« Pourquoi le paiement des droits d’auteur ne se fait pas et qui a le pouvoir de débloquer la situation à l’heure actuelle ? », s’est demandé le musicien, auteur, compositeur, interprète, président de l’Association des artistes gabonais (Assaga) et consultant dans la pratique des droits d’auteur après la conférence de presse qu’il a animée le vendredi 19 octobre dernier dans un complexe commercial, au PK 9, de Libreville.
Mingoexpress : Vous venez de réunir une bonne brochette d’artistes musiciens qui ont participé à votre conférence de presse. De quoi avez-vous parlé ?
Edzome Jean-Marie : D’abord, grand merci à journal de se rapprocher de nous pour être notre messager.
Pour répondre à votre question, je dis qu’à notre conférence de presse nous avons parlé du Bureau gabonais des droits d’auteur et droits voisins (Bugada) pour chercher à avoir la réponse à la question « pourquoi le paiement des droits d’auteur ne se fait pas et qui a le pouvoir de débloquer la situation à l’heure actuelle ? ». Nous avons trouvé qu’il est bon de faire la lumière sur cette situation en commençant par l’origine de la création de cet organisme de gestion collective.
En effet, la première structure était l’Agence nationale de promotion artistique et culturelle (Anpac) qui a été créée en 1983. Quatre ans après, la loi 1/87 instituant la protection des droits d’auteur a été délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, puis promulguée le 29 juillet 1987. Dès cette année-là, l’Anpac a mis en place une commission dite commission à recette. Cette commission a fait la perception des redevances jusqu’à sa fermeture sans jamais rien reverser aux artistes. Et, en 2006, deux décrets sont pris. Le décret 452 fixant le règlement relatif à la gestion des droits d’auteur et le décret 453 qui fixe la tarification relative aux droits d’auteur. La même année, l’Etat à confié à l’Anpac la mission de mettre en place le Bugada en lui octroyant, en 2006, une subvention de 30 000 000 de francs ; en 2007, 50 000 000 ; en 2008, 40 000 000 ; en 2009, 80 000 000 et en 2010, une somme de 150 000 000 de Fcfa. En 2011, l’argent a été volatilisé. En 2012, le chef de l’Etat a reçu en audience le directeur général de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). C’est une société qui fait dans les droits d’auteur en France. Cinq mois après cette audience, le chef de l’Etat a pris le décret 472/MENESTFPCJS portant modification de certaines dispositions du décret n° 000453/PR/MCAEP du 23 mai 2006 fixant la tarification des redevances des droits d’auteur. C’est ce décret qui a retiré à l’Anpac la mission qui lui a été confiée et, trois mois après, il a pris le décret 024/PR/MENESTFPCJS du 16 janvier 2013 portant création, attribution, organisation et fonctionnement du Bugada. Donc, c’est là qu’est né le Bugada par la volonté de l’Etat.
Quelles sont les missions du Bugada ?
Le Bugada a pour rôle essentiel de protéger les œuvres de ses adhérents, de percevoir les redevances de ces derniers et de faire la répartition de ces redevances entre les auteurs, les voisins et leurs ayants droit. Il faut que l’on sache que quand on parle de la perception des redevances, il s’agit de la collecte d’argent auprès des usagers consommateurs des œuvres artistiques et de l’argent collecté par la douane qu’on appelle copie privée. Et quand à la répartition de cet argent, c’est le décret 452 qui fixe le règlement relatif à la gestion des droits d’auteur. Il stipule, en son article 83, que le payement des droits d’auteur, des droits voisins ou à leurs ayants droit doit s’effectuer deux fois par an. Donc, depuis 2013, date de la création du Bugada, jusqu’à nos jours, on aurait dû avoir 20 payements au lieu des 2 qui ont été versés aux artistes en monnaie de singe.
Je profite de votre espace pour répondre à la question de certains dans les réseaux sociaux qui se demandent « combien doit-on reverser aux artistes depuis la création du Bugada ? ». Voici la réponse ! Dans le décret 453, qui fixe la tarification des redevances relatives aux droits d’auteur, il y a la liste des opérateurs économiques qui doivent payer la dite redevance. Prenons l’exemple des télécommunications, le cas des maisons de téléphonie mobile et des télé-diffuseurs ! Airtel Gabon, par exemple, doit payer un forfait de 15 Fcfa par jour et par ligne d’un abonné. Sur la base d’un million d’abonnés, le montant est de 15 000 000 de Fcfa par jour, 450 000 000 de Fcfa par mois et 5 400 000 000 de Fcfa par an qu’Airtel Gabon doit verser pour les artistes au Bugada. Il en est de même pour Gabon Télécom. Le montant total de ces deux sociétés s’élève à 10 800 000 000 de Fcfa par an. Il y a également les télé-diffuseurs que sont Canal +, Satcon, TNT, Startimes et autres qui paient également 5 400 000 000 de Fcfa pour le son et 50 % du prix du son pour l’image, soit 2 700 000 000 de Fcfa. Donc, Canal +, par exemple, doit payer 8 100 000 000 de Fcfa par an. En additionnant toutes ces sommes d’argent, on obtient 18 900 000 000 de Fcfa. Si on ajoute TNT, Satcon et Startimes, nous dépassons la barre de 20 000 000 000 de francs. Les textes prévoient 60 % pour les artistes, 30 % pour le fonctionnement du Bugada et 10 % pour le service social. Donc, la dette s’élève à 200 000 000 000 de francs depuis la création du Bugada jusqu’à nos jours. Et nous n’avons pas ajouté les brasseries, les bars, les snack-bars, les boîtes de nuit, les maisons de commerce… Je vous laisse imaginer la suite. Les gens traitent les artistes gabonais de pauvres. Evidemment, nous sommes les oubliés par notre propre Etat. Si on nous versait tout cet argent qui nous revient de droit, serions-nous encore des artistes pauvres ?
A votre avis, pourquoi le conseil d’administration du Bugada, qui est son organe de décision et d’orientation, ne siège toujours pas depuis le remplacement du Pr François Owone Nguema à ce poste et la nomination du nouveau directeur général ?
Comme vous le rappelez, le conseil d’administration est l’organe de décision et d’orientation du Bugada. Donc, s’il ne siège pas, les artistes ne pourront pas prétendre toucher leurs droits d’auteur. Il faut rappeler que le paiement conventionnel ne peut se faire qu’à la seule condition de mettre en place tous les mécanismes appropriés et que le paiement forfaitaire reste la seule option. En conclusion, la répartition doit se faire au bénéfice de tous les artistes membres du Bugada et à leurs ayants droit.
Propos recueillis par C.O.
Une situation qui perdure depuis le président gabonais Omar Bongo. A croire que être paciphiqure ou légaliste envers nos dirigents est un crime. Il faut de ce fait employer ls manières fortes.