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Gabon/Après le discours à la Nation du chef de l’Etat : La future loi électorale et la problématique des bœufs votants !

Après l’adoption de la nouvelle Constitution du pays, cap bientôt sur l’élaboration d’une nouvelle loi électorale devant garantir la transparence des futures échéances politiques. Malgré l’hypothèque que reste le fait par le gouvernement de laisser gérer ce processus délicat, par des arbitres qui vont officier sous les ordres de dirigeants d’un club dont ils sont eux-mêmes issus.

Mais la menace, pour la transparence et la crédibilité des résultats attendus, est beaucoup plus encore dans des détails à ne pas négliger. Comme le boulevard ouvert depuis 2017, à la transhumance politique et au vagabondage des électeurs.
Le message était très attendu depuis la validation, par la Cour constitutionnelle, des résultats définitifs du scrutin référendaire du 16 novembre dernier. Le président de la République n’a pas attendu très longtemps pour s’exprimer sur les leçons à tirer de cette première élection organisée par le pouvoir de transition. Et se projeter, rapidement, sur la suite du processus qui devrait arriver à terme fin août de l’année prochaine, à la suite d’élections que Brice Clotaire Oligui Nguéma veut transparentes et donc crédibles. Or la transparence, et la crédibilité qui en résulte, passent nécessairement par la confection d’une liste électorale fiable, dans tous les cas, stable avec l’exclusion, systématique des morts et les rajouts, année après année, des jeunes compatriotes ayant atteints l’âge requis pour exercer leur droit de vote.
Nous n’insisterons pas sur le casse-tête que constitue, pour l’administration gabonaise qui en est malgré tout complice dans une large mesure, le manque de fiabilité de nos pièces d’état civil, falsifiées depuis de nombreuses années par la volonté antipatriotique de conservation du pouvoir de l’ancien système qui survit encore en dépit des coups à lui, portés par… le coup de force du 30 août dernier. Beaucoup de…compatriotes africains et du reste du monde disposeraient, qui d’une carte nationale d’identité, qui d’autre d’un passeport ordinaire, voire de service établis sur la base d’actes de naissance faux et de souches originale de ces pièces qui leur auraient été vendu.
Nous insisterons principalement sur la problématique des « bœufs votants » que la loi électorale d’alors, révisée après les « Accords d’Angondjè » en 2017, avait insuffisamment cerné. Pire, le consensus trouvé par les acteurs politiques de tous bords lors de ce conclave tenu après la sanglante répression des manifestations post-électorales de 2016, est venu créer un véritable boulevard de transhumance politique, aussi bien chez les acteurs pouvant se présenter aux élections partout au Gabon, mais aussi chez des électeurs qu’ils pouvaient déplacer à souhait d’une circonscription locale à une autre circonscription locale et, plus grave encore, d’une province du Gabon à une autre dans le pays. Un vrai désordre. Mais pas seulement : une disposition conflictogène en ce qu’elle porte et valide le mépris des originaires et habitants des sièges politiques à pourvoir, non seulement pour la constitution des deux chambres du Parlement ; mais aussi pour la gestion des collectivités locales dont les animateurs doivent bien connaître préalablement les besoins et les potentiels de tous ordres.
Dans les dispositions de la loi que sont venus modifier les accords politiques de 2017, toujours fortement arrosés de corruption fiduciaire comme d’habitude sous l’ancien système, il était prévu, pour endiguer le phénomène qui prenait de l’ampleur et défavorisait les populations locales et les moins nantis, des garde-fous. Il y était expressément mentionné que pour s’inscrire dans une liste électorale dans une circonscription donnée, il fallait naturellement y résider. Même à titre provisoire, comme c’est le cas des fonctionnaires et des employés et artisans du secteur privé ou informel. Mais aussi, pour ceux qui ne résideraient pas sur place, y avoir des liens de famille régulièrement entretenus, ou y disposer d’un investissement visible pour celles et ceux qui ne seraient pas originaires de la circonscription visée.
A titre d’exemple illustratif, et puisque nous pouvons le certifier, du moins plus fermement à une époque pas si éloignée, le woleu-ntémois Edmond Okemvele Nkogue, qui avait investi dans l’agro-alimentaire à Ebel-Abanga, dans le Moyen-Ogooué, pouvait, si cela lui était loisible, s’inscrire sur la liste électorale de cette circonscription ; puis y briguer n’importe quel mandat électif. A la suite des arrangements politiciens d’Angondjè, c’est n’importe qui aujourd’hui, qui peut se présenter légalement au Gabon, là où bon lui semble. Ce qui n’est que possible en théorie, car en réalité, le lit est fait ici aux femmes et aux hommes les plus fortunés du système et qui se trouvent dans les deux camps qui se disputaient encore le pouvoir avant la chute d’Ali Bongo Ondimba.
La disposition expose aussi certaines provinces du pays à une espèce de « fagocitation » politique à l’image de provinces comme le Moyen-Ogooué, l’Ogooué-Maritime et l’Estuaire. Personne ne voit sérieusement une telle disposition menacer les élites politiques du Woleu-Ntem ou du Haut-Ogooué. Quel Gabonais peut envisager d’aller s’improviser politicien à Oyem et Bitam ? Ça va commencer comment ! Non plus qu’à Bongoville, Ngouoni ou Ndindi. Or tout reste possible ailleurs, dans ces champs de maïs politiques où l’on peut facilement se faire élire ici, et aller tranquillement accueillir le chef de l’Etat là d’où l’on vient réellement. Il se dit par exemple que déjà dans le passé, le déclin politique électoral de Zacharie Myboto à Mounana avait commencé, en son temps, par le verrouillage, à l’aide de barricades au moment des scrutins législatifs, avec Hervé Patrick Opiangah à la manœuvre, de l’axe routier Lastourville-Mounana où l’ancien cacique du système Bongo/PDG se ravitaillait alors en « bœufs votants » originaires de la province sœur.
Le stratagème n’avait été mis en place que lorsque le « boa de Mounana » n’était plus en odeur de sainteté avec le parti où il fut l’indéracinable Secrétaire administratif. Avant de connaître une ascension gouvernementale fulgurante.
C’est dire que le recours, moyennant finances, à des électeurs n’ayant aucune attache réelle avec le milieu où ils viennent fausser les résultats, a toujours été usité par le système politique encore enraciné dans le pays aujourd’hui, comme vient de nous en faire la cruelle démonstration, la campagne du dernier scrutin référendaire. C’est dire aussi ainsi, qu’il y a urgente nécessité à retirer, dans la future loi électorale, des dispositions qui sont potentiellement porteurs de risques pour la cohésion nationale.
En effet, et c’est loin d’être une vue de l’esprit, il est possible, depuis l’adoption de la modification électorale tirée des Accords d’Angondjè, de s’inscrire, de faire massivement enrôler et de se faire élire, haut la main, dans une circonscription où l’on demeure pourtant un parfait inconnu de la notabilité et des autorités locales. A titre d’exemple, un jeune homme de bonne famille et de grande fortune résidant de façon continue à Lalala, dans le cinquième arrondissement de Libreville peut choisir avec les règles du jeu que fixe l’actuel code électoral, d’aller briguer dans un des arrondissements de Ntoum, et d’y faire très rapidement fortune. Imageons les dégâts pour le taux d’abstention qui pourrait être observé dans la circonscription lors des prochains scrutins, si le jeune « promoteur politique » finit par se lasser de la gestion des choses de la cité, ou choisisse d’aller expérimenter ailleurs, à Kango ou à Cocobeach, ce qui lui aurait si bien réussi non loin de ces sièges d’accès facile par la route. Si un jeune novice en politique peut réfléchir ainsi, que penser des vieux caïmans de la scène publique nationale autrement mieux armés à tous points de vue.
L’horizon présidentielle étant désormais obstrué après la limitation de l’âge d’accès à la présidence à 70 ans pile poil, les aînés, devenus accros à la chose politique, n’auront plus d’autres choix, certains comme ils en ont les moyens, que de cibler le parlement et les collectivités locales pour continuer à exister politiquement. Même si l’on doit désormais relativiser, l’influence réelle des deux chambres de l’institution parlementaire, avec la présidentialisation, à outrance, du nouveau régime politique engendré par l’adoption massive de la nouvelle constitution.
Toutefois, et malgré les apparences de solidité institutionnelle dont certains veulent se féliciter, le Gabon reste un pays d’équilibres à préserver, et donc, par conséquent, fragile quelque part…
Il faut donc savoir raison garder, et éviter de faire avec la nouvelle loi électorale, les forcings observés. Il ne faut surtout pas tenter d’ajuster la nouvelle loi, qui ne devrait pas être impersonnelle que de nom, pour tenter à nouveau d’exclure les uns ou les autres par des artifices juridiques dont les anciens et les nouveaux kounabélistes, en quête de pouvoir, sans passer par les urnes, ne sont pas avares.

Sylvanal BéKan

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