A force de tourner le dos au droit, la patronne de la Cour constitutionnelle donne progressivement l’impression qu’elle se consacre à prendre une part de plus en plus active et décisive dans l’évolution politique du Gabon de l’après-Obo, notamment depuis l’absence d’Ali Bongo le 24 octobre 2018.
Avant même cette date, un certain nombre de décisions de la Cour l’auguraient. Et elles sont indubitablement à ranger dans l’attirail des initiatives politiques prises par cette institution. Initiatives dont le ressort ne lui échoit pas et qui pourrait plonger le pays dans l’inconnu. Par exemple, annuler 21 bureaux de vote dans le deuxième arrondissement de Libreville sans reprendre le scrutin, deux mois après, comme l’exige le code électoral relève d’une démarche de politique politicienne et non du droit. Sinon, comment comprendre la reprise des scrutins pour les récentes partielles dont les résultats ont été validés par la même Cour ? Deux poids, deux mesures. Les chancelleries occidentales, si sensibles aux pratiques anti-démocratiques sous d’autres cieux, ne peuvent avoir manqué de constater ce flagrant dérapage au Gabon.
Par ailleurs, l’influence, si ce n’est l’implication, de la Cour constitutionnelle et, singulièrement, de Mme Mborantsuo dans les réajustements auxquels nous assistons tous dans l’Exécutif gabonais et son administration centrale peut-elle être écartée comme une simple vue de l’esprit ? Nous en doutons. Sauf à accepter, sans rien dire, que l’Etat marche sur les droits d’opinion et d’expression des acteurs politiques et réduise la presse au silence, qui peut, raisonnablement, s’interdire de penser, de dire et d’écrire que cette « indisponibilité temporaire » créée et exposée par la présidente de la Cour pour justifier l’absence d’Ali Bongo, pour sauver le soldat Ali, ne concerne en rien l’article 13 de la Constitution dans lequel il n’est question que de « vacance pour quelque raison que ce soit » et d’« empêchement définitif », les deux conduisant à une nouvelle élection présidentielle ?
Et avant que cette dernière ne survienne, beaucoup, aujourd’hui, porte à croire qu’existe et s’organise comme des volontés disparates, au sein de l’Etat-Bongo, de certaines factions en lutte pour prendre le gouvernail abandonné par son commandant.
Penser que la Cour constitutionnelle et, tout particulièrement, sa présidente ne sont pas intéressées à la question de savoir qui tiendra les rênes du pouvoir avec, sans, ou après Ali Bongo Ondimba, ce serait prendre les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages.
Penser que le fait qu’il ne reste plus qu’un seul Téké au gouvernement, après l’éviction d’Ali Akbar Onanga y’Obegue n’est pas un signe révélateur de luttes internes observables par tous et croire que ces « épurations » qui ne disent pas encore leur nom ne seront pas perçues comme telles et susceptibles de réveiller des réflexes communautaristes, cela équivaudrait à comparer le Gabon au pays de Candide qui vivait heureux dans le château du baron de Thunder-ten-tronckh. Le pays des utopies.
Omar Bongo Ondimba nous a légué une bombe à retardement. Sa géopolitique à dosage ethnique.