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Démocratie et enjeux patriotiques : « Le Gabon en danger » (Suite et fin)

Par Guy Nang -Bekale, Docteur d’Etat en Sciences Politiques. Tél : 0024177 35 89 49
« J’ai choisi de twister les mots et de révéler certains faits pour qu’un jour nos enfants sachent ce que certains ont été ; ce que d’autres ont obtenu et ce que nous avons fait du Gabon ».

L’irrespect de la loi conduit forcément à la dégradation et à la perversion des processus électoraux, aux mandats présidentiels illimités, mais aussi et surtout au blocage des changements et des remplacements démocratiques des dirigeants dans les Etats noirs francophones. L’absence d’alternance politique est la problématique majeure dans cette Afrique noire. Elle est intimement liée à la violation des dispositions réglementaires et constitutionnelles en matière de vote. La violation de la loi, concrétisée par le mépris du bulletin de vote donne aux détenteurs des armes l’occasion de s’en servir à leur profit et partant, de se substituer au peuple souverain. Rarement, après un coup d’Etat militaire qui destitue un chef d’Etat, les soldats confient la direction du pays aux civils pour gérer une éventuelle transition.

Elections présidentielles : fraudes électorales et violations de la loi

La légalisation de la fraude électorale prend diverses formes dont cinq sont spectaculaires et mettent en évidence les perfides agissements des organismes étatiques en charge des processus électoraux. Ce sont :
1- La Commission électorale dont les responsables reçoivent les dossiers de candidatures et les valident sans tenir compte des exigences et des obligations légales prescrites qui les rendent inéligibles,
2- Le Ministère de l’Intérieur qui confectionne toujours incorrectement et partialement la liste électorale à l’approche des votes. Souvent, cette liste comporte des doublons. On note aussi l’absence des noms de certains électeurs ou la disparition de leur carte de vote.
3- L’Organisme de régularisation de la Communication assiste muet à l’affichage des photos et posters du candidat du pouvoir qui occupent abusivement les panneaux et autres espaces publicitaires au détriment des autres concurrents. De plus, ce candidat dispose de la totalité des moyens de l’Etat.
4- Dans les bureaux de vote, les représentants du pouvoir soudoient les assesseurs qui représentent les candidats de l’opposition. Parfois les forces de l’ordre collaborent avec les agents de la Commission électorale pour bourrer les urnes lors de leur acheminement vers les centres de décomptes des voix.
5- Le Ministère de l’Intérieur proclame les résultats des votes sans remettre en question les grossières tricheries précédentes.
6- A la fin, la Cour ou le Conseil Constitutionnels, après l’examen et le traitement des recours contentieux, clôture le processus électoral qui est immédiatement suivi de l’officialisation définitive des résultats qui valident et couronnent la fraude électorale.
Comment s’étonner que la fraction des militaires patriotes, excédés par les pratiques antipopulaires des despotes au pouvoir, n’entreprennent pas des actions armées pour remplacer les civils. Les coups d’Etat militaires seront toujours populaires en francophonie tant que le blocage de l’alternance et le non-respect de la voie légale pour l’accession démocratique à la direction des pays seront bafoués et outragés. Incompétentes et incapables d’imposer l’application de la loi, les organisations africaines : UA, CEDEAO, CEEAC etc, soutenues par les autres pays de la Communauté internationale sont à la remorque et impuissantes face aux mortels événements qui instaurent l’insécurité dans les pays africains. Leurs interventions, à posteriori, consistent paradoxalement à exiger le retour à « l’ordre constitutionnel » qui est périodiquement remis en cause en leur présence par l’usage des armes. Tous les coups de force militaires s’expliquent, entre autres, par le déficit de démocratie, la mauvaise gouvernance, le favoritisme, l’inefficacité des politiques publiques et l’obstination des hommes politiques à vouloir s’éterniser au pouvoir. Ce schéma est répandu et vérifiable dans la quasi-totalité des Etats francophones.
Malgré leurs faibles moyens matériels, financiers et autres, les patriotes africains doivent continuer à lutter par la parole et l’écriture pour que la vie sociopolitique et les pratiques électorales des Etats francophones noirs accouchent de la démocratie comme une vertu et une valeur suprêmes.

Aujourd’hui très peu de gabonaises et de gabonais ont plaisir à habiter au Gabon ; à Libreville en particulier où la vie est devenue fade et insipide. Quelques compatriotes envisagent même de s’installer à demeure à l’étranger avec l’espoir d’y trouver la quiétude et le calme indispensables à un accompagnement satisfaisant vers la vieillesse et la mort, convaincus qu’ils sont, que l’herbe est plus verte là-bas que chez nous. L’histoire raconte que toute communauté humaine qui a connu une forme d’apogée finit aussi par vivre la décadence. Sous Omar Bongo ; le Gabon avait été pompeusement qualifié d’El Dorado, d’Etat au système politique stable et de pays pétrolier riche, à revenu intermédiaire de la tranche haute. Tout cela n’était que vanité.
Douze ans après la mort d’Omar, le guru politique et financier des pédégistes qui a laissé le pays dans un désordre et une désolation indescriptibles, ses successeurs héritiers ont dépassé leur Maître. Présentement, le Gabon est méconnaissable. Le pays donne au monde une abominable image qui déshonore ses sages, ses intellectuels et son élite patriotes. Muselés non seulement par le masque du Covid-19, mais aussi par les violences d’Etat ; solitaires, abandonnés, sans solutions et moyens de réactions, les gabonais vivent muets et tristes avec dans les cœurs un mélange de sentiments de honte, de rage et de colère, de mépris et d’incompréhension face à leur pays qui leur échappe et qui est sous occupation étrangère. Quand les parlementaires qui sont supposés représenter le peuple votent des lois antipopulaires et demeurent indifférents aux monstruosités, l’autorité et les pouvoirs des Institutions républicaines, dont ceux de l’Etat, se dégradent et provoquent l’irrespect et le rejet des gouvernants par les citoyens. Résultat, le sentiment patriotique est amoindri, la lassitude et la chienlit s’installent dans l’ensemble du corps social.
C’est l’occasion et le lieu de souligner le courage du français Eric Zemmour qui, malgré quelque excès, parle de l’état de sa France avec clarté, vérité, passion et amour. En cela, il est respectable et admirable. Mais à choisir, j’opterais pour la France de Monsieur Jean Ferrat…. La configuration et les perspectives d’évolution sociologiques de la France et du Gabon sont préoccupantes. Sans être identiques, elles sont proches. D’ici un quart de siècle ou moins, nos langues vernaculaires ne seront plus parlées et les étrangers seront plus nombreux, plus riches que le nationaux et s’empareront de tous les pouvoirs et secteurs : économie, finance, commerce et bien évidemment le pouvoir d’Etat. Depuis plusieurs années, j’attire l’attention des dirigeants et des populations sur cette sombre perspective. Aujourd’hui, la mort sévit parmi les septuagénaires et les octogénaires dont j’en suis. Quand les jeunes générations futures seront réduites à l’esclavage comme leurs ancêtres, nous, septuagénaires et octogénaires actuels ne seront plus de ce monde ; alors s’ouvrira pour ces jeunes une longue période de misère et d’affreuses douleurs.
En 1990, nous avons échoué de renverser le système PDG-Bongo après l’assassinat de Monsieur Joseph Redjambe Issany…Que de regrets, ce n’est pas faute d’avoir essayé. Pauvre Gabon, où est ta jeunesse ?

 

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