Dieudonné Daltry Nang Eko et ses amis pris à Libreville et transférés au pénitencier de Lambaréné, en octobre dernier, sur ordre de Massard Kabinda, alias Etienne Makaga, qui donnait un petit coup de main à sa collègue Denise, l’illustre fraudeuse de Ndjolé, ont été élargis le vendredi dernier et mis en liberté provisoire. Il reste en prison 35 suspects liés à l’incendie de la mairie de Ndjolé.
Au soir du vote du 6 octobre 2018, les populations de Ndjolé avaient humilié le PDG dans les urnes aux locales. La liste indépendante dirigée par Dieudonné Daltry Nang Eko avait été intraitable. Non content de ce vote, le PDG a fait incendier l’hôtel de ville de Ndjolé avec la complicité du bureau du conseil municipal qui a préalablement enlevé les archives, preuves qu’il était au courant de ce qui se tramait, de l’unité de gendarmerie commise à la surveillance des lieux et de l’équipe du CGE local qui avait mission de truquer les résultats afin de déclarer gagnant une échouée). Du grand art !
Ainsi, dans la nuit du 8 octobre, la mairie de Ndjolé est incendiée. Au matin, les forces de l’insécurité du régime font une descente musclée au quartier Bingoma, fief de Daltry. Tout le monde est embarqué : jeunes, adultes, vieillards… Seuls les enfants, les poules et les cabris sont restés en liberté. Tout ce beau monde est jeté à la prison de Lambaréné. A distance, Denise et Kabinda supervisent les opérations. Sauf qu’il ne s’agit là que du menu fretin. Le duo infernal veut du lourd afin d’en faire un exemple à ces excités de Bingoma qui ont osé souiller l’honneur de la duchesse de Ndjolé. C’est ainsi que Kabinda sort le grand jeu. Il actionne son précieux téléphone et contacte Daltry qui avait déjà quitté Ndjolé avant que le PDG ne joue au pyromane. Après un bref échange, il lui intime l’ordre non pas d’aller voir le procureur de Lambaréné pour des nécessités d’enquête, mais de se rendre à Gros-Bouquet. Ce guet-apens est minutieusement mijoté par le Blanc et la duchesse. A Gros-Bouquet, Dieudonné Nang Eko, prudent, s’est fait accompagner par trois de ses proches dont Jean Charlie Mendome Ngoua, Jean Parfait Sakamandang et Stéphane Lentsidja. D’honnêtes citoyens et responsables de familles qui n’avaient rien à avoir avec l’incendie de la mairie de Ndjolé. Une fois à Gros-Bouquet, les gendarmes, qui ne s’attendaient pas à voir tout ce monde, mais Nang Eko seul, informent le Blanc en lui précisant que la proie n’est pas seule. Après concertation avec la duchesse, il est décidé de mettre tout ce beau monde au frais. Tout de suite, le procureur près le tribunal de Libreville, qui ne maitrisait même pas un peu le dossier, est saisi. Olivier N’zaou est aux anges, le Blanc vient de lui offrir une occasion en or de venir craner devant la presse. Dans la précipitation, il organise une conférence de presse où les présumés pyromanes sont livrés à la vindicte populaire. La presse du régime en fait ses choux gras…
Devant les journalistes, le procureur évoque l’article 39 du code de procédure pénale pour mettre aux arrêts et sans la moindre enquête, sans la moindre preuve, les présumés pyromanes de la mairie de Ndjolé : « Sont compétents pour exercer l’action publique, le procureur de la République du lieu de l’infraction, celui de la résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, celui du lieu de l’arrestation de l’une de ces personnes, alors même que cette arrestation a été opérée pour une autre cause », dispose l’article 39 en question.
Selon le même procureur, la mairie de Ndjolé a été incendiée « suite au dépouillement des urnes intervenu après le premier tour des élections législatives et locales du 6 octobre dernier dans le département de l’Abanga-Bigné ». Outre cet incendie, certains responsables départementaux du Centre gabonais des élections (CGE, organe chargé d’organiser les élections) ont été séquestrés, selon le procureur. Si ce dernier avait enquêté, il se serait aperçu que les membres du CGE qui étaient dans le complot n’ont jamais été séquestrés, encore moins inquiétés. D’ailleurs, tout montre bien qu’il s’agit là d’une conspiration menée de bout en bout par la duchesse de Ndjolé, aidée par Kabinda. Ce que croit d’ailleurs savoir le journal en ligne Gabonmédiatime.com qui écrit : « Cherchant, semble-t-il, à noyer toute forme de contestation, certains de ses lieutenants auraient fomenté la mise à sac de la mairie et son incendie par la suite avec, à la clé, l’interpellation des leaders politiques adverses. Selon les aveux de quelques personnes arrêtées avec la quarantaine de personnes actuellement sous mandat de dépôt à Lambaréné et qui ont déjà été entendues sur procès-verbaux, tout conduirait vers ces derniers. « Nous avons été envoyés par Denise Mekam’ne pour mettre le feu… Avant, l’instruction avait été donnée de couper le courant et d’évacuer les urnes et le personnel de la CGE », auraient-ils avoué. Sauf qu’Ali Bongo a douché les ambitions du procureur de Libreville en ordonnant que tout le monde soit transféré à Lambaréné…
Daltry et cinq autres de ses compagnons d’infortune viennent d’être libérés et jouiraient d’une liberté provisoire. Le bon sens voudrait qu’il soit prononcé un non-lieu… Par contre, la justice ne devra pas s’arrêter en si bon chemin. Elle doit aller plus loin en prononçant la relaxe pure et simple des 35 autres prévenus restés en captivité au pénitencier de Lambaréné. Mieux, elle doit diligenter une vraie enquête libre et transparente afin d’identifier les vrais coupables et leur infliger les sanctions prévues par la loi. Ceux qui ont subi les foudres de la duchesse sont habités aujourd’hui par la haine et la frustration. Ils ont besoin d’une consolation morale et judiciaire. Elle passe par la reconnaissance de leur innocence et la punition des coupables.
Mais nous restons convaincus, dans notre naïveté, que si la duchesse a lâché ses proies, ce n’est pas par gratitude. Tout le monde sait à Ndjolé que cette dame est méchante, qu’elle sait bien que le pays est en train de prendre un grand virage et que, bientôt, les bourreaux d’hier pourront bien répondre de leurs crimes devant le tribunal de l’histoire et du nouveau Gabon. On se souvient que lors du deuxième tour des législatives, Janvier Nguema Mboumba, du PDG, avait perdu le vote. Les Fang n’ont pas accepté de voir la bouille de Denise à ses côtés. Résultat, tous les quartiers fang, comme un seul homme, avaient voté pour le candidat de l’opposition.
Nous y reviendrons.