Il y a très certainement plusieurs raisons au départ de Julien Nkoghe Bekale du poste de Premier ministre. Au nombre d’entre elles, des accointances, tardivement décriées par lui-même, avec Brice Laccruche Alihanga et sa petite galaxie, mais aussi son rendez-vous raté avec la classe politique appelée à s’unir pour lutter contre le Coronavirus. Il faut y rajouter la question de la dépénalisation de l’homosexualité.
Bien accueillie en Europe, l’adoption par le Gabon de cette loi qui protège les homosexuels de toute répression liée à leur orientation sexuelle ne pouvait qu’occasionner de multiples tollés qui s’en sont suivis sur le sol gabonais de la part de chrétiens, musulmans, traditionnalistes et même des députés où l’absentéisme était notable le jour de l’adoption par l’Assemblée nationale.
La brutalité avec laquelle l’ancien PM s’est impliqué dans cette affaire ne l’a assurément pas aidé. Bien au contraire. D’autant que sa mise au-devant de la scène ne pouvait que le transformer en cible idéale de l’opinion. Quid de son ministre de la Justice ? Quid de la ministre des Relations avec les institutions ? Julien Nkohe Bekale a décidé lui-même de prendre le taureau par les cornes et, au lieu de faire montre de pédagogie, il a préféré proclamer urbi et orbi son parti pris pour la dépénalisation de l’homosexualité qui « fait évoluer les mentalités » tout en rappelant ses « convictions religieuses ». « Je suis tolérant et je respecte la vie humaine. De même que je suis contre la peine de mort, je suis également contre la stigmatisation des homosexuels » avait-il tenu à préciser. Il a même félicité les députés pour avoir su « s’adapter au temps ». Toutefois, face aux sénateurs, il n’a pas voulu évoquer le sujet de la dépénalisation de l’homosexualité au Gabon (retrait de l’alinéa 5 de l’article 402 du code pénal). La couleuvre, un peu grosse, n’a pas été du goût des vénérables. Cette tentative d’éviter le débat démontre que l’ancien PM savait qu’il marchait sur des œufs. Alors, c’était quoi le projet ? D’aucuns estiment, à tort ou à raison, que c’était pour redorer en haut lieu son blason largement terni par ses fréquentations ajéviennes. Cet engagement militant de JNB pour la protection des homosexuels a été associé dans l’opinion à une sorte de prosélytisme en faveur de la pratique homosexuelle. Mal lui en a pris. Il aurait pu expliquer que le contexte international contraint, avant de pouvoir bénéficier de certaines aides financières, des Etats tels le Gabon à se conformer à certaines conditionnalités exigées par les institutions internationales. Comme ce droit des minorités auxquelles appartiennent les homosexuels. Manifestement, le zèle militant de l’ancien PM à défendre, bec et ongles, la dépénalisation n’a pas semblé convenir au distingué camarade. Les conditions dans lesquelles JBN a été remercié paraissent le démontrer. C’est en plein conseil interministériel que « sa » démission lui a été annoncée. Un signe qui traduit bien un hiatus quant à la gestion à la hussarde des débats sur l’adoption de ladite loi. Dans la foulée de ces changements à la tête du gouvernement, certains observateurs s’interrogent, par ailleurs, sur les cas d’Oyem et de Bitam où les militants locaux du PDG n’ont pas vraiment sauté de joie en entendant les noms de Guy-Patrick Obiang Ndong, ministre de la Santé, et Charles Mve Ella, ministre délégué auprès du ministre des Eaux et Forêts, de la Mer, de l’Environnement, chargé du Plan climat et du Plan d’affectation des terres. C’est vrai que depuis les départs d’Owono Mba et Tony Ondo Mba, Oyem et Bitam, un peu esseulés, n’avaient plus de « représentant » au gouvernement comme de tradition depuis les années 1960. Mais alors, le très technocrate Guy Patrick Obiang Ndong et le candidat malheureux aux dernières législatives, Mvé Ella, peuvent-ils être les pièces maîtresses de véritables enjeux nationaux à venir ou alors n’est-ce là que la perpétuation géopoliticienne de dosages ethno-provinciaux parfois concoctés à la va-vite et à l’aveuglette ? Déjà, certaines voix soulignent les liens de parenté entre Guy-Patrick Obiang Ndong et Charles Mvé Ella qui épouseraient dans la même famille…