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Gabon. Chronique politique/Dialogue national inclusif : Tout ça pour ça ?

Le président de la transition a reçu, mardi 30 avril 2024 dernier, le rapport général sanctionnant les travaux du Dialogue national inclusif contrôlé de bout en bout par le CTRI et ses alliés objectifs, le PDG et le clergé clairement identifié comme des ennemis du peuple gabonais. En effet, malgré l’épiphanie médiatique, annoncée et célébrée à grands frais par le CTRI et son gouvernement, « les langues vénales » s’accordent à dire que les résolutions issues de cette grand’messe ne sont pas à la hauteur des attentes des Gabonais.

Les référents objectifs

Le 2 mars 2024, la CNR montait au créneau et disait haut et fort que « le pouvoir n’a pas le droit de dépenser des milliards pour de l’enfumage ». Convoqué pour restaurer les institutions, le dialogue est sorti de son lit et a pris une tangente particulière. Le président de la transition, à cet effet, a ciblé les partis politiques en les suspendant d’autorité, au mépris des dispositions légales qui les régissent. Le PDG, qui a réalisé l’exploit mondial d’enfanter cent trente généraux en quelques années seulement, a écopé de trois ans de « purgatoire », entrainant ses satellites dans sa chute. Qu’est-ce qui suggère au général Brice Clotaire Oligui Nguema de s’en prendre avec un tel acharnement aux partis politiques ? Le temps nous le révèlera.
Cette résolution, proposée par la commission politique, prise en otage par les éléments des forces de défense et de sécurité en surnombre, doit être réexaminée avec lucidité en considérant tous les référents objectifs consacrés par la sagesse humaine et le corpus légal. C’est donc sur la base de la sagesse humaine alliant habileté et prudence dans nos comportements, ainsi que sur le fondement du corpus légal, que les Gabonais, à l’instar des membres de la CNR, s’expriment objectivement pour rejeter en bloc cette recommandation inique. Tout comme elle n’adhère point à tous les sujets susceptibles de mettre en péril les acquis de la Conférence nationale de 1990, garante de quelques acquis sociaux, notamment le retour au multipartisme et la restauration, bien que balbutiante, de l’Etat de droit. Fidèle à son engagement vis-à-vis des Gabonais, la CNR ne saurait ni cautionner ni applaudir des résolutions anti-populaires et anticonstitutionnelles mettant en danger le vivre-ensemble entre les filles et les fils de notre pays. Au demeurant, à l’ouverture des travaux du Dialogue national inclusif, le président de la transition avait lancé les hostilités en traitant la classe politique de « politicards et responsables de la déliquescence du pays ». Des propos qui, de manière sibylline, paraissaient annoncer la liquidation des partis politiques. Même au pic le plus fort de la dictature des Bongo/PDG, pareille situation n’a jamais été imaginée. « Tout ça pour ça ? », serions-nous tentés de nous exclamer.

Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes

Pour justifier la suspension des partis politiques, le CTRI fait valoir l’argument de la pléthore des formations politiques, pourtant favorisées et légalisées par les régimes successifs Bongo/PDG du fait, pensons-nous, de la diversité idéelle.
Par devoir de mémoire, il convient de souligner que le système Bongo/PDG a passé le clair de son temps, entre autres, à multiplier les partis politiques en les divisant et en les alimentant pour lui servir de caution politique. A rebours de développer le pays, il a consacré la majeure partie de temps à concocter des stratégies d’achat des consciences de ses adversaires politiques redoutés, à procéder à leurs éliminations, à déstructurer et à fragiliser leurs partis. Le Mouvement de redressement national (Morena) fut morcelé, l’Union socialiste gabonaise (USG) émiettée, le Parti gabonais du progrès (PGP), disloqué, le Congrès pour la justice et la démocratie (CDJ) déboîté, l’Union du peuple gabonais (UPG) dépiécée. La CNR et l’UN (Union nationale) n’ont pas été épargnées. La liste est longue et tous furent sacrifiés sur l’autel de la devise bongoïste : « diviser pour mieux régner ». Le CTRI, qui s’est substitué à la dictature Bongo/PDG, ne peut pas se dérober, car nul ne peut réclamer justice si le dommage qu’il subit est le produit de ses propres actions illicitement et/ou illégalement menées.
A l’instar du système d’écoute et de renseignements, la pléthore des partis politiques dans notre pays est l’un des domaines dans lequel Omar Bongo Ondimba excella ; les uns servant d’oreilles de la tyrannie, les autres de caution politique à la dictature. Par la suspension des partis politiques, le CTRI tente de bousculer l’un des édifices que son mentor Omar Bongo n’a pas réussi à faire ébranler, à savoir la liquidation de l’opposition véritable impliquée dans la défense des principes de vérité et de justice. Les moyens et la méthode qu’utilise le général Brice Clotaire Oligui Nguema pour la suspension des partis politiques défient tout entendement. La CNR, la création, l’organisation et le fonctionnement des partis politiques sont encadrés par la Constitution en son article premier, alinéa 13, qui dispose que « le droit de former (…) les partis ou formations politiques est garanti à tous dans les conditions fixées par la loi ». Sauf à violer la loi, comme à leur habitude, cette mesure ne saurait prospérer, car, selon l’article 11 du décret n° 0115/PT-PR/MRI du 8 mars 2024 portant convocation et organisation du Dialogue national inclusif, « les conclusions du Dialogue national inclusif (…) doivent être conformes à la charte de la transition ». A l’examen, tout le corpus légal en vigueur ne prévoit ni la suspension ni la dissolution générale des partis politiques légalement reconnus.
La France, leur modèle et leur idole, compte 579 partis politiques légalement reconnus sans dépeindre le fonctionnement de la démocratie. Spécialiste du double standard politique, elle reste bouche cousue face à cette mesure de suspension des partis politiques qui aurait été injuste si elle avait été prise au Burkina Faso ou au Niger. Pour avoir osé, le Mali figure sur la liste noire des pays anti-démocratiques.
La CNR, le 3 mai 2024, a déclaré que « la réduction du nombre de partis politiques se fera d’elle-même par la mise en place et l’application d’un système électoral crédible, transparent et des modalités de financement claires et conditionnées ». Le paradoxe conduisant cette autorité, qui clame haut et fort sa volonté de rassemblement pour « un essor vers la félicité » et, en même temps, favorise la destruction du tissu politique et, partant, social, est saisissant.
Pour comprendre cette attitude, nous ne le dirons jamais assez, un homme politique se doit d’engager un dialogue avec lui-même. Ce dialogue intérieur, bien construit et bien conduit, lui permettra d’être en équilibre avec lui-même. Lorsqu’il n’est pas en équilibre avec lui-même, la politique menée ne sera pas la « science de gouverner un Etat et de diriger les relations avec les autres Etats », mais la propension à exercer la tyrannie, à faire couler le sang des compatriotes, à tuer, à massacrer avec, en prime, la ruse, la roublardise et le mensonge érigés en mode de gouvernement. C’est cette couardise, cette roublardise machiavélique érigée en mode de gouvernement que le CTRI a mises en œuvre pour organiser un dialogue avec quelques Gabonais triés d’autorité sur le volet et placés sous le contrôle serré des forces de défense et de sécurité. Dans ce sens, le format trahissant son ambition, la suspension des partis politiques, accompagnée de la création massive d’associations dévolues, est une chimère permettant de faire du général le seul coq dans la basse-cour.

Le format trahit l’ambition du CTRI

Bras armé du régime Bongo/PDG et jambe de force de la famille Bongo, le clergé le fut tout au long du règne des Bongo. Lors du dialogue, cette connivence s’est une fois de plus manifestée. Les Gabonais ont constaté avec étonnement l’empressement avec lequel « les hommes de Dieu du pouvoir » ont adoubé le « messie » en déclarant que si les Gabonais décident de lui accorder un mandat présidentiel, ce ne sera que justice. Ainsi s’exprimait le porte-parole du bureau du dialogue, dévoilant par la même occasion l’objet réel de cette grand’messe qui était d’accorder un mandat présidentiel au général en transition. Adeptes des salons feutrés du palais du bord-de-mer, « les hommes de Dieu du pouvoir » ont, dans leur majorité, inter-changé le pouvoir que Dieu, le Créateur, leur a conféré contre le pouvoir de l’argent-dieu. Ils se sont engagés à ne plus « cacher la poussière sous le tapis », à dissimuler leur accointance avec le pouvoir. Les Gabonais ont vainement interpellé le clergé pour que soit actée la commission vérité-justice-pardon-réparation-réconciliation lors des assises du dialogue. L’association des victimes des atrocités du pouvoir PDG, attachée à l’idée que la vie est un don de Dieu dont nous ne sommes que coopérants, crut bon de s’appuyer sur Mgr Iba-Ba, président du dialogue et ci-devant « homme de Dieu »,

pour les aider à passer leur message. Cette association fut sans ménagement jetée hors de la cathédrale sainte Marie par l’archevêque métropolitain.
En lien avec ce qui précède, un souci revient avec récurrence. L’excommunication consacre l’exclusion par l’Eglise des membres qui ont des activités contraires à la morale chrétienne. L’indifférence du clergé aux massacres des populations à mains nues constitue, à tous égards, un acte fondamental d’excommunication. Dans ces conditions, ne faut-il pas, pour indifférence, excommunier ceux qui ne peuvent pas venir en aide aux plus faibles ? Cette question devrait rappeler, à tout moment, que « l’amour du prochain » est une exigence du ministère de Dieu. L’indexation et l’exclusion abjectes d’une partie de la population par un souci mercantiliste ne sont pas des sacerdoces ecclésiastiques.

La vérité finit toujours par triompher

La doxa enseigne que la vérité n’a pas de tombe. Ce n’est pas le recours à l’applaudimètre organisé par le CTRI et exécuté par des fan-clubs, qui pensent que la politique est l’art de faire de la comédie ou le théâtre sur une scène, qui changera quoi que ce soit à cette réalité. Les Gabonais ont constaté qu’en lieu et place du débat intelligent, les applaudissements et les acclamations l’ont supplanté pour laisser passer, telle une lettre à la poste, les résolutions, même les plus iniques.
Pour sa part, la CNR sait que la vérité finit toujours par triompher. Elle est convaincue que les Gabonais ne sauraient se réconcilier sans vérité, justice et réparations. Sinon, quel sort est-il réservé aux victimes post-électorales de 1993, 2009 et 2016, sans oublier les arrestations et emprisonnements arbitraires, la gâchette facile de certains agents dits des forces de défense et de sécurité ? Qu’en est-il des auteurs et commanditaires des assassinats politiques, des crimes rituels, de la massification des détournements des deniers publics, de la surfacturation, de la passation illicite des marchés et de la corruption tous azimuts ? Comment peut-on justifier que des criminels économiques aient été libérés, en gardant le fruit de leurs rapines, alors que le jeune Kelly Ondo, qui a tenté « un coup de libération » avant celui du 30 août 2023, est toujours maintenu derrière les barreaux ?
La question fondamentale de la nationalité gabonaise et, particulièrement, l’accès aux hautes fonctions de l’Etat, aux relents discriminatoires et antinationaux, évoquée par les participants au dialogue présentent le risque de conduire au déchirement du tissu national. Etre né de père gabonais et de mère gabonaise ne suffit pas pour justifier la loyauté et le patriotisme à l’égard de l’Etat. Il y a des Gabonais de père et de mère qui ont pillé l’argent du pays sans vergogne, assassiné froidement d’autres Gabonais. Les dégâts causés par ces politiques d’exclusion sont patents ailleurs, notamment la « congolité » et l’« ivoirité ». En Côte d’Ivoire, le concept « d’Ivoirien de souche multiséculaire » fit des vagues. Dans ce pays frère, la candidature à l’élection présidentielle fut interdite à toute personne n’étant pas né de père et de mère ivoiriens, eux-mêmes nés de père et de mère ivoiriens. Dans ce sens, la CNR a salué le courage du gouvernement de la République Démocratique du Congo qui a su reculer sur cette épineuse et dangereuse question qui visait à écarter des Congolais qui ne sont pas de père et de mère congolais de la course à la présidence de la République. Si, dans leur position et fonction, Sylvia Bongo Ondimba et Brice Laccruche Alihanga ont mis toutes les autorités politiques, administratives et militaires gabonaises au garde-à-vous et à genoux, ce n’est pas parce qu’ils étaient étrangers, mais bien parce qu’ils ont rencontré des Gabonais cupides et peu courageux.
Au demeurant, les Gabonais se souviennent d’une « première dame », gabonaise de père et de mère, qui a mis toute une banque en faillite en laissant de nombreuses familles dans la désolation, sans compter les multiples frasques et exactions commises à l’encontre de paisibles citoyens, tous des actes illégaux et impunis mettant en cause la dignité des Gabonaises et des Gabonais.
Pour la CNR, être Gabonais de souche, c’est être né de père gabonais ou de mère gabonaise conformément à l’héritage légué à la postérité par les sages pères fondateurs de la Nation gabonaise qu’ils ont même pris soin d’inscrire dans le code de la nationalité jusqu’à présent en vigueur.

Beauty Nana Bakita Moussavou

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