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Félix Etienne Tisékédi élu à la présidence : Des leçons pour le pouvoir et l’opposition au Gabon !

Mal parti, le processus électoral de la République Démocratique du Congo (RDC) vient pourtant de virer au dernier moment à un vrai coup de théâtre. Félix Etienne Tisékédi a été élu avec 38% des voix devant le candidat unique de l’opposition, Fayulu, et celui du pouvoir sortant, Shamazani. Une première dans l’histoire de ce pays aussi âgé que le Gabon. La première alternance politique qui se décide dans les urnes.

La fin d’une tradition de coups d’Etats et de violences politiques sur le Peuple

Au lendemain de son indépendance en 1960, le rêve d’un Congo démocratique et développé avait sombré lorsque les Belges, ancienne puissance colonisatrice, avait tout fait pour que ce pays soit instable : destitution de gouvernements, envoie de mercenaires, instrumentalisation de la classe politique, assassinats politiques (dont Patrice Lumumba) et l’émergence de Mobutu comme président pendant des décennies durant lesquelles la dignité du peuple congolais a été bafouée. La restauration du multipartisme en 1990 n’a pas poussé les faucons du régime de Mobutu à réviser leur manière cruelle et prédatrice de gérer ce pays que  l’on qualifie, à juste titre d’ailleurs, de « scandale géologique » parce que disposant du potentiel minier le plus important de notre région de l’Afrique centrale, voire de l’Afrique entière (cuivre, diamant, or, terres rares, etc.) en quantité et qualité phénoménale. Et il fallait s’y attendre.

La révolution conduite par Laurent Désiré Kabila dans le maquis, en hommage au combat nationaliste de Patrice Lumumba, avait fini, dans un jeu d’alliances militaires et d’intérêts sous régionaux complexes, à chasser le dictateur Mobutu du pouvoir en 1997. S’en suivra pour lui, un exil médical au Maroc d’où il mourra en 1999 et enterré, dans la honte, le déshonneur et dans la discrétion totale au cimetière chrétien de Rabat, loin du faste populaire des manifestations et exécutions publiques qui ont caractérisé son règne démentiel. Mais, le 16 janvier 2001, Laurent Désiré Kabila, « le libérateur », est victime d’un coup d’Etat à son tour (le troisième de l’histoire du pays). Son fils, Joseph Kabila est immédiatement porté à la tête du pays par l’état-major militaire de son père. De 2001 à 2018, soit 17 ans durant, Joseph Kabila transforme, malgré son jeune âge à son arrivé au pouvoir (29 ans), le Congo en un nouveau champ de batailles urbaines entre son armée et les forces sociales et politiques exigeant la garantie des libertés fondamentales et la justice sociale. Une décennie qui ne profitera ni aux Congolais, ni au Congo en tant que pays pour son édification sur la voie du développement et de l’industrialisation. En fin 2016, la Constitution, écrite par lui-même des années avant, l’oblige à quitter le pouvoir. Il prendra encore deux ans, dans la répression, pour préparer son départ du pouvoir. Le nombre de morts des patriotes congolais tombés sous les balles des armées de Kabila lors des marches et manifestations civiques soutenues d’ailleurs activement par l’Eglise catholique n’est plus à compter.

Après avoir finalement accepté de se retirer, Joseph Kabila va multiplier les tentatives de fraude : nomination d’un président de la Commission électorale, introduction de machines biométriques à voter dans un pays où plus de 80% de la population est illettrée, achat des opposants pour affaiblir la dynamique de la candidature unique de l’opposition, menaces et intimidations de l’opposition, annulation des élections dans plusieurs circonscriptions, report des élections à la veille de la date officielle, incendie du matériel électoral, déploiement dissuasif des forces armées et instrumentalisation des médias d’Etat pour faire la propagande du candidat choisi par Joseph Kabila pour le remplacer, Ramazani Shadari, qui contre toute attente a été le premier, dès la fermeture des bureaux des vote à réclamer qu’il a gagné avant même la fin du dépouillement des bulletins de vote par la commission électorale. Comme quoi, un plan de fraude était déjà en cours. D’ailleurs, l’annonce des résultats a été difficile. De report en report, la Commission ne voulait pas le faire parce qu’elle espérait manipuler les PV des bureaux de vote et déclarer élu le candidat du pouvoir. La mobilisation de la rue et la pression des Etats-Unis, qui a dépêché, ici même à Libreville, une mission militaire (80 marines) pour intervenir à Kinshasa en cas de violences post-électorales orchestrées par le pouvoir.

Des leçons pour le Gabon et sa classe politique

Plus de 50 ans après son indépendance, les Congolais ont enfin pour la première fois un président de la République élu par eux-mêmes. Et cela, au prix des souffrances atroces, de morts, de bastonnades policières et militaires, et des humiliations infligées par des étrangers qui ont géré leur pays sous leurs yeux (Rwandais, Angolais,  Belges…). Deux régimes de pères et fils (Mobutu et ses fils et Kabila et son fils) ont cru faire de ce pays leur propriété. Un décor qui rappelle celui du Gabon avec les violences, crimes économiques et humains que les Bongo de père et fils perpètrent dans ce pays, sur les Gabonais depuis cinquante ans. Et le spectre d’une monarchisation accrue se dessine depuis l’AVC qui a rendu BOA inapte à exercer les fonctions qu’il usurpe depuis 2009. C’est dire que les Gabonais ne doivent pas se sentir comme le seul peuple en Afrique à vivre la situation déshumanisation, de chaos et d’humiliation que nous connaissons et qui, d’une façon ou d’une autre, a poussé des jeunes officiers à penser à prendre les armes pour dire « trop, c’est trop ».

Sur le plan politique, il faut dire que l’opposition congolaise, divisée et avec une partie de celle-ci au service des Kabila et des puissances industrielles tapies dans l’ombre, a fini par trouver un certain équilibre. L’instrumentalisation de la candidature unique autour de Martin Fayulu, désigné comme tel en novembre 2018, a montré que les forces nuisibles voulaient d’un opposant faible, peu connu des congolais et peu légitime au regard de l’histoire politique du pays, afin d’être facilement battu par le candidat du pouvoir Ramazani Shadari. Ayant compris que le choix du candidat unique avait été sponsorisé et pipé, Félix Etienne Tshisekedi dont le parti a la plus grande base (implantation territoriale) et le plus grand nombre d’élus (régionaux et nationaux), avait fini par dénoncer l’accord de Bruxelles sur la candidature unique. Et partant, il avait décidé, avec d’autres forces démocratiques patriotiques de RDC, d’aller aux urnes. Le résultat est là. Il a été élu président de la RDC en obtenant 7 051 013 suffrages valablement exprimés, soit 38,57 %, devant le candidat unique de l’opposition (34,8%) arrivé donc deuxième et celui du pouvoir (23,08%) arrivé troisième. Un verdict populaire  cruel pour le pouvoir sortant, mais plein d’espoir de renouveau pour le Congo et les Congolais.

L’opposition gabonaise (Jean Ping, Nzoumba Ndama, Barro Chambrier et consort) doit donc arrêter de perdre le temps aux Gabonais. Quand des gosses de moins de trente ans sans fortune se sacrifient pour le pays, comment alors comprendre que des adultes fortunés et qui doivent à ce pays tout ce qu’ils ont, puissent à chaque fois trouvés des subterfuges pour se débiner au moment fatidique ? Qui aurait parié que des officiers inconnus du public pouvaient surprendre tout le monde, du moins l’opinion vue que le plan a été préparé au sein  du pouvoir ? Alors, l’homme providentiel qui va libérer les Gabonais que ce soit dans les urnes ou par d’autres moyens, risque fort bien aussi de les surprendre, dans la période à venir avec la vacance du pouvoir qui sera constaté. En allant aux élections, l’opposition victorieuse du Congo savait que le pouvoir tenait les manettes du jeu, mais il y a eu une organisation exceptionnelle qui a permis de déjouer les plans de fraude du régime. Et vous opposants gabonais ?

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