documents administratifs ». Le ministère public ayant balayé d’un revers de la main, les arguments de défense des avocats de BLA, va demander à la Cour de rejeter toutes les exceptions soulevées par les avocats de BLA. Ce qu’elle fera lors de la délibération. Poussant Me Jean Paul Moumbembé à se pourvoir en cassation.
L’affaire des documents administratifs de BLA n’est pas prête de connaître son épilogue. Lors de l’audience de cet après-midi, les arguments présentés par ses avocats n’ont pas du tout convaincus aussi bien le ministère public, que la Cour elle-même. Rappelons qu’en premières instances, les avocats du prévenu avaient nié la compétence du tribunal correctionnel à statuer sur l’obtention frauduleuse du certificat de nationalité de l’ancien bras droit des Bongo-Valentin. Autrement dit, « le délit d’obtention frauduleuse des documents administratifs, qui est prévu et puni par l’article 122 du Code Pénal gabonais ».
A la barre, Me Jean Paul Moumbembé va soulever comme moyen, l’incompétence du Tribunal correctionnel, en se fondant sur les articles 445 et 446 du Code Civil gabonais. Pour lui, les documents de BLA qualifiés de faux et usage des faux sont des jugements et certificats de nationalité délivrés par des magistrats assermentés. Et de donner lecture de l’article 445 du Code Civil, qui dispose : » les tribunaux civils sont seuls compétents pour statuer sur les actions relatives à la filiation. » Il va enfoncer le clou avec l’article 446 : « il ne peut être statué sur l’action pénale contre un délit qui porte atteinte à la filiation, qu’après un jugement définitif sur la question de la filiation. »
Selon lui, puisque le certificat de nationalité porte sur la filiation, BLA ne peut être jugé par le Tribunal Correctionnel que si et seulement si les documents de BLA sont d’abord reconnus comme étant « faux » par le Tribunal civil. Dès lors, l’avocat demande à la Cour de respecter la loi en déclarant le Tribunal correctionnel incompétent.
La non-rétroactivité de la loi va être l’un des moyens soulevés par Me Anges Kevin Nzigou. Selon lui, l’acte pour lequel son client est poursuivi date de 2004, alors que c’est en 2020 que le législateur a réprimé l’acte. Il ajoute : « dans le procès-verbal de l’enquête préliminaire des officiers de police judiciaire (OPJ), il est clairement mentionné dans le rapport d’enquête préliminaire de la Direction générale de la contre ingérences et de la sécurité militaire (B2), en date du 10 février 2021, « l’absence de toutes infractions quant aux suspicions des préventions de faux et usage de faux qui planait sur Monsieur Brice Laccruche Alihanga. » Comment le Procureur de la République peut-il poursuivre encore mon client alors que les OPJ qui ont mené l’enquête préliminaire disent qu’il n’y a pas d’infraction ? » s’est-il interrogé.
Me Irénée Mezui Mba, dira à la Cour que le fait que le Tribunal correctionnel ait rejeté sa demande sur la comparution des magistrats qui ont rendus les décisions des actes administratifs querellés constitue une violation flagrante des droits de la défense. Il va réitérer sa demande de la comparution de messieurs Raphaël Mvou Tistsamba, Ongama Fulgence, Alex Mombo et Kikson Kiki Patrice, tous Magistrats.
Appelé à prendre ses réquisitions, le Ministère public va estimer que le premier moyen soulevé par Me Moumbembé, est bel et bien une question de filiation.
Sur le moyen soulevé par Me Anges Kevin Nzigou, le Parquet général va dire que le délit de faux et usage de faux est une infraction continue, que dès lors on ne peut parler de rétroactivité de la loi ni de prescription. Quant aux rapports d’enquêtes préliminaires des OPJ qui ont conclu qu’il n’y a pas matière à poursuivre BLA, le Parquet général dira que le Ministère public n’est pas tenu aux PV des OPJ et que c’est le Procureur qui qualifie ou requalifie les infractions.
S’agissant du moyen soulevé par Me Irénée Mezui Mba, l’avocat général là aussi, va noter que les magistrats cités, dont Me Irénée sollicite la comparution ; sont presque tous des « Parquetiers, » et en cette qualité, ils ne peuvent rendre des décisions, ils donnent seulement des avis. Le Ministère public va conclure ses réquisitions en demandant à la Cour de rejeter toutes les exceptions soulevées par les avocats de BLA.
Vidant son délibéré, la Cour va déclarer l’appel interjeté par les avocats recevable en la forme. « Renvoie la cause et les parties devant le premier juge ». Autrement dit, les parties doivent revenir vers le juge correctionnel.
Sauf que Me Jean Paul Moumbembé décide de jouer la dernière carte qu’il avait en main. Il demande à la greffière de noter au plumitif qu’il va se pourvoir en cassation. Comme on le voit, la bataille judiciaire sur la compétence du Tribunal correctionnel à juger des vrais-faux papiers de BLA va se poursuivre en Cassation dans les prochaines semaines. Mais il s’agit en réalité de gagner du temps. Car bien malin qui peut penser un seul instant qu’au Gabon, on peut gagner un procès contre les Bongo.
D’ailleurs, les avocats de BLA dénoncent «une justice aux ordres», au « goût amer » et « un règlement de comptes ». Me Anges Kevin Nzigou estime que « nous sommes dans la continuité de la parodie de justice…Il est choquant d’entendre un président de la Cour d’appel, et donc un juge, dire en pleine audience, je n’ai rien à faire du traitement que peut subir votre client ». Il fustige également le fait qu’un magistrat, censé protéger, garantir les libertés ait «un regard haut » sur la violation des libertés d’un prévenu. Dans ce contexte, il assure n’avoir aucune confiance quant à la décision qui sera rendue par la suite. « On ne peut qu’être conforté dans l’idée que, un, nous sommes dans la continuité du règlement de comptes ; deux, nous n’attendons pas quelque chose d’une justice dont les éléments de la dépendance sont frappants rien que en termes de procédures», a-t-il fait savoir, ajoutant qu’ils vont «davantage éprouver ces procédures pour démontrer que personne n’est dupe et que les Gabonais comprennent parfaitement qu’il ne s’agit pas d’une justice, mais bien d’un règlement de comptes ».