La transition politique commence-t-elle à dévoiler ses batteries ? Visiblement, elle semble se démarquer de la volonté de la partie des Gabonais qui veulent en faire un moyen pour sanctionner ou pour régler des comptes à tous les renégats, voleurs et voyous qui ont dirigé le Gabon au cours de la période des 14 dernières années (2009-2023), quitte à remonter, pour certains, jusqu’au règne d’Omar Bongo. Ces compatriotes appellent à un débat national contradictoire pour établir la vérité et rendre la justice à partir des actes, des agissements et des responsabilités de certains hiérarques du PDG-émergent.
La transition prend la forme d’une opération de détection des dirigeants vénaux ayant la double nationalité pour les maintenir à l’écart des activités du CTRI. Une partie des citoyens de la diaspora et ceux de l’intérieur du pays expriment déjà clairement leurs doutes sur la capacité de la transition à instaurer un système politico-institutionnel démocratique meilleur, différent de celui que le CRTI veut restaurer et/ou changer. Ils observent aussi que la transition transite par le PDG, son escale obligatoire. Si des désaccords, des divergences ou des oppositions naissent entre le CTRI, les personnalités politiques, les forces vives du pays et les populations, le Gabon se retrouvera dans une nouvelle situation de crise faite de laxisme, de désordre, d’insouciance, d’injustice et de violence sous toutes leurs formes.
Le risque consisterait à passer à une ère dite nouvelle sans avoir établi la vérité sur ce qui a été entrepris au Gabon depuis 2018 par qui et pourquoi ?
Sans cela, la restauration de la tranquillité et la réconciliation nationale seront lentes et compliquées. Le CTRI doit « frapper un grand coup » pour convaincre les Gabonais de sa volonté de créer un cadre de vie aux conditions agréables et meilleures pour tous ; tant matériellement, financièrement qu’intellectuellement et moralement. Ces derniers jours, les populations ont suivi la confrontation entre Brice Laccruche Aliangha et Sylvia Bongo Ondimba sans rien apprendre de consistant sur leur véritable rôle et leur réel degré d’implication dans les activités politiques étatiques nationales pendant la durée de l’« indisponibilité temporaire » d’Ali Bongo. Elles ont aussi été informées du cas de Monsieur le professeur Lee White qui aurait crânement quitté le Gabon avec ses milliards. Or, les Gabonais aimeraient connaître la part de responsabilité de ce « compatriote écosso-gabonais » durant son séjour non seulement aux parcs nationaux et au gouvernement, mais également les pratiques des personnels, des collaborateurs et des dirigeants des institutions de l’Etat, à savoir la présidence de la République, la Cour constitutionnelle, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Conseil économique, social et environnemental et celle de tous les autres responsables. La bonhomie, le calme, la modération et la bienveillance du général président de la transition, président de la République, chef de l’Etat, Brice Clotaire Oligui-Nguema, ne doivent pas donner l’impression que le CTRI et son leadeur sont partisans du maintien de l’ordre ancien. Ils sont tenus de donner aux Gabonais des signes qui rassurent sur leur détermination à réformer les institutions étatiques.
Outre la rumeur relative à la sortie de Lee White du Gabon, l’actualité récente est marquée par la confrontation qui a opposé Brice Laccruche Aliangha et Sylvia Bongo Ondimba, redevenue, en l’occurrence, Sylvie Aimée Marie Valentin… Il apparaît clairement à l’ensemble des Gabonais que tout ce qui relève des Bongo est flou et comporte toujours une anomalie, un mensonge ou une tricherie. Le père Albert Bernard Mbongo est passé par Albert Bernard Bongo, El Hadji Omar Bongo pour finir par Omar Bongo Ondimba. Le fils, Alain Bongo, est devenu Ali Ben Bongo, puis Ali Bongo Ondimba, Ali neuf (Ali’9) et les Gabonais viennent de découvrir que le prénom de l’épouse de ce dernier est Sylvie au lieu de Sylvia qui fut notoirement connue comme première dame du Gabon ; que Noureddin Bongo ne serait ni le fils d’Ali ni celui de Sylvie, mais un enfant arabo-berbère pris en gardiennage par le couple qui, dit-on, n’était même pas légalement marié. Quel monde !
Sylvie, ou Sylvia, n’avait aucune fonction officielle et ne dirigeait aucune institution. Cependant, son influence sur le fonctionnement et les activités de l’Etat était si important qu’elle exerçait un réel « pouvoir discrétionnaire » dont elle abusait et qui impactait les agissements de la Cour constitutionnelle, du gouvernement, du Sénat, de l’Assemblée nationale, des forces armées, etcétéra.
Le CTRI doit s’astreindre à un devoir de vérité
Le peuple veut savoir ce qui a été véritablement fait depuis l’AVC d’Ali à Ryad en octobre 2018 jusqu’à la nuit de la veillée électorale du 30 août 2023. Le CTRI doit ouvrir cet épineux dossier dont la vérité du contenu est attendue par tout le peuple gabonais. Le petit nombre de détenteurs de cette vérité doit parler pour apaiser la masse. Pour l’histoire, cinq années de la vie d’un peuple et des activités d’un Etat ne doivent pas demeurer sans explications. Toutes les personnalités qui ont dirigé le Gabon de 2009 à 2023 sont tenues de communiquer sur leurs modalités et leurs méthodes d’administration des hommes et de gestion des institutions que le CTRI veut restaurer.
Sans parler de procès et d’emprisonnements, les managers des médias publics, particulièrement ceux des chaînes de télévision, seraient inspirés en créant des émissions du genre « Ma part de vérité » au cours desquelles chaque gouvernant sera convié à raconter la sienne. Le temps peut couvrir la douleur, mais celle-ci demeure toujours vivace au tréfonds des hommes. La durée ne peut pas effacer la vérité, les douleurs et les violences subies. L’homme n’oublie jamais les rudes épreuves vécues.
Le CTRI doit choisir entre le « pardon après la vérité » ou la « vérité pour le pardon » suivis d’actions qui conduiront à la « réconciliation nationale » qui est l’autre institution majeure à restaurer. La restauration des institutions est perçue comme une mission difficile pour les uns et dangereuse pour les autres parce que la variété des intérêts personnels importants et frauduleux en présence placent les individus concernés en situation « d’accusé et d’auto-défense ». Le sentiment qui domine chez ces gens est la peur, complétée par l’égoïsme et la violence. Les compatriotes qui ont désolé, navré et perverti le Gabon pendant plus d’un demi-siècle sont connus. Ils doivent s’abstenir de tout comportement arrogant, hautain et méprisant qui peut provoquer des réactions brutales à leur endroit.
La transition est une période cruciale qu’il faut mettre à profit pour préparer un Gabon post-transition calme et apaisé. Le Gabon de l’après-transition devrait comprendre les principaux éléments suivants : une Constitution, un code électoral (et de bonne conduite politique ?), un nouveau découpage électoral, des élections présidentielle, législatives et locales transparentes et crédibles, un organigramme commun à tous les ministères, le retour à l’éthique professionnelle et à l’orthodoxie administrative, l’accès du public aux médias d’Etat, etcetera…
Le mal qui menacera la période post-transition, qui sera indubitablement houleuse, tumultueuse et, donc, conflictuelle, s’appelle tribalisme, ce vieux démon qui sévit honteusement depuis longtemps dans tout le corps social gabonais et particulièrement dans le milieu politique.
Gouverner c’est prévoir et mieux vaut prévenir que guérir
Le général président Oligui Nguema a les moyens pour désamorcer ce fléau et se gendarmer contre ses fanatiques adeptes passés, actuels et futurs. Les Gabonais sont impatients et inquiets. Ils veulent connaître la durée de la transition et souhaitent qu’elle ne s’éternise pas. Tous les ressortissants des milieux politiques et civils que sont les partis et les associations, les syndicats, les militaires, dont le CTRI, les confessions religieuses chrétiennes et autres doivent tous avoir le temps de se préparer à prendre une place significative dans le cadre des initiatives, des joutes et des compétitions à venir. Tout citoyen, civil ou militaire qui jouit de ses droits civils et politiques doit participer à la vie collective du Gabon. Aucun ne devrait être exclu par la décision d’un groupuscule de compatriotes qui apparaîtrait comme le fait du prince. Le principe de l’égalité devant la loi, si souvent ignoré et bafoué, doit guider le CTRI et l’emporter sur des considérations subalternes.
A bon entendeur, salut !