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Contradiction politique au Gabon : Guy Nang Bekale écrit à Me Louis Gaston Mayila

Opposant de longue date, Guy Nang Bekale de la galaxie Jean Ping a pris sa plus belle plume il y a quelques jours, pour exprimer opinions à Me Louis Gaston Mayila. La fameuse lettre ayant un caractère officiel, nous avons bien voulu en faire large diffusion. Lecture !

A LOUIS GASTON MAYILA

Cher compatriote et Cher frère !

C’est pour tenter de percer la vérité qui est enfouie dans ta prise de parole sur les élections au Gabon, et celles à venir et leurs résultats, que j’ai décidé de me soumettre à un exercice compliqué qui consiste à m’adresser à toi en faisant connaître mon appréciation aux autres compatriotes qui s’intéressent aux élections dans notre pays.

L’adage dit : « comme on connaît les saints, on les honore » et « qui aime bien châtie bien ». Les gens diront ce qu’ils voudront, mais, à certains égards, je t’aime bien parce que tu es incroyablement génial par instants.

Parlant des élections majeures, donc présidentielles, tu as affirmé à juste titre que « Depuis notre indépendance, à l’ occasion de chaque consultation électorale majeure, des résultats ont toujours donné des cris et des pleurs pour ne pas dire des morts ».

Première interrogation : quels régimes ont organisé les élections dans le pays ? et quels compatriotes ont été candidats et vainqueurs d’une élection depuis notre indépendance ? Tu ajoutes : Voici que 2023 nous annonce une consultation électorale majeure »… « Nous ne devons pas persister dans l’erreur qui nous conduit dans les résultats que nous déplorons »… « Une histoire qui finit bien, c’est que l’épilogue de cette élection ne délivre pas un verdict de mort ».

Deuxième interrogation : comment une erreur, qui est par nature corrigible, peut durer au point de conduire à de monstruosités et atrocités aussi inhumaines depuis 1960 ?  Dans ce cas, ce n’est plus une erreur mais une pratique criminelle.

Et tu conseilles les candidats de « respecter le résultat des urnes ». Quelles urnes, quels résultats ?

Troisième interrogation : dans l’histoire des présidentielles au Gabon, qui doit respecter les résultats des urnes : les juges des élections ? les candidats, lesquels ? les indépendants ? Ceux du pouvoir ou ceux de l’opposition ?

Encore une fois, tu as lancé un débat qui, certes, est intéressant et capital mais qui ne prospérera pas du fait que l’Etat est considéré par certains compatriotes comme un titre foncier, une propriété familiale inviolable et imprescriptible héritée de leur ascendant : soit parce que peu de lettrés gabonais n’aiment pas se prononcer sur les questions de portée vitale qui concerne les populations ; soit parce qu’ils ont d’autres priorités. Or, la problématique contenue dans les propos de Louis Gaston Mayila sont au cœur des maux, des douleurs et des rancœurs du peuple gabonais. Le constat est que l’émetteur de ces déclarations avérées porte un boulet : il a été l’un des puissants membres actifs à l’époque où le PDG-Bongo trônait fièrement au faîte d’un pouvoir dont le Règne, la Puissance et la Gloire se voulait éternel. Maître LGM est un homme de loi, un juriste doublé d’une personnalité politique, chef d’un parti. Il a déjà été candidat malheureux à une présidentielle. Aujourd’hui, ce sont ses collègues et homologues juristes qui sont chargés des élections presque partout en Afrique francophone. Ce qui rend  son discours davantage intéressant et lui donne une connotation très spéciale.

Cher Louis Gaston, Cher frère ! Parmi les caractéristiques que j’aime en toi, il y a que tu jettes souvent un pavé dans la mare, tu mets toujours le doigt là où il faut, à l’endroit qui est le plus sensible (Si mon observation est imagée, il ne faut pas m’en vouloir de m’exprimer ainsi). Souvent, on a parfois des difficultés à accorder du crédit à tes dires. Et pourtant, ta parole aurait pu être d’or si elle était, non pas rare, mais saine et débarrassée d’un passé et d’un héritage porteurs de lourdeur, de laideur, d’orgueil et de vanité. Malheureusement tu trimbales un gène bloquant et avilissant qui t’empêche de parler des élections avec conviction, vérité et objectivité. Parce que, comme la quasi-totalité des anciens barons du PDG qui sont devenus leaders dans l’opposition, tu n’es pas un homme totalement libre en paroles et en actes. Chaque gabonais qui se retrouve dans le domaine public et face au peuple, en qualité d’acteur permanent de la vie politique nationale, ne doit pas oublier les actes qu’il a posés en bien ou en mal. Il ne doit pas avoir des choses à cacher. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, tout ce qui était secret est mis à découvert et porté à la connaissance de milliers de personnes. Disons en passant qu’Omar Bongo a eu une chance inouïe de ne pas vivre le contexte mondial actuel caractérisé par la divulgation de ce qui se voulait secret. Il aurait versé des milliards aux internautes activistes des réseaux sociaux.

Cher frère, ce sont les thèmes comme ceux que tu rappelles que j’aimerais aborder avec les érudits comme toi à la télévision ; non point pour nous rentrer dedans et nous battre comme des chiffonniers, mais pour permettre à nos compatriotes de prendre de la graine. Un tel exercice serait tout à fait indiqué, entre gabonais, en période ante électorale. Mais nous vivons dans une société où les dirigeants ne se sont pas encore appropriés les principes basiques qui nourrissent le débat contradictoire dans le processus de démocratisation des Institutions d’un Etat, d’une société.

Louis Gaston ! tes conseils ressemblent au vent qui souffle en caressant tout sur son passage. Tes propos manquent de virilité et d’impact dans les cœurs et les cerveaux de nos compatriotes qui font le même constat que toi et qui en souffrent. Je le confesse, je suis  du nombre de ceux-là.  Dire qu’à « chaque consultation électorale majeure, des résultats ont toujours donné des cris et des pleurs pour ne pas dire des morts »,  c’est totalement faux ; c’est louvoyer sur les responsables des cris, des pleurs et des morts lors des élections. Qui plus que toi qui as été Ministre de l’Intérieur peut mieux édifier les gabonais et leur expliquer pourquoi il y a toujours des morts à chaque élection majeure ? Toi qui connais la traçabilité des résultats électoraux  des bureaux des votes, jusqu’à la Cour Constitutionnelle, en passant par le Ministère de l’Intérieur. Tu ne dois pas donner des conseils ou faire des constats, mais dire les causes réelles et véritables des morts à chaque élection ; ainsi que la nature, vraie ou fausse des résultats.

Ce ne sont pas les résultats des élections qui causent les morts, ce sont les compatriotes qui détiennent les armes qui seules, assurent les victoires électorales et tuent dans tous les pays où il y a un déficit de patriotisme, de justice, de vérité de foi et d’amour entre les citoyens. Ces armes au nombre de deux sont : la Loi et la Mitraillette. Ceux qui les possèdent possèdent aussi tous les pouvoirs. Ils perdent très rarement une élection majeure. Tout au plus, ils ne peuvent perdre le pouvoir que par l’utilisation des mêmes moyens qu’eux. Ce ne sont donc pas les résultats de l’élection, mais bien les femmes et les hommes puissants et avides de pouvoir qui provoquent les crises post électorales mortelles et sanglantes. Quand une communauté humaine vit dans une fausse paix et harmonie, elle ne peut rien bâtir de grand, de noble, de durable et d’admirable. Vivre en société en faisant semblant d’être uni, c’est se mentir, exciter et entretenir l’instinct bestial qui sommeille au fond de chaque créature divine. Dans un tel milieu humain, aucun progrès social n’est envisageable et possible.

Louis Gaston ! Quand tu dis : « nous ne devons pas…nous conduit… nous déplorons ». Qui sont ces NOUS ?  Une fois de plus, tu es tombé, par la ruse, dans le travers des politiciens qui ménagent la chèvre et le chou. Tu es coutumier du fait. Et, si tu agis ainsi, c’est parce que tu connais, pour avoir été une des pièces maîtresses de la machine à faire gagner le PDG, comment on accède à la Présidence de la République gabonaise sans avoir remporté l’élection. Non, ce ne sont pas les résultats des élections qui causent les violences, les morts et la désolation postélectorale, mais bien les Institutions et leurs garants. Comme toi, j’ai entendu dire que « tout le monde veut aller au Paradis, mais personne ne veut mourir » mais aussi, comme toi qui aime Georges Brassens : « mourrons pour des idées mais de mort lente ». Toi et moi sommes des adeptes de nos sanctuaires ancestraux et, de ce fait, nous devons nous aimer, aimer la vérité, la justice, le Gabon et les gabonais. Souviens-toi, l’autre fois, dans ton bureau, nous nous sommes regardé, tu t’es manifesté et « tu t’en es aperçu »…. Par obligation d’honorer le serment prêté, nous sommes condamnés à dire la vérité, à être libres et d’accepter par avance la mort sans trembler. Voilà le drame auquel nous sommes confrontés et que chacun de nous gère à sa manière.

Mon frère et cher Aîné ! Je sais que tu me comprendras. Souviens-toi, Ministre de l’Intérieur, nous nous sommes retrouvés : Jules Aristide Bourdès Ogouliguendé, toi et moi dans ton bureau lorsque je voulais sortir le PLD du CDJ… Ce que tu m’as dit ce jour-là, appuyé par le regard insistant de JABO, m’avait fait comprendre qu’il fallait que je revienne sur ma décision… Dans la même période, Zacharie Myboto m’avait reçu dans son bureau pour le même sujet et le même conseil.

Je m’adresse publiquement à toi parce que je sais que tu veux clamer les vérités, mais tu n’oses pas, tu es coincé parce que tu n’es pas libre. Tous les compatriotes qui ont gouverné le pays avec Omar Bongo semblent avoir passé avec lui une alliance qui a été scellée par une promesse de fidélité qui les interdit, jusqu’à leur mort, de franchir une ligne et de dire la vérité aux gabonais sur la gouvernance du PDG. Sans avoir été aux premières loges, j’ai passé plus d’une dizaine d’années à la Présidence de la République. J’ai observé et j’ai compris la pratique politique de gestion des femmes et hommes d’Omar Bongo qui, somme toute, était sans conteste parmi les « très grands » de la détestable loge à laquelle je n’appartiens pas….

Louis Gaston, Ministre de l’Intérieur, tu as travaillé avec la Cour Constitutionnelle, avec le Centre des élections, avec les policiers, avec les renseignements, avec le Président de la République : forcément, tu sais que ce ne sont pas tous les candidats qui provoquent les morts électoraux, mais ceux qui détiennent les moyens de donner la mort.

Cher Aîné, quand tu auras un peu de temps libre, je viendrai m’entretenir avec toi. Même si nos options divergent, n’oublions jamais qui, et ce que, nous sommes et où nous allons ; malgré nos chemins qui sont dissemblables.

Bien à toi fraternellement.

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