Au commencement étaient les « indépendances » gaullistes. Tout ce qui a été entrepris en bien et surtout en mal par la suite dans l’espace francophone s’est fait sous la logique et la dictée des principes étatiques gaulliens successifs de la droite et de la gauche. La France est omniprésente dans de nombreux Etats africains avec deux principaux objectifs : d’abord s’approvisionner en matières premières, ensuite positionner, au-dessus du socle économique, des équipes étatiques dirigeantes érigées en castes conduites par des hommes de paille devenus artificiellement puissants par la grâce de la France pour la sécurisation des transactions économiques, commerciales et financières des Etats noirs avec elle et avec le reste du monde.
La France est en train de perdre pied en francophonie par ses fautes, ses maladresses et ses violents actes impopulaires. Tous les successeurs de Charles De Gaulle ont continué à encensé sa politique de domination coloniale en s’efforçant de l’améliorer par maquillage, sans jamais, semble-t-il, songer à la réformer positivement en prévision de ce qu’un jour les Africains se rendront compte de son hypocrisie et de sa duplicité. Depuis la coloniale, le Gabon occupe une place très spéciale dans les rapports entre la France et ses territoires d’outre-mer. Ailleurs, des personnalités ont été portées au pouvoir après des assassinats en remplacement des présidents en fonction. Au Gabon, le coup d’Etat de février 1964 contre le président Léon Mba a été un flop à cause de la meurtrière et illégale intervention des soldats français en faveur du régime BDG. Non seulement la France a mis le grappin sur l’économie gabonaise, mais, pire, elle a toujours décidé et choisi, devant le monde entier, l’individu qui doit diriger le Gabon avant et après l’institution et la structuration d’une machine dite Etat indépendant dénommée « République gabonaise ».
La revendication de la démocratie prend en Afrique francophone, où la majorité des peuples sont de tradition orale, la forme de la volonté d’expression : liberté de parler puis d’écrire pour une minorité de la population. En s’accaparant les activités économiques productives des matières premières : bois, mines, pétrole, cacao, café, etc. et en monopolisant le droit de porter au pouvoir l’individu de son choix, la France a doublement privé les peuples gabonais et africains, tant au plan économique que politique, de leurs droits humains, civiques, de leur liberté d’expression, de leur souveraineté et de leur liberté entrepreneuriale. Malgré l’existence au Gabon de quelques pionniers nationaux dans le secteur forestier, avant et peu après l’indépendance, les Gabonais ont été subtilement écartés des activités économiques. L’on retrouve cette situation avec peu d’agression et d’impact dans les autres pays francophones où parfois les changements se font à la direction des Etats après l’organisation de vrais faux scrutins libres et justes.
C’est plus la privatisation de la liberté de choisir leurs dirigeants que celle de contrôler leurs économies qui est la cause de la rapide et brutale propension de ce qui est qualifié par Emmanuel Macron de « sentiment anti-français », mais qui, en réalité, n’est que le résultat, voire la conséquence de la pratique d’une politique africaine surannée et vieillotte de la France qui est incapable de comprendre le signe des temps. La France doit avoir conscience que l’époque et les méthodes de De Gaulle, Foccart, Debré, Messmer, Defferre, Bob Denard, Delauney et autres baroudeurs et paternalistes français sont révolues. Que cela soit à court terme ou pas, vrai ou faux, les peuples africains souhaitent que leurs États se libèrent de la domination française et se donnent des partenaires moins agressifs et moins méprisants à leur égard ; à condition d’avoir au préalable des gouvernants patriotes, légitimes, justes et expérimentés.
En vérité, aucun Africain formé à la française ne peut, en accédant au pouvoir, remettre radicalement en danger les intérêts français dans son pays
Aussi, la France continue de se fourvoyer en voulant installer au pouvoir des États noirs, hors des voies constitutionnelle et démocratique, des hommes liges impopulaires et sans connaissance de l’histoire des relations entre le Gabon et la France et entre l’Afrique francophone et la France. La France est grandement responsable de la terrible bourrasque socio-politique, idéologique et militante qui secoue la francophonie et qui pourrait prendre les formes dont celle de la RCA, avec la présence voulue des Russes, et celle du Tchad par l’assassinat d’Idriss Deby. La France a trop souvent grossièrement et exagérément manœuvré pour placer ses comparses noirs au pouvoir en Afrique. Dans l’avenir, elle sera encore soupçonnée, à tort ou raison, d’être partie prenante quand des militaires progressistes agiront pour destituer leurs chefs corrompus et despotiques. Autant la France a porté des personnalités au pouvoir, autant elle en a assassiné en cas de nécessité pour la sauvegarde de ses intérêts. Mais, fondamentalement, quoique disproportionnés, déséquilibrés et mal gérés, les intérêts stratégiques de la France et les intérêts et besoins basiques des peuples des pays africains s’entremêlent depuis des générations.
Les relations franco-africaines sont de plus en plus contradictoires, voire conflictuelles par endroits
Cette nouvelle donne est caractérisée par une crise généralisée en zone francophone qui est le concentré de l’arrogante et de la partiale attitude de la France en faveur des pouvoirs illégitimes au détriment des peuples. Au Gabon, cette crise se traduit, depuis un demi-siècle, par d’incessantes fraudes et violations de la loi, de la Constitution ; en particulier lors des périodes électorales.
En 2009 et, surtout, en 2016, la France avait une opportune occasion, sous la direction de son nouveau jeune président, de rompre avec la pratique gaulliste de sponsorisation et de cooptation des dirigeants étatiques africains. Au Gabon, elle aurait accompli la volonté du peuple qui ne voulait plus d’un Bongo au pouvoir. Les situations du Tchad et de la RCA sont des signes avant-coureurs qui indiquent les voies que pourraient prendre les Etats francophone, poussés par leurs peuples, si rien de consistant, de positif et de différent n’est fait pour leur permettre de recouvrer leur pouvoir souverain.
Au Gabon se pose encore la problématique de la résolution juste, véridique et pacifique du conflit post-électoral de 2016 qui serait de nature à constituer le point de départ du renouveau des relations politiques entre la France et les pays francophones ; ceux de l’Afrique centrale qui compte encore deux anciens chefs « pro gaullistes » au pouvoir qui pourraient aussi être tentés à leur tour d’instituer une succession de type dynastique. Même plébiscité par le peuple, aucun candidat se réclamant par convenance de l’opposition n’a jamais été déclaré vainqueur à une élection présidentielle gabonaise par les institutions chargées de la gestion des votes. Ce fait est confirmé par le scrutin de 2016, le dernier en date, qui a été organisé sous la supervision des « observateurs européens » dont certains étaient français. La victoire de Jean Ping est de notoriété publique et indubitable… Les Gabonais attendent toujours son installation à la fonction présidentielle qu’ils lui ont octroyée. Pour ce faire, ils attendent que la Cour constitutionnelle puise dans sa loi organique la stipulation juridique qui lui permettra de corriger sa décision qui a privé les Gabonais de leur massif choix électoral. Ici aussi, la France doit encourager le triomphe de la vérité et de la justice pour sortir de l’immobilisme actuel. La résolution, quoique tardive, du conflit post-électoral gabonais devrait permettre à la France et au Gabon de poser les jalons de la reconnaissance et de la revalorisation des principes démocratiques dans l’espace francophone. La France gagnerait à œuvrer à l’ouverture de cette voie en collaboration avec les progressistes patriotes gabonais panafricanistes francophiles de tous bords. Il y a urgence et péril en la demeure.
Un véritable dialogue franco-africain doit se tenir
Les ambassadeurs de France et les autres agents de renseignements français accrédités dans les Etats francophones, dont Monsieur Autier Philippe, ambassadeur de France au Gabon, doivent faire aux personnalités politiques de leur pays (futurs candidats à la présidentielle de 2022) un rapport exhaustif et véridique sur l’avilissement de l’image de la France en Afrique et la volonté des populations de se donner les responsables de leur choix. Depuis l’arrivée d’Ali Bongo au pouvoir, la France a perdu sa position dominante dans certains secteurs d’activités économiques au profit de nouveaux partenaires : mondialisation oblige ! A deux ans de la présidentielle gabonaise et à un an de celle de la France, qui seront toutes deux organisées dans des contextes très sensibles et incertains, il revient aux responsables institutionnels de faire preuve de sagesse et de discernement pour ne pas définitivement compromettre les relations entre le Gabon et la France et, pire, entre la France, les Etats et les populations de l’Afrique centrale. La prise de conscience citoyenne pousse les populations africaines à souhaiter la rupture avec la France pour s’allier à un autre puissant pays qui se montrerait plus respectueux des valeurs socio-humaines et de leur envie de développement et de progrès.
Tout change et bouge en se dégradant en France, en Afrique francophone et au Gabon. Une ferme volonté d’améliorer les conditions de vie des citoyens doit se traduire par des décisions et des actes d’intelligence et de sagesse de la part de tous les partenaires francophones. QUI VIVRA VERRA !
Guy NANG BEKALE
Excellentes et surtout constructives réflexions
A méditer.