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Conseil national de la magistrature/Nominations et promotions : Boa étale au grand jour comment il « gère » le pouvoir judicaire

Lors de la révision constitutionnelle de janvier 2018, Boa a rétrogradé le pouvoir judiciaire en le considérant comme une simple « autorité judiciaire », c’est-à-dire un démembrement jouissant, de façon limitée, de l’autonomie fonctionnelle et budgétaire sous son autorité. Or, la justice occupe une place de choix dans l’édification d’un Etat de droit démocratique, dans la construction d’une économie attrayante pour les investisseurs étrangers, mais aussi dans la pacification du tissu social et la consolidation de l’unité nationale en tant que troisième pouvoir.

La justice n’est ni un contre-pouvoir ni une « autorité ». C’est un « pouvoir indépendant » entier. Mais, dans un régime autoritaire aux relents monarchistes et sanguinaires que celui des Bongo depuis 50 ans, elle n’est une qu’une « autorité » maniable. Les nominations et promotions du Conseil national de la magistrature du 04 juillet 2018 montrent clairement que la justice au Gabon est sous la botte du palais. Etre juge, procureur, président de cour ou de tribunal, avocat général dépend tout simplement de l’allégeance faite à la famille régnante des Bongo pour mériter et durer à ces postes avec les avantages qui y sont liés. Exit les considérations du type ancienneté, probité morale et expertise judiciaire et technique.

Une justice instrumentalisée

La justice de la junte frôle pourtant l’année blanche entre les grèves des magistrats et celles des greffiers, bloquant ainsi le traitement des litiges civils, commerciaux et criminels. Ce qui, socialement, renforce la violence et des règlements de comptes personnels. Mais Boa n’en a que foutre dès lors que le seul organe judiciaire qui l’intéresse (Cour constitutionnelle) ouvre ses portes et fonctionne vaille que vaille pour lui permettre de dissoudre des institutions, adopter des révisions constitutionnelles qu’il souhaite et proroger ou stopper à sa guise tous types de mandats politiques ou encore pour prendre des ordonnances qui empiètent, sans urgence, sur le domaine de la loi.
Les affaires de crimes rituels (comme l’étouffement de la noyade de plusieurs jeunes du CES d’Akébé), les autres crimes économiques et financiers des dignitaires du régime sont méconnus et n’intéressent aucun juge d’instruction ou procureur nommé par le pouvoir. En revanche, le parquet de la République (procureur) constitue, dans ce régime, l’épicentre de la justice. Quel que soit son titulaire (Bosco Alaba Fall, Sidonie Flore Ouwé, Ndong Essame Ndong et maintenant Olivier Nzaou) le parquet se montre toujours zélé et affable pour défendre le régime et attaquer l’opposition et la société civile par une batterie de charges déjà connues de tous mais sans fondement : crime contre la paix publique, association de malfaiteurs, instigation aux actes ou manœuvres de nature à provoquer des troubles ou manifestations contre l’autorité de l’Etat et instigation aux violences et voies et de fait, non-assistance à personne en danger et détention illégale d’armes à feu, coups et blessures volontaires aggravés, séquestration arbitraire… Une rhétorique que les Gabonais connaissent déjà et savent qu’elle ne cache rien d’autres que la diversion politique.
Depuis 2 ans des prisonniers politiques croupissent, sous la torture, voire l’empoisonnement quotidien, dans les geôles du régime. D’autres procédures sensibles liées aux détournements de fonds publics piétinent. De même, la commission de lutte contre l’enrichissement illicite n’a pas à ce jour révélé au grand public une seule véritable affaire de détournement massive alors que par pelleteuse l’argent s’échappe des comptes publics pour alimenter les comptes bancaires des individus proches de Boa au su et au vu de tout le monde. L’indice de perception de la corruption (IPC) de 2017 montre que la corruption a encore évolué au Gabon ces dernières années alors qu’on parle de « ».
Dans des affaires plus sociales, c’est tout un calvaire pour obtenir une décision de justice : expulsion, occupation illégale de terrain, violences et voies de faits, assassinats…au point que ce sont parfois les victimes qui sont menacées ou que les décisions rendues sortent même du cadre de la requête du demandeur… Des étrangers, bien nantis, gagnent quasiment tous les procès face aux Gabonais.

Boa distribue, récompense et sanctionne les « bons » et « mauvais » magistrats selon lui.

C’est dans ce contexte politique que Boa, « détenteur suprême » des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, a promu et sanctionné le 03 juillet dernier des juges et autres magistrats. Les bons et mauvais magistrats sont ceux qui ont soit réussi, n’en déplaise au droit et à l’opinion, à appliquer les ordres du palais, soit ceux qui ont failli. Le cas le plus emblématique de bons magistrats est celui de René Aboghe Ella. Déchu de l’ex-Cénap dissoute au profit du nouveau Centre gabonais des élections (CGE), il a eu un point de chute : le Conseil d’Etat. Exit Martin Akedengue ! La seule évocation du nom d’Aboghe Ella évoque la honte et l’indignation nationales pour avoir orchestré en 2009 (Amo) et 2016 (Ping), des coups d’Etat électoraux pour durer à ce poste où Mborantsouo l’avait placé avec des avantages et des dessous de table dont il bénéficiait à ces occasions comme un grand nombre d’autres acteurs de l’appareil judicaire et sécuritaire du régime qui préparaient et validaient ces crimes contre le Peuple gabonais et la démocratie. L’exemple de mauvais magistrat, car sanctionné pour n’avoir bien suivi à la lettre les ordres du Palais en se donnant trop d’ailes pour se faire sa part belle est Steeve Ndong Essame Ndong. Il a, en effet, été viré du parquet pour devenir un (simple) avocat général au tribunal de Libreville. Les Gabonais retiendront du passage de Steeve Ndong Essame Ndong au parquet de la République de Libreville la recrudescence des crimes rituels et le mépris affiché dans la récente affaire des disparitions de jeunes de l’opposition proches de Jean Ping, Stempy Obame, Alain Mbella Obame et Armel Mouendou qui sont toujours recherchés par leurs familles et le harcèlement de l’opposition en général.
Ces mesures individuelles sont boudées par des magistrats qui ont été reversés au secrétariat général du ministère de la Justice (chancellerie) ou comme « conseillers » dans d’autres cours et tribunaux. Ceux-là sont victimes de la mesure de Boa lui-même qui limite les personnels en fonction à la présidence de la République et à la primature (secrétariat général et secrétariat général du gouvernement). Ce qui sonne comme une sanction pour eux, car partis avec tambours et fanfares pour aller occuper des postes politico-administratifs, ils reviennent affronter le regard des collègues qu’ils narguaient. Pire, sur le plan technique, un grand nombre aura besoin d’être recyclé à l’Ohada, aux différents codes de procédure et à la rédaction judiciaire, car depuis des lustres, ils étaient formatés à des réunions politiques dans les cabinets (présidence, SGG…) et n’avaient plus la logique du « corps » dans les réflexes.

 

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