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Chronique politique de Guy Nang Bekale/Coup d’Etat militaire et politique au Gabon : 17 février 1964 – 30 août 2023

Au regard des événements en cours, l’interrogation fondamentale qui préoccupe tous les observateurs prudents et circonspects est celle de savoir si la majorité des citoyens gabonais a conscience de la nature et de la qualité des enjeux et des défis de la période historique qui a débuté dans la nuit du 30 août 2023 et qu’ils vont vivre jusqu’au-delà de la fin de la transition…  Perçoivent-ils leur impact socio-politique sur l’avenir à court, moyen et long termes de notre vivre ensemble ?
L’on peut constater que l’euphorie générale née dans la « nuit de la libération » commence à s’estomper pour laisser place à la méfiance et au questionnement qui sont suscités par les décisions, les faits et les actes posés par les autorités du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI)… Normalement, une transition est une période intermédiaire de courte durée. C’est le passage d’un état à un autre marqué par un événement améliorant  inattendu, soudain, subit, brusque, brutal ou tranquille. C’est le cas de ce qui est baptisé « coup d’Etat » du CTRI par la majorité des personnes qui le vantent parce qu’il n’a pas fait couler le sang et des larmes.

Habituellement, un coup d’Etat fait, hélas, toujours couler le sang

Rappelons qu’au Gabon, le premier coup d’Etat militaire, qui a eu lieu en février 1964, a fait couler beaucoup de sang : le sang des soldats et celui des civils. Il a conduit Ndo Edou et quelques-uns de ses compagnons d’armes au tombeau. Ce coup d’Etat n’a pas été « une balade de santé ». Il s’était accompagné d’arrestations, de procès, d’emprisonnements, de sanctions et d’autres formes de violences.  Si le coup d’État des militaires de 1964 fut douloureux par le sang versé, celui des soldats de tous les corps habillés de 2023 a été intelligent et cool.
En 64, dans un contexte d’intense activité politico-démocratique, un groupuscule de soldats sous-officiers avait entrepris de destituer un président civil, Léon Mba, pour le remplacer par un opposant civil, Jean Hilaire Aubame. L’armée française, qui avait vite fait d’intervenir pour remettre leur protégé Mba au pouvoir et mâter les mutins en 1964, est restée coite en 2023. C’est un groupe de généraux formé de toutes les forces de défense et de sécurité qui a décidé d’intervenir en plein processus politico-électoral pour « éviter un bain de sang ». Au Gabon, c’est la première fois qu’un coup d’Etat militaire intervient pendant une compétition électorale inachevée. Cette fois, la France macroniste-gaulliste n’a pas inquiété les putschistes ou jugé utile de venir au secours de l’ami Ali.
Pendant qu’un document signé du président du Centre gabonais des élections (CGE) circulait sur les réseaux sociaux en donnant Albert Ondo Ossa, candidat de l’opposition, vainqueur, les responsables du même CGE proclamaient, quelques temps avant, son adversaire Ali Bongo gagnant. C’est cette dernière  information qui a poussé les soldats à stopper et à annuler les deux résultats de la présidentielle et déclenché la joie du peuple et son soutien aux militaires.  Que dire du régime Bongo-PDG-émergent, antérieur à celui de la transition, dont l’armée a fait couler le sang en 2009 et en 2016 ? Les patriotes démocrates politologues, activistes ou lanceurs d’alerte qui s’attèleront à observer et à analyser les actes, les actions et les décisions de gouvernance du Comité pour la transition devront privilégier l’examen et le traitement des divergences et des convergences ; des relations d’accointances et les rapports de forces de toutes natures qui vont régir la cohabitation entre le peuple gabonais et le CTRI, d’une part et, d’autre part, entre le CTRI et les médias qui doivent se donner pour ligne de conduite de proposer, de valoriser, mais aussi de critiquer la gouvernance du nouveau régime.

Tout pouvoir qui succède à un régime autoritaire bénéficie toujours d’un état de grâce

Etat de grâce de la part des citoyens et jouit pendant un laps de temps, plus ou moins long, d’une popularité qui frôle souvent l’idolâtrie. La restauration des institutions gabonaises post-émergence sera une œuvre ardue, prenante qui requiert effort, intelligence, rigueur et surtout efficacité. Pour sa réussite, il faut mobiliser des femmes et des hommes compétents, expérimentés et bosseurs, de grande et haute qualité morale et spirituelle, de vrais passionnés du travail bien fait et non point de fainéants flambeurs amoureux des billets de banque et des comptes bancaires créditeurs qui ont pour rêve de détenir des « bas de laine » qui s’élèveraient en milliards de francs…
Le CRTI a du « pain sur la planche ». La dégradation des institutions républicaines est si grande que la mission de réparation des dommages pour leur restauration va s’apparenter à des « travaux d’hercule ». Ces dégâts se manifestent surtout par la dévalorisation et la détérioration des éléments constitutifs de l’Etat qui sont le pouvoir exécutif, avec la présidence et le gouvernement ; le pouvoir législatif avec l’Assemblée nationale et le Sénat ; le pouvoir judiciaire, etc. dont les modalités de fonctionnement, d’organisation ; les comportements, les décisions et les choix des responsables ont écœuré les Gabonais. Sans qu’il soit subjectif, passionné et/ou inconditionnel, le soutien au CRTI doit être sincère, franc et surtout désintéressé et total.
La liberté d’expression, sans laquelle on ne peut aider le nouveau pouvoir, doit demeurer intacte, acceptée et reconnue aux citoyens. A nos compatriotes qui ont en charge le destin de notre peuple, plein succès dans l’exécution de votre mission patriotique !

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