Selon le communiqué officiel de l’armée tchadienne, le président maréchal Idriss Déby est mort ce mardi matin, des suites de blessures reçues au combat le week-end dernier, alors qu’il commandait les forces nationales tchadiennes face aux rebelles du FACT. Arrivé au pouvoir en reversant Hissène Habré en 1990, l’homme fort de N’Djamena aura dirigé le Tchad pendant plus de 30 ans. Accusé de népotisme par ses détracteurs, il avait été réélu président de la République il y a seulement quelques jours et sa réélection avait été confirmée la veille (de l’officialisation) de sa mort dans des circonstances non encore élucidées.
Le Tchad est en deuil. Le dictateur de Ndjamena porté à bout de bras au pouvoir par la France serait tombé au front, si on en croit le communiqué officiel : « Le président de la République, chef de l’Etat, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l’intégrité territoriale sur le champ de bataille. C’est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad », a annoncé le porte-parole de l’armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans un communiqué lu à l’antenne de TV Tchad.
Tout de suite, un Conseil militaire pour gérer la transition présidée par le fils du dictateur, le général Mahamat Déby Itno a été mis en place. Une transition fixée à 18 mois. Après avoir usurpé le pouvoir, les militaires ont annoncé que la Constitution était suspendue, le gouvernement ainsi que l’Assemblée nationale dissouts. Les frontières terrestres et aériennes restent fermées jusqu’à nouvel ordre.
Toutefois, si les militaires et la puissance coloniale laissent distiller la thèse d’une mort héroïque au front, de nombreux observateurs soupçonnent plutôt un assassinat à la Kabila. Certes Paris a toujours soutenus le défunt dictateur sans la moindre gène du « qu’en dira-t-on ? », mais nul ne peut nier qu’il était devenu un peu un boulet pour Paris. Notamment en tenant ces derniers temps, des propos qui ont forcément irrité les bords de la Seine. Reste à savoir si le nouvel homme fort placé confidentiellement par Paris, sera en capacité comme son père, de résister à la rébellion, mais aussi à la menace djihadiste qu’il ne faut surtout pas sous-estimer. C’est vrai que n’étant pas militaire, nous n’en savons pas trop sur les règles d’engagement au Gabon. Mais ce communiqué militaire ressemble plutôt à un « arrangement diplomatique ». Dans ce genre d’entourloupe, on est toujours en train d’arranger une porte de sortie honorable pour un despote serviable et corvéable au service des colons. « Il est mort au combat » (ça sonne plutôt bien). Autrement dit, il est mort en héros, les armes à la main. Mais depuis quand les généraux et les « maréchaux » sont-ils devenus des hommes de troupe au point de mourir dans le chaudron des combats ? En 30 ans de pouvoir, le maréchal président Idriss Déby a vu des vertes et des pas mûres. S’il s’est aventuré au front dans un contexte de guérilla, c’est qu’il savait ses troupes en situation favorables et lui-même sécurisé. Difficile donc de comprendre qu’il soit tombé au front, c’est fort de café !
Par contre, on sait qu’avec les dictateurs, il faut toujours s’attendre à des violences de palais. Les mascarades électorales, suivis des violences, des humiliations et d’arrogance, cachent mal les dissensions, les frustrations et les fissures internes des clans au pouvoir. Tel un fruit mûr, le maréchal a certainement été foudroyé par les siens et n’a pas survécu à ses blessures. Le communiqué que les militaires nous ont servi, semble être un communiqué « arrangé » pour faire du dictateur un héros de guerre, un homme bien.
Le dictateur est mort, son fils a pris le pouvoir. Le Tchad vient de tourner une page de son histoire. La France prend acte, mais ne condamne pas le coup de force. Reste à savoir la position de l’Union africaine.