Plus rien ne va au sein de Réagir (Réappropriation du Gabon, de son indépendance pour sa reconstruction). Une frange du bureau exécutif a décidé de se débarrasser du « président élu », François Ndong Obiang. Ce dernier ne se serait pas laissé tondre la laine. Il a viré l’ancien intérimaire qu’il avait nommé lors de sa nomination à l’Assemblée nationale et a nommé un nouveau en la personne de Persis Lionel Essono Ondo. Ce dernier nous a accordé une interview où il revient longuement sur la crise qui secoue son parti et pointe du doigt le secrétaire général, Jean Valentin Leyama. Lecture ! (Interview réalisée à la veille du référendum).
Le Mbandja : Bonjour, Monsieur le président par intérim du parti Réagir !
Persis Lionel Essono Ondo : Bonjour !
Depuis quelques temps votre parti, Réagir, connaît des dissensions profondes en son sein. Que pouvez-vous nous en dire ?
Réagir a lancé la caravane d’explication et de vulgarisation de la Constitution et je pense que ces questions sont beaucoup plus importantes que les mésententes qui existent ou qui peuvent exister entre membres d’un parti politique. Ce qui est tout à fait normal. Dans toutes les familles, il y a des dissensions. On n’est pas souvent d’accord, mais ce qui est important, lorsqu’on n’est pas d’accord, c’est de se dire la vérité. Parce qu’on ne peut absolument pas construire une famille et aussi une nation avec la manipulation et avec le mensonge. Je signale que ça va être certainement la dernière fois que je vais m’exprimer publiquement sur la question.
Et quelle est l’origine de ces dissensions qu’on constate en ce moment au parti Réagir ?
Lorsque nous nous sommes mis ensemble, c’était autour des valeurs que nous partagions. Ces valeurs, c’est la concertation. Ces valeurs, c’est la sincérité. Ces valeurs c’est une expression démocratique au sein du parti, le respect des statuts qui sont la loi que nous nous sommes donnée. Lorsque François Ndong Obiang a été nommé à l’Assemblée nationale comme premier vice-président de cette institution, il s’est conformé au statut de réalité. Il s’est conformé à l’article 16 des statuts de Réagir qui dispose qu’en cas d’incompatibilité entre les fonctions au sein de l’exécutif du parti et une fonction au sein de l’appareil d’État, le membre du bureau exécutif concerné doit démissionner. Pour le cas du chef du parti, donc le président statutaire, il doit nommer un intérimaire et ce, au regard des dispositions de l’article 34 des statuts. Cet article, qui porte sur le président du parti, en son alinéa 3, dispose clairement qu’en cas d’indisponibilité temporaire, le président nomme son intérimaire parmi les vice-présidents. Et puis l’alinéa 4 dispose qu’en cas d’empêchement définitif du président, le vice-président le plus âgé assure l’intérim du président dont l’indisponibilité définitive est constatée et actée par le bureau exécutif. Il assure l’intérim pendant trois mois jusqu’à l’organisation du prochain congrès. Voilà les dispositions qui sont claires et qui ne souffrent d’aucune ambiguïté.
Et lorsque François Ndong Obiang a été nommé, il a respecté ces dispositions. On a constaté l’incompatibilité avec ses fonctions de premier vice-président de l’Assemblée nationale et ses fonctions de président du parti. Lorsque tu rentres dans cette incompatibilité, on ne dit pas que tu n’es plus président du parti, on dit tout simplement que tu te retires parce que les fonctions que tu vas occuper exigent de toi une présence à temps plein et que tu ne peux absolument pas continuer à faire vivre le parti comme si tu n’étais pas nommé à l’Assemblée ou dans une autre fonction. Ce qui est le cas pour beaucoup de situations dans l’administration publique. C’est du droit administratif pur. Tu restes en fonction, mais plus en service. Voilà où se trouve la nuance. Tu as juste nommé ton intérimaire le temps que tu occupes ces nouvelles fonctions. C’est ça que le président Ndong Obiang a fait et lorsqu’il l’a fait, il a nommé son intérimaire en la personne de Monsieur Guy Roger Aurat. Lorsqu’il a nommé ainsi Guy Roger Aurat, ce dernier est devenu président par intérim.
Je vous donne des faits analogues. A l’Union nationale, Madame Missambo a nommé son intérimaire, Barro Chambrier, au RPM, a nommé son intérimaire dans la même foulée. Ces intérimaires sont toujours en activité aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que l’indisponibilité demeure, parce que l’incompatibilité demeure. Et puis parce que ces intérimaires-là sont restés fidèles à la ligne directrice du parti qui a été définie par le congrès qui a confié sa responsabilité au président. Ndong Obiang reste le seul responsable devant le congrès de Réagir et, d’ailleurs, selon les statuts, il est le seul habilité à convoquer ce congrès. Donc, dire à celui qui est habilité à convoquer l’organe le plus important du parti qu’il n’est plus président du parti parce qu’il a confié l’intérim à un vice-président, c’est un faux débat, c’est du mensonge, c’est de la manipulation, c’est un coup d’État. Clairement !
Alors revenons au problème fondamental, c’est justement le fait que lorsque je nomme quelqu’un pour me représenter parce que je ne suis pas disponible, cette personne-là et moi devons être un. Cette personne ne peut pas devenir mon premier opposant dans le parti. Cette personne ne peut pas fomenter des coups bas dans mon dos. Cette personne, même si elle doit librement gérer le parti et me rendre compte, si elle le souhaite, doit quand même rester fidèle à certains engagements que nous avons pris pendant le congrès. Elle doit rester fidèle aux décisions collégiales que le parti a prises. Elle ne peut pas décider d’entraîner le parti dans une direction sans consulter celui qui l’a nommé et sans consensus avec l’ensemble du bureau exécutif. Or, c’est ce qu’a fait Monsieur Aurat sous la direction de Monsieur Jean Valentin Leyama, le secrétaire exécutif.
Selon vous, dans quelle direction Guy Roger Aurat et les autres entrainaient-ils Réagir ?
Ils ont décidé de faire de Réagir la future opposition au CTRI sans nous consulter. Sans consulter le bureau exécutif, ils ont changé de ligne politique. Pourquoi je le dis ? Parce qu’au lendemain du coup de la libération, nous avons organisé une réunion exceptionnelle du bureau exécutif. Le président Ndong Obiang était encore président d’Alternance 2023 et, à cette réunion-là, on a dit au président Ndong Obiang d’aller convaincre ses pairs d’Alternance 2023 pour accompagner et soutenir le pouvoir au sein du parti et tous ceux qui sont avec lui. Est-ce que vous ne faîtes pas mieux de dire « les gars, asseyons-nous ! Voilà ce que nous reprochons au CTRI. Nous pensons que maintenant là on ne veut plus le soutenir ». Et puis tout le monde est d’accord, on discute et on prend cette position. Lorsque, pendant un an, le parti ne s’est pas exprimé publiquement sur toutes les questions d’intérêt national parce que, justement, on s’exprime plutôt dans les forums Facebook, on s’exprime plutôt dans le forum du parti où l’on prend des positions contre non seulement les membres du parti, mais aussi contre les membres du gouvernement, contre les membres du CTRI, contre toute attente. Ce que je veux dire c’est que lorsqu’on a décidé de changer de ligne politique, on le fait dans le cadre du parti et on associe tout le monde à la discussion et à la réflexion. On ne le fait pas en catimini.
Lorsqu’on va rencontrer Bilie-by-Nze chez Pascaline Bongo pour définir la nouvelle opposition au CTRI, pour ceux qui sont aujourd’hui opposants au CTRI et qui voient Bilie-by-Nze comme un opposant à la transition, ils sont allés le voir pour dire on va travailler ensemble maintenant, on va faire ceci, on va faire cela. Et il se trouve que certains membres de Réagir sont dans cette conspiration. Bon, nous qui sommes vice-présidents et parmi nous des fondateurs du parti, est-ce que moi j’ai envie d’être associé à Bilie-by-Nze ? Est-ce que François Ndong Obiang, qui est premier vice-président de l’Assemblée nationale, a envie que son nom soit associé à Bilie-by-Nze ? Et quand on pose le problème et qu’on veut discuter pour dire non, Jean Valentin Leyama, qui est à l’origine de tout ça, a supprimé les membres du bureau exécutif qui s’opposaient à ça dans les groupes de discussions du parti. Voilà ce qui s’est passé !
Réagir navigue-t-il vers une scission, la formation de deux groupes ?
Il y a un parti régulièrement constitué avec un président statutaire qui a été élu par le congrès. Il y a un président intérimaire qui a été nommé régulièrement conformément aux règles et aux statuts et puis il y a des mécontents. Je n’appelle pas ça groupe. Un moment donné ils vont revenir à la raison et le parti va avancer. Nous sommes ouverts à ce qu’on travaille et qu’on continue de travailler ensemble, mais dans la vérité et la sincérité. Maintenant s’ils continuent dans cette position, nous serons bien obligés d’appliquer la loi parce que nos statuts nous les avons déposés et fait signer par le ministère de l’Intérieur qui est garant de la vie du fonctionnement des partis politiques, de l’ordre public au sein des organisations politiques et associatives. Et devant les juridictions administratives compétentes du pays, nous allons régler ce problème.
Et pourquoi votre siège reste-t-il fermé ?
C’est eux qui ont fermé le siège en mettant des SGS devant le siège du parti. Nous, on n’a pas besoin de siège pour travailler. La preuve, en un an, en plus d’un an, depuis Alternance 2023, on n’a pas vu une manifestation aussi importante de Réagir que celle que nous avons tenue vendredi dernier. Et ça, on n’a pas eu besoin de siège pour ça, de s’asseoir pour faire des réunions à longueur de journée et à gaspiller le temps des gens à s’insulter et à dire du n’importe quoi. Quand on n’est plus capable de travailler ensemble, on se sépare. Nul n’est obligé de rester dans une association.
Propos recueillis par Rol Filbrice