Depuis 1964, toutes les robustes offres de changement et d’alternance des leaders politiques au peuple gabonais n’ont pas abouti. Tout s’est passé comme si, par une terrible malédiction perpétuelle, l’espérance ne devait que se transformer, sans cesse, en son contraire et devenir une superbe mystification.
Il semble qu’au Gabon une lutte oppose deux forces que seuls quelques patriotes sincères et quelques initiés divins privilégiés connaissent. Elle oppose les adeptes de Satan et les fils du Dieu souverain. Des compatriotes sont morts dans l’espoir de vivre des jours heureux dans leur pays… Mais sans y parvenir, à l’exemple de mon paternel qui avait pour rêve avoué de voir la fin du système Bongo après avoir été l’un des témoins oculaires de son avènement.
Aucun humain ne peut jamais voir ou vivre tous les événements, bons ou mauvais, qui surviennent dans son pays. Seuls ceux qui ont vécu l’acte que les militaires ont posé le 30 août 2023 peuvent le raconter aux absents ; chacun à sa manière, suivant sa perception, son ressenti, son appréciation : les uns avec enthousiasme et passion ; les autres avec modération et retenue. Je me suis toujours abstenu de me confier aux gens immoraux. C’est ce que mon père me conseillait sans relâche. Mais, plus que mon père, c’est mon grand-père qui aimait à me répéter : « Mie, ne t’acoquine jamais avec les personnes de peu de foi et de mauvaise vie ! Ils sont impies, méchants, traîtres, violents et de moralité exécrable… Et tu ne dois jamais rien devoir à personne, pas même une aiguille. Il risque, quand il en aura besoin, de te déranger nuitamment pour te demander de la lui restituer. En cela, il aura raison parce que c’est sa propriété ».
Depuis mon âge enfantin jusqu’aux sublimes instants présents où le temps m’insère dans le groupe des octogénaires, je suis resté parfaitement fidèle à ces sages et nobles prescriptions à l’intérieur desquelles est logé la source de mon amour pour la liberté, la vérité et la justice. Et, pour les avoir acquises au prix de douloureux combats fait de sang, de larmes et de sueur versés par moi et les miens, je savoure à l’infini et avec délectation les errements, les bêtises, les idioties et les cochonneries des générations actuelles qui n’ont connu ni leurs « anciens », ni leurs traditions… Et n’ont jamais passé un séjour dans les divins sanctuaires ancestraux qui sont nos panthéons.
La perception de l’au-delà aide à relativiser et à mépriser les multiples luxueux parures et biens de la vie terrestre qui sont, somme toute, éphémères au regard de la félicité éternelle qui est l’ornement qui récompense et couronne les Etres pieux, ces fils de Dieu dont la conscience est tournée et attirée, non point par les joies et les plaisirs subalternes et passagers de ce bas monde, mais par les sublimes mystiques hauteurs où règnent la joie, la vérité, la justice et, bien évidemment, l’amour sans fin…
Les hommes sont mortels parce que Dieu a besoin de reprendre l’esprit qu’il a placé dans leur chair. Cependant, aucun vivant ne peut ignorer ou douter que l’humain passe moins de temps sur la terre que sous la terre. La gestion de la relation entre le cerveau et les éléments de la vie sociale conduit les Etres de peu de discernement à la vanité qui fait croire à la majorité des vivants que la jouissance est le but suprême du passage sur terre. « Je pense, donc je suis » ; « je vis, donc je suis mortel » ; « je suis mortel, donc je suis fils de Dieu »… La mort fait de l’esprit de chaque homme, une éternelle offrande à la gloire de Dieu.
Je confesse avoir perçu la manifestation de la magie « christique » et avoir subi les agressivités de mes contemporains qui destinent leurs compagnons à une vie de paria. C’est vrai que nulle part au monde les citoyens sont égaux, mais ceux qui ont pour mission de conduire et de gérer le destin collectif ont pour obligation absolue de pratiquer la justice et le partage, la bienveillance, la considération et la courtoisie. Une population ne peut pas vivre dans la misère et accorder sa confiance à une minorité de gouvernants jouisseurs qui détiennent des milliers de milliards de francs dans leurs habitations pour avoir pris les parts de richesse qui doivent revenir aux autres. La fabrication des riches a été la plus belle réussite du régime des Bongo et consorts. Leur amour de « l’argent facile » a surpassé l’amour du prochain jusqu’à en devenir esclaves.
Pour les dirigeants d’un pays, le bonheur social consiste à apercevoir la bienveillance, la douceur, la sympathie et la joie dans les yeux de leurs administrés. Ce sont les peuples faibles et embrigadés qui attendent leur libération d’une intervention étrangère. Or, toute intervention étrangère comporte des pans d’actions maléfiques cachés et ignorés des populations. Les gabonais croient avoir obtenu en quelques instants, grâce au CTRI, ce dont ils rêvent depuis plus d’un demi-siècle. Or, parfois, les gains spontanés, acquis sous la forme de donation, peuvent être convertis insidieusement en dettes.
Le peuple gabonais a été libéré par les soldats qui, des décennies durant, ont servi et sécurisé le régime Bongo-PDG. Sa participation à cette libération n’a été que marginale, festive et enthousiaste. Présentement, le CTRI convie les forces vives du Gabon à faire des propositions sur les actions à entreprendre pour la restauration des institutions. Cette dernière se fera peut-être en présence et en compagnie des citoyens qui ont longtemps géré ces Institutions décriées en agressant et en humiliant les citoyens patriotes.
La transition serait sans grandeur et sans gloire si elle ne permet pas aux gabonais d’accéder à la vérité, à la justice, à la liberté et de voir la rupture et le divorce d’avec l’ancienne gouvernance des Bongo.
Qui vivra verra !